L'éternel recommencement ou volonté de changement à la Centrafricaine : Du pessimisme ? De la tentation? Une question de méthode ?


1- Centrafrique ou une histoire qui se répète.

La République Centrafricaine; je me demande si aujourd'hui encore ce qualificatif de république est légitime. Quels attributs particuliers de tout ce qu'il y a de république ce pays a-t-il encore? Est-ce le fait que les partis politiques n'aient pas été dissous qui en constituerait la raison d'être? Voudrait-on faire croire que l'existence des partis politiques dans le pays serait le critère déterminant qui autoriserait l'usage du terme république? Le Général de Brigade François Bozizé a chassé Patassé du pouvoir; il a suspendu la constitution et dissout l'assemblée nationale; la cour suprême n'a plus court. Faudrait-il faire remarquer que ce coup d'état a fait franchir une nouvelle fois le rubicon à ce pays? La République Centrafricaine a une fois encore perdu son identité. Combien de temps cela durera-t-il? Si l'on estime que l'existence de la constitution d'un pays est encore une de ces créations diaboliques du blanc pour tromper le noir, et, que celle-ci peut être abolie à volonté, alors pourquoi aurait-on été surpris d'être témoin des exactions de ces milices, militaires et autres vigiles qui estiment être les plus forts et au-dessus des lois qu'ils prétendent respecter? Si Bozizé a foulé au pied cet ensemble de conventions qui étaient supposés protéger les institutions du pays et les droits des citoyens les plus faibles, l'on pourrait se poser des questions sur le véritable mobile de son coup d'état. N'est-ce pas comme prétendre retirer les menottes des pieds et des mains d'un prisonnier pour immédiatement les troquer contre de nouvelles en or! Où est donc cette nouvelle liberté? Le prisonnier devrait-il être heureux pour autant, à cause de l'excellente qualité de la joallerie? Mais revenons à notre sujet! Alors que fait-on? Appelons donc ce pays la Centrafrique, tout court, en attendant que l'homme fort du pays décide un jour ou l'autre de le re-baptiser Empire Centrafricain, ou de lui redonner le nom de Oubangui-Chari pour faire un peu nostalgique, ou de lui trouver une autre appellation plus originale, ou encore de lui redonner rapidement le droit d'avoir une constitution solide et permanente. Le pays en est à son troisième régime militaire. L'on sait que pour donner le change et garder un semblant de légitimité, chacun des régimes militaires de Bokassa, de Kolingba et maintenant de Bozizé avait introduit des civils dans leurs gouvernements respectifs. Mais que nous réserve cette troisième aventure militaire? Le peuple avait chaque fois applaudi l'arrivée et le règne des militaires, puis avait célébré la longévité de chacun de ces régimes militaires. Chaque fois ces régimes militaires avaient laissé un goût amer dans la bouche en organisant d'énormes escroqueries financiers, en portant à son paroxisme les malversations, les privations de droits des citoyens et autres injustices en tout genre, et, en introduisant la misère dans le pays. Chaque fois aussi, chacun de ces régimes avait rencontré sa fin. Est-ce que prédire un parcours identique au régime de Bozizé serait l'expression d'un pessimisme ou d'un fatalisme quelconque? Peut-être ou peut-être pas! Enfin, l'histoire nous le dira. J-D G

 

2 - Le nouveau gouvernement. Quelles méthodes?

L'observation des tractations et autres activités qui se développent en général autour de la formation d'un nouveau gouvernement, montre l'empressement des hommes et des femmes qui étaient hier dans les partis d'opposition, à jouer du coude pour prendre la relève et prétendre faire mieux que leurs prédecesseurs. L'on avait reproché à Kolingba de nommer les siens à des postes importants à la tête des institutions financières du pays. Cette pratique effrontée du népotisme bien évidemment n'avait pas apporté la prospérité financière aux institutions qui les employaient. Sous Patassé, les postes étaient offerts à tour de main aux technocrates et scouts du MLPC et des partis de la mouvance présidentielle. Dans ce cas encore, le peuple a eu beaucoup de mal à identifier les bénéfices engrangés lorsque le système du MLPC avait consisté à offrir, sans aucun critère sérieux, certains postes ministériels aux autres partis politiques en récompense de leur loyauté. Qu'adviendra-t-il cette fois? Devant quelle institution de l'état le premier ministre et le membres de son gouvernement devront rendre des comptes si l'assemblée nationale a été dissoute par Bozizé? A quel dessin le gouvernement parlerait-il de transparence pour commencer? Mais l'on attendra cependant de voir si les affaires de l'état seront traitées différemment par la nouvelle équipe du gouvernement du Premier Ministre Abel Goumba, et, de se persuader que tous ces hommes et toutes ces femmes qui auront été choisis, ont enfin compris le sens profond du service public, qui avait toujours manqué à la classe politique dans le pays. Est-ce que chacun d'eux saura trouver l'inspiration, l'intégrité, et le courage nécessaires pour satisfaire en premier les véritables aspirations du peuple centrafricain? La balle n'est plus dans le camps de Patassé, mais dans celui de Bozizé. Comme le cours des évènements pourraient évoluer rapidement,le peuple saura, très prochainement, tirer les conclusions qu'il faudra. J-D G

