Point de vue : Relations
Afrique-France, relations République Centrafricaine-France et francophonie,
par l’ancien Premier Ministre Michel
GBEZEA-BRIA
Je représente
Lors d´une pause, je me retrouve
avec des collègues des pays dits de
En effet, ces Français sont
décidément forts qui ont réussi à élargir à l´Afrique anglophone, arabophone,
lusophone c'est-à-dire à assembler un continent autour d´un seul pays, une
réunion restreinte de francophones dont le premier Sommet en Afrique s´est tenue
à Bangui sous le régime du Président Bokassa, si j´ai bonne mémoire. L´affluence
quantitative et qualitative africaine à ces Sommets est telle qu´elle ne souffre
pas souvent de la comparaison avec un Sommet panafricain.
C´est ainsi que le Sommet de
Ouagadougou, assurément aussi à cause de la forte et attachante personnalité du
Burkina Faso, a connu l´une de ses plus grandes affluences, notamment par le
nombre des Chefs d´Etat et non des moindres comme la présence de celui du
Nigeria.
En cette journée de la francophonie,
il m´a paru utile de prolonger, avec mes Compatriotes, la discussion que j´ai
eue avec mes collègues sur les relations entre l´Afrique et
VOCATION MONDIALE, LOCOMOTIVE DE
L´EUROPE
La première considération générale
est un constat : celui de l´ancienneté historique et l´enracinement du pays de
Talleyrand dans une partie appréciable de notre continent à laquelle appartient
Cette ancienneté que
Quand on la compare en effet à
l´Allemagne,
Il faut noter ici que l´Afrique
francophone contribue remarquablement à la diffusion de la langue de Voltaire et
cette Afrique est, s´il faut schématiser, le rempart solide du français dans ce
rude assaut que lui mène la langue de Shakespeare, l´anglais.
Ainsi, malgré l´afro pessimisme et
le « sanglot de l´homme blanc »,
C´est pourquoi, il convient alors de
prendre les mots de désengagement avec la plus grande prudence. En effet, la
sauvegarde du rayonnement français et l´élargissement de son spectre voudront
une volonté d´implantation toujours plus forte, directe ou indirecte, dans notre
mère Afrique d´autant que le recul des idéologies dénude absolument le fondement
constant de la compétition entre les grandes puissances que ces idéologies
voilaient et qui est la maîtrise des richesses.
Cette rivalité sera d´autant plus
rude que d´autres puissances contesteront le privilège de Paris dans ses
anciennes colonies ou que ces ex colonies, croyant à la souveraineté, agiraient,
sans évaluation des enjeux, en souveraines. Reconnaître
Un autre facteur aggravera cette
compétitivité. En effet, les nouvelles générations africaines, plus instruites,
plus ouvertes, plus aguerries notamment en affaires qui, s´interrogeant sur
l´état de leur pays et estimant également ne rien devoir à
DES PSEUDO-ETATS DANS LES LIMITES DE
Cette faiblesse est d´abord
économique, financière et est celle de la puissance de feu.
En effet, dans l´essai de
classification des pays fait par Hubert Védrine dans « les Cartes de
La crise armée que vient de
traverser le Tchad comme les turbulences sous le régime du Président Patassé et
l´attaque par les rebelles des villes du nord de
Car, les voies « souveraines » de manoeuvre de notre
pays, à commencer donc par une puissance de feu, une robustesse économique et
financière sont étroites. Ces voies sont aussi rétrécies par une instabilité
politique, une dispersion des énergies dans des ambitions, certes légitimes,
mais si singulières que l´on n´y perçoit encore, ni le privilège, ni la vigueur
de l´intérêt général d´une part ; d´autre part ces voies sont également
resserrées par l´immensité d´un territoire et sa vacuité qui singulières sont des facteurs
objectifs d´insécurité qu´attestent l´immigration rampante, le grignotage des
frontières, les incursions des forces régulières ou irrégulières étrangères sur
notre sol.
