Mémorandum et fin de la grève des avocats de Centrafrique


 

Les avocats centrafricains mettent fin à deux mois de boycott des audiences

 

BANGUI, 9 août 2010 (Xinhua) -- Les avocats du barreau de Bangui ont repris le travail lundi après deux mois de boycott de toutes les audiences destiné à protester contre ce qu'ils estiment être des "violations flagrantes des droits humains et des libertés garantis par la Constitution" de la part des pouvoirs publics.

Dans un communiqué de presse publié à l'issue d'une assemblée générale tenue le 7 août dernier, l'ordre des avocats justifie cette décision de reprise par le fait que le dossier de l'affaire à l'origine de leur mouvement soit "désormais confié à un juge indépendant", à savoir le Doyen des juges d'instruction, Alain Tolmo.

Contacté par Xinhua, un avocat a confié sous couvert de l'anonymat que la transmission du dossier au juge Tolmo est intervenue après qu'enquête de gendarmerie eut accouché d'une souris. Selon lui, "un juge indépendant instruit à charge et à décharge" tandis qu'une enquête de gendarmerie instruit uniquement à charge.

Suite à l'incendie d'un supermarché dans la nuit du 9 au 10 juin dernier, le procureur de la République, Firmin Féïndiro, avait engagé, à la demande du président de la République François Bozizé, des poursuites à l'encontre de plusieurs personnes, y compris le bâtonnier de l'ordre des avocats, maître Symphorien Balemby, dont le cabinet est situé dans un bâtiment voisin du supermarché incendié.

Redoutant des démêlés avec la justice et les forces de l'ordre, maître Balemby est entré depuis dans la clandestinité, alimentant une controverse entre l'ordre des avocats, les défenseurs des droits de l'homme et les pouvoirs publics.

L'incendie du supermarché a occasionné des dégâts estimés provisoirement à quelque 7 milliards Fcfa.

 


 

MEMORANDUM DES AVOCATS AU BARREAU DE CENTRAFRIQUE

 

A LA TRES HAUTE ATTENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE CHEF DE L’ETAT

 

Très préoccupé par les récents évènements, l’Ordre des Avocats au Barreau  de Centrafrique a l’insigne honneur d’adresser le présent Mémorandum à Son Excellence Monsieur le Président de la République Centrafricaine Chef de l'Etat, afin de rappeler les circonstances de l'affaire BANGUI 2000, que certains tiennent absolument, sans raison fondée, à rattacher à l'incendie du Supermarché RAYAN que nous déplorons tous, et souligner à sa haute attention les très graves violations de la Constitution et du Code de procédure pénale centrafricain entachant les poursuites actuellement engagées contre plus d’une vingtaine de compatriotes, inquiétés ou privés injustement de leur liberté et illégalement transférés à la prison de Bossembélé.

En effet, suite à l’incendie qui s’est déclaré au Supermarché RAYAN dans la nuit du mercredi 09 juin 2010 et qui a complètement détruit cette importante unité économique, l’Ordre des Avocats a appris avec stupéfaction que Monsieur le Président de la Répub1ique, Chef de l’Etat, s'est personnellement rendu au Parquet de la République le jeudi 10 juin 2010 dans la matinée, alors que l'incendie n'était même pas encore maîtrisé, que l’enquête sur les circonstances de l’incendie n’avait pas encore été ouverte, qu'aucune plainte n'avait été déposée ni une procédure judiciaire engagée pour lui intimer l'ordre d'arrêter sans délai Maître BALEMBY Symphorien, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats et Monsieur Jean­Daniel DENGOU, Administrateur de la Société ADMN System, Premier Vice - Président du Conseil Economique et Social, désignés « auteurs » du sinistre et leurs « complices ».

Cette accusation trouve son fondement uniquement dans le fait que des procédures ont opposé devant les juridictions centrafricaines la société SODIPHAC et Monsieur René KOFFI BONDOMBOSSOU,  clients de Maître Symphorien BALEMBY, à Monsieur EL AKHRASS ALI, propriétaire du Supermarché RAYAN, concernant la propriété de l’immeuble BANGUI 2000.   

L’Ordre des Avocats a relevé de multiples  irrégularités, de l’examen de quelques pièces de la procédure de saisie immobilière portant sur l’immeuble BANGUI 2000 (pièces 1 à 5).

Il y a lieu de rappeler que suite à l'avènement du 15 mars 2003, des poursuites ont été engagées en Justice contre l'ex - Président Ange Félix PATASSE et ses collaborateurs, pour crimes de sang et crimes économiques.

Dans le cadre de cette procédure, l’immeuble BANGUI 2000 a été placé sous main de Justice par ordonnance du Doyen des Juges d’instruction au Tribunal de Grande Instance de Bangui rendue en date du 26 décembre 2003.

En exécution de cette ordonnance, l’immeuble BANGUI 2000 était .sous la garde de Monsieur le Procureur de la République, lequel avait même ouvert un compte séquestre aux fins d'y loger tous les loyers échus et à échoir dudit immeuble.

Cette ordonnance du Doyen des juges d'instruction n'a pas été à ce jour rétractée ni infirmée, et le pénal tenant le civil en l’état, on ne peut comprendre que l'immeuble BANGUI 2000 ait pu être soustrait des mains du Procureur de la République pour être vendu en justice

Par ailleurs, la procédure de saisie immobilière ayant conduit à l'adjudication se révèle elle - même entachée de multiples vices tant de forme que de fond.

Il est important de préciser que le 19 mai 2010, l’Ordre des Avocats était désagréablement surpris de l'expulsion intempestive et délibérée de Monsieur le Bâtonnier de l’immeuble BANGUI 2000 où sont logés son cabinet et le siège provisoire du Conseil de l’Ordre sous la conduite du Parquet de Bangui, et sur instructions du Parquet Général près la Cour d’Appel, sous prétexte de mettre en exécution d’une décision de Justice.

Ce climat délétère avait conduit naturellement l'Ordre des Avocats à décider du boycott des audiences pendant deux semaines, suivi de la tenue d’une Assemblée générale le 02 juin 2010, à l'issue de laquelle il était décidé de suspendre le débrayage et de prendre les dispositions pour l’enlèvement des effets du Bâtonnier restés dans les couloirs de l’immeuble BANGUI 2000, Il était également décidé d'engager les pourparlers avec la Chancellerie sur le respect dû au Barreau de Centrafrique, une institution légalement établie.

Par la suite, le Bâtonnier, a quitté les lieux et a installé son cabinet dans un autre immeuble au centre -ville.

Quant à la procédure entre les parties elle !leste pendante devant les Juridictions. L’Inspection des Services Judiciaires est en outre saisie de l'affaire.

C'est dans ce contexte que le 10 juin 2010 à la suite de l'incendie qui s’est déclaré au Supermarché RAYAN, Votre Excellence après s'être rendu sur les lieux du sinistre, a fait une descente inopinée au Palais de Justice de Bangui, pour donner des instructions au Procureur de la République afin de procéder à l’arrestation de tous suspects, notamment de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats, en se fondant sur le contentieux immobilier ci-dessus évoqué.

De tout cet exposé, 1’Ordre des Avocats :

-          Relève et déplore le dysfonctionnement de la Justice, qui est à l’origine de multiples violations de la loi, plus précisément celle sur la Profession d’Avocat garantissant l’inviolabilité des cabinets et domiciles des Avocats ;

-          dénonce l’influence de la plus haute Autorité du Pays sur la procédure, qui devait être préalablement ouverte avant toute arrestation, violant ainsi le principe constitutionnel de la présomption d'innocence;

-          fait observer que le transfert des personnes arrêtées à Bossembélé est contraire à la loi ; de surcroît, un tel transfert vise de manière inélégante, à faire échec aux dispositions du nouveau Code de Procédure pénale, prévoyant que les personnes privées de leur liberté doivent, dès leur placement en garde à vue, se faire assister d’un Avocat ;

En  conséquence, l'Ordre des Avocats demande très respectueusement à Votre Excellence que soient ordonnées :

A) - La libération immédiate et sans conditions des personnes arrêtées, entre temps détenues à la SRI et à la DSPJ, transférées depuis, le 12 février 2010 à la prison de Bossembélé, et leur retour à Bangui;

B) - La cessation des menaces d'arrestation du Bâtonnier Symphorien BALEMBY, ne reposant sur aucun élément de fait sérieux;

C) - La garantie de sécurité et de liberté pour tous les Avocats;

D) - La garantie de sécurité juridique pour tous les Centrafricains ;

E) - La mise en place d’une Commission mixte indépendante et internationale pour déterminer les circonstances de l’incendie du Super marché RAYAN.

Et, ce sera Justice ...

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, l'expression de la très haute et respectueuse considération des Avocats de Centrafrique.

  

Fait à Bangui, le 15 juin 20l0

Pour l’Ordre des Avocats du Barreau de Centrafrique

Maître POCK-POMBA

 

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