 

3 - Etre à la fois au four et au Moulin. La tentation.

J'ai beaucoup d'admiration pour le Professeur Abel Goumba qui avait démontré que l'engagement politique est un processus ardu et que l'intégrité politique ne signifiait pas nécessairement retourner sa veste ou manger à tous les râteliers, au gré des évènements. Ceci a été la leçon la plus importante que j'ai retenue des enseignements politiques du Professeur Goumba. Cependant, je suis déçu qu'il ait décidé de quitter son podium d'arbitre de la vie politique pour assumer le rôle de Premier Ministre de Bozizé, approuvant de facto l'instauration d'une autre dictature militaire dans le pays, contrairement aux principes importants qui avaient guidé sa vie politique. Qu'est-il advenu à ces principes politiques? A qui sera donc échu ce rôle très respecté de référence politique qui était si nécessaire à une forme d'éducation civique du peuple et à l'exercice des règles et principes démocratiques? Le chef du FPP réalise-t-il pourquoi Bozizé a jeté son dévolu sur lui? N'est-ce pas surtout parce que Bozizé cherchait une certaine forme de parrainage ou un aval populaire pour légitimer son titre de Président! N'est-ce pas aussi parce que Goumba était peut-être le seul exemple de conviction politique qui ait persisté et d'intégrité qui soit démeuré au sein d'une classe politique peu attachée aux valeurs du civisme et aux principes de la démocratie? Ces caractéristiques qui étaient les siennes avaient fait défaut aux autres chefs de partis, qui étaient entrés en politique plus pour le prestige, la satisfaction de leur égo, et le gain financier que pour la réalisation d'une vision politique qui soit bénéfique pour tous les citoyens. Les chefs des partis politiques influents dans le pays avaient eu la convenance de faire la démonstration de leurs ambitions personnelles et avaient affiché contre leur gré les limites de leurs capacités à diriger les affaires du pays avec objectivité, honnêteté et charisme. Qui désormais devrait assurer ce rôle de garde-fou ou d'objecteur de conscience d'une classe politique qui soit digne de ce nom? Malheureusement, Abel Goumba a, à son tour, entendu le chant des sirènes et voulu s'essayer à la gestion quotidienne des affaires de l'état. En plus de sa détermination à démontrer à tous que sa vision politique et sa rigueur de la gestion des affaires publiques seraient exemplaires, j'espère qu'il aura surtout la chance de faire beaucoup mieux que ces prédécesseurs. J'espère surtout qu'il saura convaincre Bozizé et sa clique à remettre en priorité le pays sur le chemin de la véritable démocratie, sans poser de conditions préalables et sans préjuger des aspirations réelles du peuple. Si non, quelle autre alternative valable resterait-il à considérer si la mesure de cette nouvelle aventure montre, un jour prochain, les signes caractéristiques d'un échec? Devra-t-on attendre chaque fois qu'il y ait un soulèvement populaire, une mutinerie ou un coup d'état, afin de faire semblant de vouloir remettre la machine de l'état en route?

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d'Amérique
Fri, 18 April 2003 04:52:16 -0400


4 - Le Peuple Centrafricain devra proposer un contrat au Général Bozizé.

