DE LA NECESSAIRE STRUCTURATION DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE
par Narcisse Komas
(New-York, Etats-Unis)

 

Après quarante ans d'indépendance formelle de la plupart des anciennes colonies d'Afrique Noire, les visions et les rêves d'une bonne gestion sociale, économique, culturelle et politique pour un avenir meilleur de leur peuple restent encore très loin d'être réalisés.

Le cas de la République centrafricaine m'interpelle en particulier en raison de mon attachement pour mon pays et à cause de la situation misérable et déplorable dans laquelle vivent mes compatriotes.

Le manque de pratique démocratique qui a caractérisé notre pays pendant les différentes dictatures civiles (Dacko) et militaires (Bokassa et Kolingba) aurait pris fin avec les élections démocratiques et transparentes de 1993. Malheureusement, la ré-instauration de la démocratie seulement par la conquête du pouvoir suprême n'a pas apporté la paix, le développement économique, l'entente sociale comme prévu. Par contre le régime issu de ces élections s'est lancé dans une course "vertigineuse" de destruction du pays (en l'espace de trois ans, le pouvoir d'achat du Centrafricain a fortement chuté, la misère s'est largement répandue au niveau de la population) dépassant de loin, en incapacité à gérer les biens de l'Etat et en corruption, les régimes précédents. Les bilans sectoriel et global sont totalement négatifs avec une politique économique inexistante, un taux de chômage inimaginable, un taux d'inflation galopant et incompressible, une criminalité en progression exponentielle et enfin une misère touchant toutes les couches de la population plaçant ainsi la République centrafricaine parmi les 10 pays les plus pauvres au monde. Seuls les barons du régime avec le Président Patassé en tête partagent les maigres ressources de l'Etat.

Depuis avril 1996, le pays vit dans l'ombre de la guerre civile après la succession de trois mutineries (dont la dernière fut réprimée dans le sang grâce au concours des forces de l'armée française et de la MISAB) qui furent suivies par les massacres des populations civiles en juin 1997.

La conjonction de tous ces événements a été la conséquence directe d'un manque flagrant de pratiques démocratiques dans la conduite d'une politique générale nationale mise en place par Patassé et ses sbires au lendemain de son élection à la Présidence de la République. En prenant part massivement aux élections de 1993, le peuple centrafricain s'attendait à une gestion rigoureuse, sérieuse et claire de la chose publique associant tous les Centrafricains quelle que soit leur origine ethnique, tribale, et raciale. Malheureusement, Patassé et son clan ont décidé, comme leurs prédécesseurs, de confisquer le pouvoir dans le seul but de s'enrichir en témoignent les multiples affaires (Affaire Zongo oil, affaire des 325 milliards de F CFA, etc.) et les tentatives de manipulations au cours des deux dernières élections (législatives et présidentielles) ou le MLPC, partie du Président Patassé a introduit "légalement" la corruption active au niveau d'une institution respectable qu'est le parlement. Le mal centrafricain né sous le régime Dacko, grandi sous Bokassa, survécu sous le régime du Général Kolingba s'est finalement enraciné et a pu développer ses tentacules incommodants sous le régime de Patassé et ses sbires.

Cette situation déplorable dans laquelle se trouve notre pays à l'aube du 21ème siècle sollicite l'engagement de tout Centrafricain pour la recherche de solutions appropriées aux misères économique, sociale et politique dans lesquelles les régimes successifs antinationaux nous ont conduit. Tous les symptômes réunis démontrent actuellement l'agonie du régime Patassé. Ces faits établis, un débat de fond s'impose à cet instant précis, pour la gestion concrète de l'après Patassé et pour la RE-NAISSANCE de la démocratie centrafricaine en dehors de toutes manoeuvres partisanes et politiciennes.

Un débat honnête et franc devant l'histoire pour redéfinir de nouvelles vision et orientation politiques, économiques, sociales et culturelles pour notre pays (quitte à ce que plus tard, chaque parti politique définisse au cours des campagnes électorales les voies et moyens qu'ils comptent mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs) en vue de lui tracer une voie sérieuse vers un développement économique durable et équitable pour tous ses enfants. Un forum clair, dénué de toute passion qui doit réunir toutes les forces vives de la nation centrafricaine, j'entends : les partis politiques (et jamais uniquement ceux-là), la jeunesse centrafricaine, les syndicats, les associations (Koli-gara, Wali-gara, boubanguéré, commerçant, des femmes, etc.) et organismes oeuvrant au pays ainsi que la société civile pour mettre en place une autorité de transition capable de ressusciter un état centrafricain en banqueroute et de lui permettre de rétablir ses institutions démocratiques et républicaines mises a mal par le régime Patassé et ses sbires. Le débat est lancé, et ses objectifs fixés. Le cadre souhaitable pour ce genre de débat est :

Le COMITE NATIONAL de TRANSITION, en tant que structure aura un statut transitoire, apte à insuffler une nouvelle vie à la démocratie centrafricaine.

* Toutes les couches de la société centrafricaine doivent y être représentées.

 

* Il devra être dirigé par un Présidium (issu de ce Comité), constitué de six (6, le nombre important peu) personnalités (politiques et civiles, qui devra être un collège exécutif) dont le but serait de réviser les textes constitutionnels et institutionnels en rapport avec les valeurs issues de nos sociétés centrafricaines (je reviendrai plus tard sur la notion de valeurs centrafricaines qui doivent nous guider dans la mise en place des textes fondamentaux de notre pays). Passant outre cette notion, nous continuerons à produire des textes constitutionnels auxquels le peuple centrafricain n'y croira pas et ne se sentira nullement concerné car sortant du contexte centrafricain et demeurant trop occidental, formels et théoriques pour nos réalités.

 

* Les membres de ce Présidium ne pourront pas se présenter à l'élection présidentielle au terme de leur mandat qui sera d'organiser les élections au bout d'un temps bien déterminé, en l'occurrence 6 mois : condition sine qua none pour éviter toute idée de récupération par tel ou tel parti (ou homme/femme) politique.

 

Ce travail est nécessaire pour éviter une sixième faillite de notre système politique à la suite de celles constatées lors de passage de Dacko I et II, Bokassa, Kolingba et Patassé à la magistrature suprême de l'état centrafricain.

Les troubles sociaux qui agitent depuis le mois de septembre notre pays montre à suffisance, la faillite et la déroute d'un régime sanguinaire, affairiste, corrompu (en témoignent les multiples affaires financières et les assassinats dont les enquêtes diligentées n'ont jamais abouti) incompétent et incapable de sortir le pays du marasme économique.

Les travailleurs centrafricains sont assez responsables pour défendre leur droit et montrent à travers leur stratégie de lutte leur clairvoyance et leur détermination vis-à-vis d'un pouvoir décadent et antisocial, qui essaye par des moyens démagogiques et illégaux (corrompre les dirigeants syndicalistes) à se maintenir par la force à la tête de l'état.

Un dirigeant responsable doit savoir partir à temps quand il est incapable de résoudre les problèmes quotidiens de ses concitoyens. C'est ainsi que la jeunesse centrafricaine, une fois encore, en pressentant le danger, vient d'entrer dans la lutte aux côtés des vaillants travailleurs centrafricains pour exiger du Président Patassé de prendre ses responsabilités en reconnaissant son bilan négatif et néfaste pour le pays, et par la même en quittant la magistrature suprême de l'état.

L'implication de la jeunesse au niveau du combat politique va permettre aux travailleurs de s'occuper de leurs revendications syndicales dont le but est non seulement le paiement des arriérés de salaire, mais également le respect du travailleur et du peuple par le pouvoir politique bien qu'il soit "démocratiquement élu".

Ainsi, le combat de la jeunesse centrafricaine d'aujourd'hui rejoint celui mené en 1979 par la jeunesse de l'époque contre l'une des dictatures les plus oppressives et les plus féroces des temps modernes en Afrique à savoir celle de Bokassa. Les Centrafricains doivent se souvenir que Patassé en faisait partie en tant que Premier ministre. Leur combat pour libérer le pays du joug de ce nostalgique de Bokassa n'est que légitime et logique dans la mesure ou nos compatriotes jeunes d'aujourd'hui seront les responsables de demain. Il est clair que la mal gouvernance d'aujourd'hui les pénalise à savoir qu'ils auront à gérer des dettes improductives pour le pays parce qu'ayant profité aux corrompus et autres affairistes d'hier et d'aujourd'hui. Il est donc important de pouvoir mettre en place une structure de relève rassemblant toutes les forces s'étant engagées dans la lutte pour cette re-naissance de la démocratie.

L'apport de cette jeunesse venant de tous les horizons centrafricains (sans distinction d'origine ethnique, de race ni de religion) montrent la prise de conscience collective par rapport à une situation donnée. Leur détermination ainsi que leur volonté de voir un véritable changement est une garantie pour une nouvelle Centrafrique résolument tournée vers notre devise nationale à savoir Unité - Dignité - Travail.

Cette attitude est également une garantie pour une victoire de la démocratie, de la justice et de l'équité sur la dictature, la corruption et la division. Les partis politiques ainsi que les opportunistes (militaro-fascistes, etc. ) ne doivent pas encore chercher à confisquer le pouvoir comme en 1966, 1979, 1981 et en 1993. Ils doivent par contre composer avec cette jeunesse ainsi qu'avec toutes les forces vives de la nation pour offrir une alternative dynamique et nationale au peuple centrafricain. Ainsi, la nécessité pour la mise en place du comité national de transition s'impose car le changement qui se profile à l'horizon est essentiellement dû (comme il en a été le cas au cours de tous les changements intervenus au pays) à l'implication des différentes couches de la population centrafricaine dans la lutte pour la revitalisation de la démocratie, de la justice et de l'équité pour un futur pays propre débarrassé des corrompus, des opportunistes et des affairistes.

Il n'y a plus de doutes possibles sur la fin de règne de Patassé 1er et de son clan. Les forces démocratiques centrafricaines doivent être prêtes à mettre en place ce Comité de Transition (démocratique et national) qui témoignera de la volonté des différents acteurs (sociaux, politiques, culturels et bien sûr la jeunesse centrafricaine) de voir un véritable changement s'opérer au niveau de notre nation. Le dialogue, l'intégration de toutes les ethnies, races et religions représentées au pays et le devoir de prémunir contre des phénomènes comme l'avènement des personnages bouffonnesques et démagogiques doivent guider la République à prendre des lois pour barrer la route à ces genres de personnage. L'Allemagne n'a pas hésité à prendre des lois républicaines pour se protéger contre les éventuels futurs idéologues nazis. Après Bokassa, Kolingba et Patassé, la République doit prendre ses responsabilités. La jurisprudence Bokassa est encore là et j'espère que la justice centrafricaine s'en souviendra pour débarrasser le pays des apprentis dictateurs.

 


CONTRIBUTION : TRANSITION OU ALTERNANCE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - CONTEXTUALISATION POUR UN SCHEMA THEORIQUE DE "L'APRES-PATASSE"