S´agissant de la puissance de feu,
l´Etat centrafricain ne dispose pas encore, malgré les efforts certains de
restructuration, de cet indicatif de respect qui est une armée républicaine qui
puisse, tout en imposant une volonté politique de paix et de sécurité sur toute
l´étendue du territoire, être capable de défendre les intérêts centrafricains
contre l´extérieur. Or, toute considération politicienne mise de côté, cette
immensité et ce vide de notre territoire où n´importe qui peut faire n´importe
quoi, invitent à prendre la mesure de l´effort titanesque en hommes et en
matériel et donc financier pour assurer la couverture sécuritaire de notre pays.
Que faire en effet pour que nos
forces de défense, par leur présence, leur capacité d´intervention et leur
mobilité terrestre et aérienne, puissent surveiller ces vastes zones dépeuplées
? Comme on peut tenir pour certaine que notre capacité d´écoute et de survol est
nulle, il convient de pallier à cette grave carence par une coopération avec des
pays amis et l´on revient à la question de la confiance et de la sérénité dans
les rapports d´Etat à Etat.
Une incise ici. La grande pauvreté
en hommes de notre pays induit deux questions vitales. La première est quelle
politique démographique mener qui ne soit pas évidemment nataliste? Bokassa
l´avait menée et il convient d´en tirer les conséquences et de l´actualiser au
regard de l´éducation, de la santé et bien entendu financier. La deuxième est
quelle politique d´immigration mener ?
Cependant, plus que les moyens
nécessaires pour l´accomplissement de sa mission, c´est l´essence de la mission
de l´armée qui emporte interrogation. Parce que l´armée est moins au service
d´un pouvoir qu´à celui de la nation dont d´ailleurs elle est censée être le
creuset puisqu´un pouvoir passe et l´armée demeure comme demeurent la
gendarmerie, la police, la justice notamment pour la pérennisation des lois de
Par ailleurs, la présence de
plusieurs forces étrangères sur notre sol rend impérieuse la nécessité d´une
force nationale puissante. Ces armées venues d´ailleurs savent tout de notre
pays devenu des terrains d´entraînement où elles vont et viennent, connaissant
les coins et les recoins, mesurant la faiblesse de
Y aura-t-il toujours concordance
entre les intérêts de ces pays et les nôtres ? N´y a-t-il pas à s´inquiéter que
ces forces ressortent des pays voisins qui, il faut le concéder, tâtonnent
encore pour la démocratie et où la
force de l´arme gouverne bien souvent ? Et si l´une quelconque de ces forces
refusait de quitter une portion de notre pays, comment répondre ? Déjà un Etat
voisin entre profondément sur notre territoire, exerçant « un droit de poursuite
» qui pourrait également se poursuivre sur toute l´étendue de notre pays et se
transformer en « droit de changement de régime » acquis à ses intérêts. D´autres
pays voisins s´installent sur notre sol et même si cette situation n´a pas
vraiment dégénéré, l´on ne saurait prédire.
Certes, l´Afrique doit se prendre en
charge pour sa défense et les puissances occidentales, notamment
L´accent qui est mis ici sur l´armée
ne signifie nullement que privilège est à l´arme. L´arme, c'est-à-dire l´arme
régulière, est un facteur de stabilité mais elle n´est pas la stabilité. La
préséance demeure à l´urne et à l´urne vraie dont la conséquence est le respect
des décisions qui en émergent. Celles-ci sont certes le choix des dirigeants
mais, surtout l´obligation pour ceux-ci de ne pas oublier ce qu´ils ont promis,
prompts à rejeter sur le tiers intérieur ou extérieur la cause de difficultés
qu´ils auront engendrées.
Mais il est tout aussi vrai que la
gestion des affaires de l´Etat, qui parait facile quand on est dans l´opposition
et dans la critique, révèle sa nature difficile, ingrate quand on est aux
commandes. Il faut avoir alors le courage de se remettre en cause. Courage parce
que la sincérité, même avérée, de la personne aux affaires de l´Etat , est
toujours sujette à caution d´abord pour l´opposition et aussi à cause de
l´incrédulité et la versatilité inhérente à l´homme.