 Après l’instauration de l’empire centrafricain, chaque gouvernement des régimes Bokassa, Dacko, Kolingba et Patassé, avait chanté à peu près le même refrain, à propos des arriérés de salaires et pensions. Tous avaient publiquement annoncé que “le gouvernement avait pris l’engagement solennel de payer “x” mois d’arriérés de salaires dûs aux militaires et aux civils.” Ou encore que “le gouvernement prennait l’engagement de payer régulierement les salaires.”  Chaque fois le chef de l’état ou le premier ministre était allé à la radio, faire aux travailleurs des promesses qui n’avaient jamais été tenues entièrement.  Chaque fois ces travailleurs et militaires désespérés les avaient cru.  Aujourd’hui, le Général Bozizé et son Premier Ministre utilisent le même subterfuge pour calmer les esprits et allonger l’échéance du régime.  Combien de temps cette mascarade va-t-elle durer avant la manifestation d’un autre mouvement de mécontentement populaire?  Peut-être qu’en fait le peuple centrafricain devrait demander au Général Bozizé, au Premier Minitre Goumba et à tous les membres du gouvernement de ne pas percevoir de salaires jusqu’à ce qu’ils aient trouvé une solution définitive et satisfaisante à ce problème d’arriérés de salaires.  Le peuple devrait proposer ces termes dans son contrat avec Bozizé.  Si dans un délai raisonnable à déterminer, il n’y a toujours pas de solutions satisfaisantes au problème, alors il devra laisser la place à un autre fils ou fille du pays, capable, et qui serait choisi(e) par le peuple.

Par ailleurs, ce que l’on a passé sous silence, c’est que depuis 1977, les chefs d’état et de gouvernement, puis les cadres et techniciens des impôts, des douanes, du trésor et des services généraux des finances avaient été, tous, les complices, bourreaux et fossoyeurs de l’économie et de l’administration de l’état centrafricain.  Aucun, dont plusieurs sont toujours en poste, ne s’était imaginé les conséquences financières graves que leurs actes criminals (dessous de table, corruption, détournement, faux et usage de faux, vols, conflit d’intérêt, etc.) auraient sur l’économie du pays et sur toute la population dans le court terme.  Aujourd’hui, ce sont encore ceux-là mêmes qui avaient sabordé l’économie, qui se plaignent que les salaires ne sont pas payés depuis 36 mois et que les familles centrafricaines souffrent faute d’argent pour la nourriture et les médicaments, etc.  L’on n’a pas besoin de loupe pour se rendre compte qu’une très grande majorité de centrafricains avait contribué elle aussi et poussé cette infection de l’économie jusqu’au point où l’état est considéré comme malade agonisant.  Et, il ne serait pas juste d’affecter toutes les responsabilités aux seuls politiciens.  Les citoyens, travailleurs et autres devraient également assumer leur part des responsabilités dans ce marasme.

 

Comme dans les cas de l’ORD, de l’ONCPA, de l’ONEF, de la CAISTAB, et des autres sociétés d’état qui avaient donné des brillants exemples de faillite, l’administration publique et le trésor publique devraient également mettre la clé sous le paillason.  Mais avant de renaître des cendres comme le phoenix, il faudrait en repenser entièrement la nouvelle mission, les nouvelles stratégies, les principes, règles et procédures qui en assureraient son bon fonctionnement.  Ces préliminaries n’étant pas mis en place par Bozizé et son Premier Ministre, le trésor publique par exemple continuera d’être considéré comme une caisse noire dans laquelle les chefs puiseront au gré des tempéraments.  N’est-il pas déjà établi dans le pays que les règles qui avaient été établies peuvent être défaites, tout comme la Constitution?  Les ressources de l’état seront dilapidés et l’on ne déterminera jamais exactement à quelles fins ces ressources avaient été utilisées.  Les systèmes comptables caduques de l’état, le personnel que l’on recycle sans en recycler la moralité, les taxes court-circuitées et autres escroqueries sauront bien évidemment servir les nouveaux maîtres des lieux.  Pourquoi voudrait-on changer toutes ces choses, si elles ne servent pas les intérêts de ceux qui dirigent le pays?

J’espère que le Général Bozizé réalisera la gravité de sa décision de dissoudre toutes les institutions de la République Centrafricaine, et qu’il prendra consciemment à lui celle de rétablir sans délai la Constitution qui est, elle seule, la garante de l’équilibre des pouvoirs et la balise de la transparence de la gestion des affaires publiques et de la luttre contre le sous-développement.  Sinon, plus rien n’empêchera les citoyens encore lucides de croire que le Général Bozizé et le gouvernement de son Premier Ministre ne verseront dans les mêmes vices que tous leurs prédecesseurs.  Je reste persuadé que le peuple centrafricain a toute les capacités techniques et intelllectuelles requises, et, n’a pas besoin d’une longue période de 36 mois pour être capable de revoir ensemble, d’amender judicieusement et d’approuver ou non sa Constitution.

 Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique
Tue, 22 April 2003 05:02:33 -0400


Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains