L’espoir n’est jamais définitivement brisé avec des hommes et des femmes dignes de ce nom

" quand
quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre
au carnaval des autres
ou dans les champs d’autrui
l’épouvantail désuet "

Les vers d’Aimé CESAIRE qui m’a fait l’honneur de me recevoir près de 45 minutes dans son modeste et beau bureau de l’ancien hôtel de ville de Fort de France, résonnent encore dans ma tête à mon arrivée à Paris alors que je prenais connaissance des nouvelles du pays : la République Centrafricaine, des turpitudes de Félix Patassé et des gesticulations de ces hommes qui se risquent à l’opposition depuis ces dernières semaines, à la faveur des bombardements de leurs parents, ethnies et régions, par les légions étrangères venues à la rescousse du président Patassé.

J’aurais pu aussi bien citer le colonel Alexandre Banza, cet autre compatriote que Patassé considéra dès décembre 1967 comme un dangereux rival à éliminer par tous les moyens et qui eut une fin tragique, particulièrement dégradante sous les coups conjugués du ministre Patassé, du colonel Mandaba alors chef d’état major et du général-président Bokassa. Dans un élan de courage et de dignité, Alexandre Banza trouva la force de lancer comme un défi aux bourreaux qui s’apprêtaient à l’achever :

"  Exécutants des vils besognes
toujours en quête de charognes,
vous retardez certes la renaissance
mais jamais vous ne briserez l’espoir
c’est dire, la République Centrafricaine ". 

Ilot de paix et de sérénité dans une Afrique centrale en proie à la guerre civile à la fin des années 50 début des années 60, la République Centrafricaine portée sur les fonds baptismaux par Barthélemy BOGANDA patriote sincère, panafricain convaincu, homme de dialogue et de paix ; aspirait à un développement harmonieux tant ses atouts étaient réels et nombreux.
- unité linguistique, harmonie et paix entre les populations
- potentialités agricoles, cynégétiques et minières exceptionnelles
- ressources hydrauliques innombrables

Diviser pour mieux régner

L’élimination précoce de Barthélemy BOGANDA par ce qu’il est convenu d’appeler la Françafrique, l’absence de leader charismatique, les querelles de succession, la mal gouvernance qui s’en est suivie, ont précipité ce pays dans l’œil du cyclone. Patassé l’a achevé avec des apprentis sorciers, turfistes des banlieues parisiennes et bruxelloises, détenteurs de certificats et attestations en tout genre des écoles françaises et autres, en quête de reconnaissance. Ils débarquèrent des avions dans la suite de celui qui se faisait appeler " le grand libérateur ".

Des pauvres diables qui vivaient des aides sociales, des subsides et autres ont été pris de transe sous les lambris de la République. L’esprit de revanche qui les tenaillait, combiné avec la chasse aux sorcières, les a conduit dès leur installation à des mesures qui, très rapidement obérèrent les finances publiques et contribuèrent à entamer durablement l’image de l’Etat. Un seul exemple : Patassé élu président de la république, se fit payer dès les premiers jours de son mandat en 1993, un rappel de 12 années de salaire de premier ministre au motif que, exilé pendant 12 ans sans ressource, l’Etat centrafricain lui devait cette juste indemnisation !

Les grognes des fonctionnaires, les mutineries de soldats de l’armée nationale, habilement exploités et présentés comme un signe fort de refus de l’autorité du " nouveau président démocratiquement élu par une partie de la population en l’occurrence les Yakomas, ethnie du général Kolingba, président sortant battu ", permirent à Félix Patassé et à ses hommes de main de :
- neutraliser l’opinion publique internationale,
- noyauter totalement l’armée nationale et de la tribaliser à bon compte,
- de créer une milice et des commandos de la mort.

Alors même que les dénonciations les plus virulentes et les actions les plus audacieuses contre la politique du général Kolingba furent menées jadis par des patriotes de toutes régions et plus encore par des Yakomas, il faut bien reconnaître que Patassé fut si bon manœuvrier qu’il réussit à liguer nombre de Centrafricains du centre, de l’ouest et du nord contre les Oubanguiens : les Centrafricains riverains du fleuve Oubangui, c’est à dire les Ngbandis. Le gros de la diaspora centrafricaine à l’étranger se laissa même abusé un temps, entraîné par des militants et sympathisants MLPC particulièrement actifs. Les escarmouches au sein du Collectif des Centrafricains en France (CCF) au plus fort de la crise du régime en 1997 révéla à quel point la passion avait dépassé la raison. Même en juin / juillet 2001 lors du génocide des Ngbandis, il s’est trouvé nombre de Centrafricains y compris au sein de l’équipe dirigeante du CCF et des partis politiques pour nier les faits ou trouver des " circonstances atténuantes à Patassé " !

C’était assurément mal connaître le monstre. Patassé ne connaît et ne vit que pour ses intérêts immédiats. Il sacrifie tout ce qui lui porte ombrage ou lui dispute une parcelle de pouvoir. Tous les apprentis sorciers, les cadres et les politiciens de courte vue l’ont appris, à leurs dépens depuis novembre 2001. Le pilonnage de leurs villages et régions en octobre et novembre 2002 par les des forces étrangères venues de la Libye du colonel Kadhafi et du Congo de Jean-Pierre Bemba suscitent des cris de cœur et des lamentations. Mais cela ne saurait constituer une politique opposable, alternative.

L’émotion ne fait pas une politique

C’est bien connu, les dictateurs qui se sont succédés dans les palais nationaux à Bangui ont connu de longévité par la faute d’une élite centrafricaine sans éthique, préoccupée plus par des résidus matériels récupérés par ci et là et par leur image auprès des Français dont ils espèrent une reconnaissance et toujours une juste récompense !

Les sacrifices des jeunes et scolaires en 1979, des hommes de troupe et soldats de base en 1997 ont suscité des émotions populaires certes mais sans plus. Le génocide des Ngbandis en 2001 n’a pas connu meilleure fortune si je puis m’exprimer ainsi. La guerre sans merci que Patassé mène aujourd’hui contre ses partisans d’hier risquent de connaître le même sort, d’être comptabilisée au chapitre pertes et profits du régime si les patriotes les plus conscientisés continuent de se planquer, s’ils continuent d’espérer l‘intervention de la communauté internationale ou pire, s’ils mordent au piège du prétendu dialogue national qui se dessine depuis que las d’attendre l’éveil des politiques, des militaires patriotes ont pris des armes contre le régime le plus rétrograde et le plus barbare que le pays ait jamais connu.

Patassé spolie le peuple centrafricain et le combat par le fer depuis son accession au pouvoir. Il doit être combattu par les mêmes moyens, c’est à dire par le fer, jusqu’à ce que justice soit rendue au peuple. Tel doit être le credo ou le seul mot d’ordre.

Libérer la RCA de la tyrannie et de la servitude

Pour libérer la RCA de la tyrannie et de la servitude, il faut se résoudre à une action vigoureuse, d’envergure, sans merci contre Patassé et son système.

Il faut constituer rapidement la plate forme idoine et notamment :

- définir et conduire une véritable stratégie de fusion avec les populations centrafricaines des quatre coins du pays,

- renforcer et coordonner les actions militaires sur le terrain en vue d’isoler Bangui du reste de la République Centrafricaine,

- établir une communication sans équivoque avec les Etats, y compris avec ceux qui soutiennent militairement Patassé ; rappeler qu’ils ne gagnent rien à prêter main forte à un homme et un régime vomi par le peuple. Leur signifier la justesse de notre cause et notre détermination de les combattre militairement en Centrafrique, terre de nos ancêtres et la nôtre.

- définir une stratégie de sortie de crise qui ne laisse aucune place à Patassé,

- élaborer un programme commun pour la renaissance de la République Centrafricaine et le gouvernement provisoire pendant les 4 ans qui suivront la liquidation de Patassé et de son régime infâme.

Un tel programme a l’avantage de clarifier la situation, de permettre d’identifier les vrais patriotes pour qui la quête du pouvoir pour le pouvoir et l’argent n’ont jamais été l’objectif en politique.

En effet comment peut-on espérer gagner une bataille et à plus forte raison la guerre contre un régime tyrannique et de prébende avec des individus douteux qui attendent la première occasion pour vous poignarder dans le dos et des Etats qui au mieux, considèrent la République Centrafricaine pour sa position géostratégique, pour ses ressources minières et le peuple pour epsilon ?

Paris, le 29 novembre 2002

JB PELEKET


Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains