Parlons donc de ces élections générales de 2010 en Centrafrique!

 

 

Quelqu’un disait: “On reconnait le maçon au pied du mur.”  Mais, est-ce qu’il suffirait d’avoir une truelle dans une main, une brique dans l’autre, et du mortier pour mériter la qualification de maçon?  Est-ce que l’on ne s’attendrait pas à ce que le maître-maçon démontre surtout qu’il est capable de construire un édifice selon les normes requises, et que la structure finale résisterait au temps pour le bonheur de son propriétaire?

 

Plusieurs années après des études faites à l’université dans le pays et à l’extérieur, études sanctionnées enfin par une maîtrise en sciences économiques, et, après avoir également passé plusieurs années au chômage et en quête d’une intégration probable dans la fonction publique, ce jeune centrafricain que je connais avait été aux abois et sans autre assistance financière que l’aide alimentaire de la famille proche.  Cette petite histoire ressemble à celle de nombreux autres étudiants centrafricains qui avaient ou pas fini leurs études et qui cherchaient un emploi dans le pays.  Mais, à quoi avait servi toutes ces années à l’école, au lycée et à l’université s’il n’y avait aucun débouché au final dans le pays?  Est-ce qu’il y aurait en réalité le besoin de réformer les cycles d’enseignement dans le pays, puis de les adapter aux besoins d’emploi et mieux préparer à la compétition avec les autres pays?  Nous laisserons aux spécialistes nationaux le soin de répondre à cette question qui, depuis, n’avait pas reçu toute l’attention qu’elle mériterait.  Mais continuons notre histoire.  Notre personnage avait finalement décidé de faire autres choses qu’attendre une intégration illusoire dans la fonction publique, afin de demeurer mentalement sain, pour gagner du temps ou encore pour simplement continuer à espérer.  Il y avait certainement beaucoup à faire dans le pays pour celui qui le voulait, autre que joindre les nombreux groupes de malfaiteurs qui essaiment le pays.  Il avait construit de ses mains un petit barrage dont la retenue d’eau avait servi de bassin piscicole, et, qu’il avait empoissonnée.  Mais nuitamment, des voleurs du coin étaient venus se servir. Puis, comme il était difficile de recommencer ce cycle laborieux, et facile de prédire un même destin à une autre vidange du bassin dans plusieurs mois, il avait décidé d’abandonner le projet.  Ne pouvant vivre de ce rêve d’être éleveur ou fermier centrafricain moderne, il s’était tourné vers d’autres cieux, en particulier vers diverses institutions d’enseignement où il avait servi comme “vacataire” avec des honoraires qui prenaient longtemps avant de parvenir à son destinataire désargenté.  Chaque tentative pour sortir de cette trappe avait été, m’avait-il confié,  comme l’expérience se faire arracher les grosses molaires par un forgeron du km5. 

 

Enfin, quand Patassé et le MLPC étaient arrivés au pouvoir à Bangui, mon personnage avait décidé de militer au sein de ce parti, afin d’avoir une chance de trouver cet emploi permanent de fonctionnaire qui tardait à venir et que beaucoup, pas nécessairement les plus méritants, avait réussi à avoir, à cause de certaines relations particulières avec les autorités du régime en place.  C’était ainsi qu’il avait milité, malgré lui, pour un régime politique dont il était parfaitement témoin des malfaisances et de la corruption.  Mais, me disait-il, c’était ainsi que cela s’était fait du temps de Kolingba et du RDC dont le régime avait fait du népotisme sa politique d’insertion des jeunes et sa politique du travail et de l’emploi des jeunes.  Quand Patassé était devenu le grand timonier, il fallait montrer les signes de son allégeance au MLPC si l’on voulait être invité à la table d’un emploi dans la fonction publique.  Ailleurs dans le secteur privé?  Il n’y avait pas grand chose, à moins de vouloir s’occuper à ranger des boîtes de conserve sur les rayons d’un marchant libanais ou autre ou à être pompiste dans une station d’essence de la place ou dans le pays.  C’était cela la triste réalité.  Et nous craignons que ce même système ne persiste après la fin du régime de Bozizé et de son KNK. Mais, est-ce que les jeunes centrafricains devraient s’attendre à un meilleur traitement lorsqu’un régime d’anciens rebelles arriverait à son tour au pouvoir à Bangui?  Le peuple centrafricain ne sera-t-il pas témoin d’une autre scène semblable à celle des libérateurs et compagnons de Bozizé qui seuls mériteraient toutes les largesses du pays, puis la reconnaissance des centrafricains?  Ne devrions-nous pas faire l’hypothèse que pour envisager de meilleurs perspectives pour tous les centrafricains, il faudrait des élections pour désigner les leadeurs qui soient les véritables promoteurs de meilleurs politiques en faveur du peuple centrafricain?  Et non des mutins, des mercenaires étrangers, des pseudo-politiciens ou autres bandits de grand chemin qui voudraient tous devenir les grands princes du pays.

 

Voyons cet autre exemple. Les fonctionnaires centrafricains se souviendront certainement du programme des départs volontaires assistés, mis en place par le régime de Kolingba avec l’aide financière de la banque mondiale, afin de désengorger les effectifs de la fonction publique centrafricaine.  Vous reconnaitrez également les bonnes intentions des grands économistes, des experts nationaux et autres professionnels du développement, à mesurer, à identifier et à proposer les solutions efficaces et sans failles aux problèmes centrafricains. Dites-nous donc, vingt ans après le premier programme de DVA, quelles en avaient été les retombées!  Est-ce que Elie Doté et son gouvernement ne s’y était, lui aussi, essayé, puis s’y était cassé les dents?  Mieux encore! Vingt années plus tard, il semblerait que l’état centrafricain devrait toujours des reliquats de compte au titre de ce DVA, parce qu’en réalité tout cela avait ressemblé à une grosse affaire d’escroquerie à propos de laquelle l’assemblée nationale ou le gouvernement  n’aurait aucune institution compétente en place pour déterminer les responsabilités et demander réparation.  Mais que vite, Démafouth et son équipe finissent de régler les comptes du désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR) à la mode, issue du dernier dialogue national inclusif!  A bien regarder, il y aurait de nombreux individus dans l’arène politique nationale qui considéreraient la Centrafrique simplement comme une vache à lait.  Et chacune de ces machineries financières serait simplement comme des prêts à fonds perdus au bénéfice du gouvernement ou des hommes politiques influents en place et de leurs acolytes.  Il n’y avait pas qu’en Centrafrique que ce genre de mesures économiques avait été réalisées.  Par exemple dans cet autre pays, il y avait eu le programme de financement des petites et moyennes entreprises en faveur des diplômés sans emploi.  Mais enfin combien de temps encore les centrafricains devront attendre pour tirer des leçons pertinentes de ces relaps?  Mais à qui donc la faute? 

 

Voila enfin une bonne question à laquelle le gouvernement, les partis politiques, les syndicats des travailleurs, les groupes de rébellion et les citoyens n’avaient jamais répondu formellement.  Peut-être enfin que ce moment serait tout à fait désigné pour que chacune de ces entités que nous avons nommées ci-dessus, présente une réponse complète, puis les idées concrètes et pratiques, autres que celles contenues dans les recommandations des anciens grands dialogues pour amuser la grande galerie.  Celles-ci devraient indiquer les directions dans lesquelles tout le peuple centrafricain devra engager les forces avant et après les prochaines élections générales.

 

Pour ce qui nous concerne, il ne s’agira pas pour cet exercice de rédiger quelques points généraux et lapidaires sur trois pages comme le ministère centrafricain du commerce et de l’industrie en avait donné l’exemple sur le site Internet du Confident.  Nous souhaiterions que chaque entité politique organise à sa manière et selon ses moyens son propre congrès national, afin de conduire des discussions intelligentes avec tous ses militants et cadres, puis de proposer des solutions pratiques, rapides et réalisables ou encore des alternatives sérieuses aux problèmes cruciaux et aux difficultés que connait le pays.  Nous considérons que ce serait au cours de ces débats libres, ouverts et indépendants que des militant(e)s, véritables fils et filles du pays pourraient élaborer des stratégies originales dont l’exécution pourrait résoudre fondamentalement les problèmes de sécurité des populations, de sûreté nationale, de travail et d’emploi, d’éducation, de santé et, qui, ensemble pourraient contenir la crise chronique que connait la Centrafrique.  La grande crise politique centrafricaine ne pourrait être résolu par la tenue des assises d’un dialogue national inclusif comme plusieurs tenants l’avaient prétendu.  Selon nous, l’alternative que nous décrivons serait celle qui engagerait véritablement tous les citoyens, toute appartenance politique confondue.  Il est tout à fait entendu que toutes ces organisations politiques centrafricaines ne devraient pas nécessairement tomber d’accord sur tous les points importants.  Il ne s’agit pas ici de la tenue d’un autre dialogue national au cours duquel tout le monde devrait accorder leurs violons, puis jouer sur le même air.  Il s’agirait ici, pour chaque groupe politique, de proposer ses idées politiques, ses stratégies, propres et originales qui seraient présentées au peuple centrafricain pour appréciation et qui pourraient servir de plate-forme de campagne électorale pour le candidat qui représenterait le groupe aux élections législatives ou aux élections présidentielles.  Afin de procéder à une sélection des meilleures idées en faveur du développement de la Centrafrique, il faudrait être à l’écoute des opinions de chaque centrafricain.  C’est pour cela que cet exercice démocratique et d’inclusion véritable que nous recommandons devrait être considéré comme d’une très grande importance.  Car personne, même le gouvernement et les rebellions n’auraient le monopole des meilleures idées pour développement du pays. Puis, vous conviendrez avec nous qu’aucun individu ne pourra opérer des miracles pour que tous ces évènements puissent être exécutés dans le temps, afin que le peuple centrafricain aille sereinement aux prochaines élections en 2010.  Il n’y aurait pas assez de temps pour bien faire les choses.

 

Lorsque tout ce travail préliminaire aura été exécuté par tous ceux qui voudraient leur part de gâteau, alors peut-être que le pays dans son ensemble sera capable de mettre au four ce grand gâteau national qui sera enfin partagé avec tous les fils et toutes les filles du pays, sans exception.  Lorsque ce travail de recollection et de préparation n’aura pas été effectué par tous et par chacun, alors ce ne serait même pas nécessaire de discuter de l’organisation des prochaines élections générales. Insister pour la tenue des élections générales en 2010 sans cette préparation initiale, serait comme exiger que le coq qui chante se mette du jour au lendemain à pondre des oeufs.  Ce serait une exigence contre nature. Pour essayer de faire comprendre à ceux qui voudraient vraiment aider, nous avancerons que la préparation à un examen ou à un concours serait peut-être aussi important, sinon plus important que le déroulement même de l’examen ou du concours.  Pour dire autrement, comment prétendre aller à un examen ou à un concours si l’on ne s’y est pas préparé méthodiquement et longtemps en avance?

 

A l’évidence donc, aucune entité centrafricaine, prétendument politique, autre que le KNK de Bozizé et l’UFVN des partis qui s’étaient alliés aux projets de gouvernement de Bozizé, ne serait véritablement capable de présenter un projet politique, différent de ce que nous avons observé depuis des décennies dans le pays.  Nous serions particulièrement intéressés par les propositions concrètes des partis, décrivant comment établir une caisse de retraite de la fonction publique, comment établir des règles de cotisation, d’investissement et de gestion, afin de mettre fin à la faillite permanente du paiement des retraites par les finances publiques de l’état?  Nous serions intéressés par les propositions concrètes pour faire cesser le grand banditisme dans le pays, pour relancer l’agriculture, le petit élevage, l’élevage du gros bétail, pour explorer les potentielles cultures de rente.  Et il y aurait d’autres nombreux maux auxquels il faudrait trouver pour chaque une solution adéquate et durable.  Aller aux élections générales sans une préparation politique sérieuse du genre que nous avons décrit plus haut, et, sans un véritable cahier des charges, sous le seul prétexte qu’il serait écrit quelque part que les élections devraient se tenir en 2010, serait encore une autre farce politique qui ne profitera jamais au pays ni à ses enfants.

 

Nous voudrions donc proposer aux députés de l’assemblée nationale de faire voter les motions suivantes:

(1) établir un calendrier qui indiquerait méticuleusement chaque étape et les activités à accomplir, à savoir, la formulation des objectifs politiques de chaque parti légitime, les critères de sélection des candidat(e)s pour les présidentielles et pour les législatives, les modalités du dépôt de candidature, le recensement de la population, les listes électorales, les bulletins de vote, les urnes, la formation des responsables des bureaux de vote, la désignation des observateurs des élections, la logistique et le transport d’équipement pour chaque type d’élection; (2) déterminer la cour ou l’institution et ses membres qui superviseraient le déroulement des élections et qui en proclamerait les résultats; (3) prolonger le mandat de Bozizé en rapport avec le grand calendrier des élections, déterminé dans le point (1), afin que celui-ci maintienne en place un gouvernement de transition d’une durée unique et non renouvelable; et enfin (4) que l’assemblée nationale soit dissoute à la fin de son mandat en attendant les résultats des futures élections dont les dates seront précisées dans le point (1).

Comme vous le savez certainement, aucune entité centrafricaine, à l’exception du KNK n’aurait les moyens financiers et logistiques pour organiser son congrès à Bangui et dans les régions. Pour cela, nous inviterons tous les pays amis de la Centrafrique et les organisations officielles ou non-gouvernementales, africaines, régionales ou internationales, spécialisées, de participer à la consolidation de la démocratie et à l’édification de la véritable république, en offrant aux partis politiques légitimes une aide financière en fonction du nombre de leurs militants, afin que ceux-ci organisent les activités que nous avons décrites plus haut. Et lorsque à la fin le peuple centrafricain aura observé tous ces évènements et leurs résultats, celui-ci saura apprécier les aptitudes de ces hommes et de ces femmes aux grandes ambitions politiques à proposer les meilleures idées et stratégies, à organiser les hommes, qui seraient les éléments déterminants d’un vrai leader politique.  Savoir diriger un pays, un peuple, ne se démontre pas en utilisant uniquement les armes contre ses concitoyens, en intimidant ses concitoyens, ou en continuant à pratiquer les anciennes politiques néfastes que l’on avait reprochées aux régimes précédents.

 

Tout ce qui précède ne serait que notre humble opinion et notre modique contribution à la volonté de consolidation du mouvement démocratique dynamique en Centrafrique.  Nous lançons donc un défi aux centrafricains pour qu’ils disent haut et fort, informent leurs compatriotes, et proposent mieux que ce que nous avons fait ici, des actions en faveur d’un espoir pour un renouveau centrafricain et pour une reconstruction de ce pays sur des bases plus solides.

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (mercredi 20 mai 2009)