De toutes les manières, la politique
revient aux politiciens au sens noble du terme, c'est-à-dire à ceux qui ont une«
idée » de la gestion de
En effet, la politique obéit à
d´autres règles dont celle de la contradiction, de la proposition et
contre-proposition. Elle est contestation. Elle est donc aux antipodes de
l´armée où l´obéissance sans discussion est la règle, puisque l´armée est
d´abord action et parfois action rapide. Mais cette action doit avant tout être
décidée par le politique. Car, l´armée est un moyen à la disposition de l´Etat
et non le contraire, c'est-à-dire que l´Etat n´est pas un moyen d´action de
l´armée et qui serait dirigé comme une caserne. La baïonnette obéit aux règles
voulues par
C´est pourquoi, l´effacement de
celle-ci, c'est-à-dire son obéissance à la loi, est la mesure de l´avancée
démocratique dans un pays. Quelle armée s´aventurerait sur l´arène politique
comme armée en Angleterre, en France, dans les pays nordiques, aux USA ou même
au Sénégal ?
J´entends la contradiction : il ne
faut pas généraliser ;tous les africains ne sont pas sénégalais ; l´Occident
n´est pas l´Afrique qui est un continent encore dans les limbes pour la
démocratie. On arguera aussi qu´avancer de telles idées est porter atteinte à
l´honneur et au sacrifice du soldat. Toutes considérations qui font de la
réflexion sur l´armée un sujet tabou.. Je réponds ceci : j´entends, citoyen,
être fier du soldat de mon pays et que sa vue me rassure et ne pas soulever en
moi répulsion, effroi et désarroi puisque que je ne suis pas armé et que je lui
ai confié la mission de me protéger. Aussi simple que cela et en plus la défense
d´un pays n´est pas que coup de fusil.
C´est pourquoi, il faut tenir pour
positive l´initiative de portes ouvertes sur l´armée et la gendarmerie qui,
entre autres , permet de mieux faire connaître ces corps, susciter des vocations
et donner l´occasion au citoyen de constater que le militaire et même le
policier n´est pas seulement un porteur d´armes ; il a une tête et même une tête
bien pleine de lettres, de droit, d´économie, de sciences exactes, de médecine
qui, ajoutée à son sens de sacrifice, accroît l´estime envers lui . Fierté était
mienne que l´un des premiers aviateurs en Afrique Centrale à piloter un avion à
réaction fût le commandant Goengonda, un de mes collègues du lycée Barthélemy
Boganda.
Il était bon, lors de ces journées,
d´avoir laissé le citoyen donner son opinion sur son armée et sa gendarmerie et
d´avoir entendu les commandants des différents corps relever que l´armée est
aussi la représentation du peuple. S´il en est ainsi, la conduite de cette armée
doit être à la hauteur de cette représentation pour emporter la confiance et la
fierté de ce peuple.
A la faiblesse économique et
financière et celle de la puissance de feu, s´ajoute une faiblesse pernicieuse,
dévastatrice, la lézarde de l´unité nationale.
L´INTELLECTUEL FACE AUX TRIBUS
Depuis plus de vingt ans en effet,
la fragilisation de l´unité nationale est telle que la récurrence de l´appel à
cette unité indique tout simplement que celle-ci est devenue désormais un défi
majeur. Les impératifs de la conservation des différents pouvoirs, la nécessité
d´une base en politique qui épouse la proximité ethnique dans les pays sous
développés et sous scolarisés, l´absence de contradictions sur la nature de la
société ont donné, à l´exception de quatre partis ou mouvances, aux assisses
politiques des bases identitaires telles que l´on s´interroge si c´est bien
cette République Centrafricaine, fière de son unité qui s´étale.
La traduction de ce malaise engendre
des concepts comme « République du Logone » agitée à tort ou à raison, de «
savaniers », de « riverains », de « grand nord » ou de « petit sud », d´ «
ethnie nationale » ou de « bonne ethnie ». Les mutineries, tentatives de coups
d´Etat et autres rébellions ont porté et portent leur marque de repli
identitaire.
Que ce repli vienne de ceux qui
n´ont pas été à l´école se comprend et s´explique. Leur proximité peut être
immédiate puisque leurs valeurs sont celles du terroir, de la famille, de la
région. Or, les valeurs qu´enseigne l´école sont universelles et théorisées.
Cependant, l´on constate que, même ceux qui ne sont pas allés à l´école,
appliquent ces valeurs et font preuve d´humanité vis-à-vis de l´autre, de l´ «
étranger ». C´est qu´il y a en chacun de nous un tréfonds qui tient du bien.
C´est pourquoi, il y a un motif de
grande inquiétude quand la catégorisation des Centrafricains vient de ceux qui
ont été à l´école et disposent d´outils conceptuels pour approprier et mettre en
pratique ces valeurs universelles. Si cela n´est pas le cas, c´est que la levure
de l´école n´a pas pris. A ce propos, il y a quelque désarroi et froid au dos à
lire par exemple le forum des discussions de Centrafrique Presse tant y ont
cours des propos teintés d´une incroyable, insultante,voire haineuse
catégorisation des Centrafricains. C´est de l´engagement politique, parait-il.
Mais, est ce là l´engagement pour
Pourtant, l´école de
Or, l´environnement est dénudé pour
la quasi-totalité des Centrafricains.. Je suis ainsi fort étonné que des
Compatriotes instruits, inconscients ou conscients du hasard des naissances,
oublieux de leurs origines, fabulent sur une supériorité et font montre d´une
suffisance dont on trouverait difficilement la cause, acceptent ou incitent au
rejet de l´autre. Cet étonnement se transforme en perplexité quand certains,
fondant argument des leurs au pouvoir, ont front altier qu´ils avaient normal ou bas. Ils
ignorent ou feignent d´ignorer que tout pouvoir est une procuration du peuple et
qu´en tout cas, l´intérêt de celui-ci doit prévaloir ; on éviterait alors que
cette procuration ait une courte durée ou qu´elle ne se termine en des
conditions non voulues, ravalant ainsi les propos hauts et forts d´arrogance en
« murmures amers » qui oublient sa propre responsabilité pour rendre
responsables les autres.
Mais voilà,
Les graines endormies de la division
ont donc ressuscité et germé avec force, pour éclore avec cette virulence qui
indique que celle-ci couvait en nous et n´attendait que l´occasion pour
embraser. L´accalmie est provisoire et, en tout cas, trompeuse. Les évènements
récents de Bossembélé, de Batangafo, de Bossangoa, ceux de Miskine à Bangui, les
mises en garde et autres surenchères, le prouvent. D´ailleurs ces multiples
rébellions méritent une réflexion profonde, neutre, détachée qui puisse
interroger leur nature, leurs soutiens et ses objectifs, l´environnement
géographique de notre pays, la tentative de comprendre les enjeux des grandes
puissances entre autres. La difficulté dans notre pays est que la réflexion
critique est tenue pour de l´opposition alors que cette réflexion est une
incitation à mieux faire ou à saisir les contours d´un cas que l´on n´a pas
saisis.
Les racines de la violence sont là,
résistantes. Les dessoucher demande le sacerdoce de ceux qui sont aux affaires
de l´Etat, à quelque niveau que ce soit. A commencer, puisqu´ils ont la
décision, de saisir que l´adhésion sans discernement à la communauté d´origine
et sa traduction dans les affaires de l´Etat sont des perversités dangereuses
pour la nation et surtout pour une nation en voie de construction comme la
nôtre. Les moyens de l´Etat doivent ainsi concourir mieux que les moyens
particuliers à rassembler les Centrafricains. La défense d´un régime n´exclut
nullement cette affirmation. Ce sacerdoce est également celui du citoyen qui ne
peut rester indifférent quand l´unité est en cause au motif de « laisser les
faire » et que ce n´est pas « mon régime ».
NECESSITE D´UN ETAT FORT
C´est justement à cause de celles-ci
qu´il convient de cerner notre ambition nationale, la recentrer sur nous, autour
des besoins fondamentaux, hiérarchisés de notre population qui me paraissent, et
de loin, moins compliqués que dans d´autres pays notamment de l´Afrique
Centrale. En tête de cette hiérarchie vient la reconstruction de l´Etat fort qui
pourrait assumer sa mission de protecteur du Centrafricain et du bien commun à
travers une administration civile et militaire qualifiée et effective sur tout
le territoire. Il sera aussi le garant d´une bonne justice et de son
indépendance ; il saura également préserver la sécurité juridique des affaires.
Cet Etat en assumant sa mission
éviterait à notre pays d´être gérée par les organisations humanitaires qu´il est
difficile de contrôler et dont d´ailleurs on peut se demander les objectifs.
Cet Etat fort est possible pourvu
qu´il soit d´abord l´objectif principal et qu´ensuite soient distraits des
moyens pour l´atteindre. Les moyens peuvent se trouver sans attendre le pétrole.
La manne pétrolière, si jamais elle tombait, exige un sens aigu de la solidarité
nationale pour éviter qu´elle ne se dissipe pas en des dépenses qui seraient
sans lien ou de faible lien avec cette solidarité, générant en conséquence plus
de problèmes qu´elle n´en résolverait. Le pétrole, en saupoudrant l´intérieur,
enrichit l´ailleurs, mais surtout, il tue les hommes et tue tout autour, comme
l´agriculture. On s´étonne donc peu que certains pays africains, producteurs de
pétrole manqueraient de pétrole pour la consommation locale comme il manquerait
de l´argent en République Centrafricaine. C´est pourquoi, je persiste aussi à
croire que la bonne gestion des richesses connues et exploitées peut déjà
autoriser le début ferme de la résolution de nos besoins.
Cette bonne gestion qui, par
elle-même, est facteur de multiplication de richesses, puisqu´elle appelle les
capitaux, induit aussi que l´on doit préserver celles naturelles comme la forêt,
la faune et même le sulfureux pétrole pour les générations qui viennent car, un
pays ne se s´arrête pas au présent. C´est curieux d´ailleurs que ce soit
l´extérieur qui nous incite à penser à la postérité. En effet, la nécessité de
réserves n´est nullement un privilège des grandes puissances. J´entends
l´objection : on réserve quand on est rassasié ! La réponse est : la tempérance
et la prévoyance garnissent un grenier !
Je me répète : Chef d´un
gouvernement, j´ai mesuré, avec peine, la difficulté de notre pays de faire face
immédiatement, par ses propres moyens, aux conséquences des catastrophes en
attendant l´« aide » de
A la souveraineté donc déclamatoire,
à l´éloquence de tribune et à la suffisance remplie de vide qui flattent notre «
indépendance de drapeau » et qui divertit, essayons alors de substituer le
silence de l´action humble, persévérante, ardue de tenter de bien faire déjà ce
que nous pouvons faire et éviter d´épouser des querelles qui ne sont pas nôtres
même si une frontière se défend loin de sa frontière.
Le silence et l´apparente neutralité
du Cameroun dans cette turbulence de l´Afrique Centrale sont indicatifs alors
que ce pays, locomotive économique de
Mais, c´est aussi vrai que ce pays,
qui affiche avec constance depuis son Premier Président un profil bas à
l´extérieur, a su tirer les leçons de sa guerre civile et se concentre désormais
à préserver sa paix, sa stabilité et poursuivre sa construction, sourcilleux
qu´il est pour ses intérêts. Il est, par ailleurs, de l´intérêt de notre pays
que la sérénité et la stabilité se maintiennent chez ce voisin qui est notre
principale porte économique. Ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire, de
penser à éviter l´étouffement en passant à plusieurs voies de sorties et à
redonner notamment de la vigueur au transport sur l´Oubangui.
Au demeurant, notre diplomatie ne
s´est toujours pas accordée sur l´importance qu´est le Cameroun. Et autant pour
moi même si, sous le Président Kolingba, les diplomaties centrafricaine et
camerounaise ont réactivé la commission mixte entre les deux pays qui
languissait depuis si longtemps et j´ai conduit à Yaoundé la délégation
centrafricaine.
DES RAPPORTS SOUVENT AMBIGUS ET
COMPLEXES
« Pseudo Etat »,
Le pays de Jules Ferry et de Raoul
Follereau agit ainsi parce qu´elle a pareillement besoin de
Les grandes puissances ont les
moyens d´attendre, de faire oeuvre de prospective à très long terme. J´ai
visité, sous son ancien régime,
Apparemment les conditions
internationales sont à la recherche des minerais. Si tel est le cas, il faut
continuer à travailler assidûment à restaurer la paix et la confiance nationale,
mais également travailler à l´aménagement de nos intérêts. L´aménagement de ces
intérêts avec ceux de notre premier partenaire me parait une approche
susceptible de bonifier l´action déjà dense de ce pays dans le nôtre. C´est ici,
dans la détermination et la défense des intérêts propres, dans l´opposition ou
la complémentarité de ceux-ci, que gît le noeud de nos relations avec
Ce processus comporte des obstacles
Le premier obstacle est qu´il faut
avoir à l´esprit que la justesse d´une cause ne signifie nullement que celle-ci
l´emportera. Les exemples foisonnent. Je ne cite qu´un que j´ai vécu au plan
diplomatique. En effet, voter, seul, contre le programme indicatif de
planification de l´Afghanistan comme je l´ai fait au nom de
L´Afghanistan, comme
La frustration qui peut naître de ce
genre de situation due à la prééminence de rapports de forces est parfois
immense. L´Etat est insensible à cette flétrissure mais l´homme s´élève souvent
en vain pour atteindre cette insensibilité puisqu´il est de chair même si
l´essentiel est la primauté de l´intérêt de l´Etat, d´un pays.
A ce propos, Hubert Védrine souligne
ce qui suit : « il est vrai que c´est très difficile- pour ne pas dire plus-
d´être l´ami et l´allié de l´hyperpuissance américaine sans que l´on considère
que l´on doit, pour cette raison, s´aligner automatiquement sur elle ».
Si telle est l´appréciation de
Le deuxième obstacle du côté
centrafricain est d´éviter cette grave méprise de penser qu´un changement de
régime en France ou dans les grands pays aura pour conséquence des changements à
l´extérieur qui remettraient en cause les intérêts de ces puissances. Comme on
célèbre Obama. Certes, l´élection d´un noir à la tête de la première puissance
est remarquable comme a été remarquable l´élection de Nelson Mandela. L´Afrique,
qui a tant souffert dans sa chair le mépris qui lui niait le statut de l´homme,
a donné naissance sur le plan politique à ces monuments de la liberté de
l´égalité. L `élection d´ Obama est emblématique de la formidable capacité de ce
« melting pot » américain et de ce que les valeurs qui conduisent cette nation
imprègnent maintenant, après tant de lutte, la majorité des citoyens de ce pays.
Mais Obama est américain et il faut se garder de l´euphorie.
Car, en vertu de cette méprise on a
célébré en Afrique et en République Centrafricaine la victoire de la rose en
1981 en France comme l´avènement d´une ère nouvelle. Jusqu´à ce que le ministre
de
Une autre rupture était aussi celle
voulue par
Le Président Sarkozy a annoncé la
refondation ou la rénovation des relations entre
Cependant, Il y aura toujours des
remous entre l´Afrique,
C´est le troisième obstacle à
franchir
D´abord du côté d´Outre Méditerranée
ou Atlantique, persiste en effet une tendance à ne voir que des incapables dans
les ressortissants des anciennes colonies et dans les Centrafricains. Pourtant,
au niveau de la connaissance, de l´expertise, et de plus en plus au niveau des
affaires, rien ne justifie parfois, bien au contraire, cette appréciation. En
effet, Il y a comme un refus à regarder la réalité de cette égalité qui confine
parfois le ressortissant d´Outremer au travail de seconde, voire de troisième
zone, tout simplement parce qu´il est de couleur noire ou basanée. Car,
l´interlocuteur des pays développés continue d´agir selon ce mot qui serait
d´Alexis de Tocqueville qui est
qu´: « il y a un préjugé naturel qui pousse l´homme à mépriser son inférieur
longtemps après qu´il est devenu son égal ». Cette déconsidération, consciente
ou inconsciente, qui est parfois portée à l´ex colonisé dans son propre pays et
frise le racisme , peut entraîner des conséquences étonnantes. Dans les pays
comme les nôtres, qui ne se sont pas encore suffisamment affirmés par rapport au
passé colonial et contre celui-ci, la suffisance du ressortissant de l´ancienne
puissance coloniale est telle qu´ il n´est donc pas étonnant que lors des
élections françaises de 1981,
Nous semblons oublier cette maxime
qui est « à bon mentir qui vient de loin » de telle sorte que des personnes à
crédibilité douteuse trouvent voie royale dans notre pays, pontifiant sur tout
et rien pour faire écran de fumée pour se remplir les poches.
Un exemple : une institution
financière internationale a fait recruter un économiste pour enseigner dans un
ministère centrafricain un modèle macroéconomique. Il s´est trouvé que cet «
expert » n´en savait pas plus que les cadres centrafricains : il en savait même
moins ! Pourtant, il a été payé c'est-à-dire que
La compétence existe dans ce pays.
Il faut la reconnaître et lui accorder confiance jusqu´à ce qu´elle se
dévalorise elle-même par son incompétence notamment. Il n´y a pas que des têtes
de cailloux en République Centrafricaine. Mais reconnaître cette compétence est
alors lui assurer un minimum de sécurité matérielle, bien sûr, mais surtout la
sécurité physique, morale et lui éviter des querelles d´a priori qui la
bloqueront. I
C´est pourquoi, lors d´une
conférence que j´ai donnée sur le thème «
quel leadership pour l´Afrique Centrale » organisée par « LEAD
francophone », organisation financée par le Canada à l´intention de la jeunesse
de notre sous région, j´avais estimé qu´il ne fallait pas jeter la pierre aux
cadres restés en dehors de l´Afrique tant que ce minimum ne leur aura pas été
garanti. Il est trop facile de demander des sacrifices aux autres. Je relève ici
ces maux qui maintiennent insidieusement ce « complexe » de supériorité et
infériorité : un ressortissant d´outre Méditerranée ou outre Atlantique est un
expatrié » avec tout ce qui concerne la peine d´être en dehors de sa patrie qui
a plus de valeur que celui de l´ « immigré ».qui quitte son enfer pour rejoindre
cette « patrie ». Cependant, accepter une immigration choisie est avouer que
dans ces « enfers », il y a des qualités qui équivalent ou dépassent celles du
lieu d´immigration.
Cela dit, il est vrai que nous
faisons, Centrafricains, oeuvre souvent d´une si grande dextérité pour le
mauvais notamment dans l´imprévoyance, l´inorganisation, la méfiance et le
discrédit de nous mêmes que la politesse affichée par l´extérieur recouvre, à
peine, le mépris dont parle Tocqueville et qui se transforme, entre quatre murs,
en rires aux éclats qui font le pourtour de la tête de l´étranger.
Car, l´âge adulte que nous réclamons
n´est pas seulement opposable à l´extérieur mais à nous-même d´abord. En effet,
persiste du côté africain et spécialement Centrafricain, une tendance à
justifier notre piétinement principalement par l´action de l´ex puissance
colonisatrice. Certes, elle demeure ce partenaire historique dont l´influence,
ne fût ce que celle de la langue et de la culture, reste prépondérante. Ce
coéquipier a eu quelques fois avec nous des crocs en jambes qui ont heurté notre
sensibilité et sa compagnie peut être étouffante. L´on déduirait alors que les
Etats, qui sont sans passé colonial, seraient d´excellents équipiers, «
altruistes », porteurs d´un bol d´air de grande pureté.
C´est bien sûr une illusion. Ces
Etats « altruistes » exploitent, commercent et profitent aussi. Ils sont
d´autant plus froids et mus par le gain qu´ils ne sont nullement tenus par une
quelconque « responsabilité historique » qui pourrait leur être reprochée comme
exutoire à nos problèmes.
Au demeurant, cette responsabilité
devient de moins en moins justifiable. Car, cette prééminence de
C´est ce qui faisait dire au
Président Tandja du Niger, qui coprésidait l´atelier sur les infrastructures au
Sommet sur le NEPAD à Dakar en 2002 où j´ai conduit la délégation
centrafricaine, qu´« un demi siècle de tâtonnements est un peu trop ». Ou, comme
le Président Laurent Gbagbo de Côte d´Ivoire de soutenir que « prolonger une
histoire n´est pas répéter les échecs, les oublis, les frustrations. Il s´agit
d´explorer les voies non empruntées, de libérer les voix étouffées et les
aspirations occultées. . .», dans la préface de « Fonder une nation africaine
démocratique et socialiste ».
D´ailleurs, l´on ne voit pas en quoi
la prééminence de l´extérieur et de
A commencer par sérieusement
prendre, comme je l´ai, en tant que Directeur de Cabinet, souhaité lors d´un de
mes voeux au Président Patassé, la mesure du monde actuel si ouvert, qui va si
vite, et où des valeurs comme ceux des droits de l´homme, notamment ceux de la
préservation de la vie humaine, sont désormais un principe évaluable de
gouvernement. Ne pas le faire est courir le risque d´un fracassant divorce, car
les aspirations de 2000 sont celles de 2000 et l´on dépenserait une grande
énergie et de l´argent à chercher vainement des boucs émissaires du divorce si
celles-ci n´étaient pas perçues.
L´objectif de ce partenariat ou de
cet « échange inégal » si l´on emploie un langage militant, est d´attirer le
plus grand nombre possible les affaires et des vraies qui constitueront, si
possible avec un capital national, un tapis générateur de richesses. En payant
ses impôts, ces affaires régulières permettront déjà à l´Etat de disposer de
moyens pour assumer de manière continue ses obligations de solidarité.
Car, il y a des étapes à tout et
surtout des étapes à cerner et à franchir dans la vie des Etats.
CONNAITRE UNE LANGUE ET PARTAGER NOS
TOURNURES DE PENSER
Le Gabon, le Cameroun et
Sans m´aventurer dans un domaine que
je ne maîtrise pas, j´entends la critique de « croissance sans développement »
et d´un endettement excessif faite alors à
Je présume ensuite que la mutation
de politique, professée par le nouveau régime disposera, en l´améliorant, de
moyens que lui fournira cette infrastructure économique valorisante qui a été
préservée et qui permet à ce pays de demeurer la locomotive de l´Afrique de
l´Ouest malgré une partition de fait. Quant à l´endettement, elle devrait nous
inspirer pour éviter de transférer aux générations futures un lourd fardeau qui
justement ôtera la capacité de manoeuvre que le présent est censé leur préparer.
Houphouët- Boigny, dont j´ai bu,
malgré l´âge avancé de l´auteur, la magistrale intervention non écrite pendant
presque une heure sur l´Etat du monde et des relations franco-africaines au
Sommet France- Afrique de Casablanca où j´ai accompagné le Président Kolingba, a
laissé un héritage économique assurément imparfait mais qui est une base solide.
La question n´est donc pas de
justifier un quelconque monopole de
Il y a un élément important pour le
renforcement de cette coopération : celui de partager une langue et même de
connaître, dans une certaine mesure, nos tournures de pensée. Mais plus que ce
partage,
Comme également sont des pas
appréciables vers cette économie les expositions sur les métiers organisées par
l´Alliance française de Bangui avec le concours du Rotary Club et le patronat
centrafricain pour inculquer l´esprit des affaires chez les jeunes. Car, la
bataille principale pour les générations à venir sera économique.
Franchissant individuellement ou de
concert ces obstacles,
La journée internationale de
Ces Français sont décidément forts
mais ils ont besoin des faibles comme
DES RELATIONS PARFOIS DIFFICILES A
GERER
Écrivant ces lignes, je me remémore
l´exquise gentillesse dont j´ai été gratifié, celle d´appartenir au « lobby
colonialiste », comme si les berges de l´Oubangui et de l´Ouham étaient celles
de
En réalité, cette interpellation
était motivée par un article du journal « Libération » qui annoncerait la
déstabilisation du régime.
Ébranlé, blessé doublement et
profondément à travers mon épouse et dans la foi en mon pays , j´ai répondu avec
cette verdeur qui a surpris et m´a même interrogé après. Mais celle-ci a
affleuré parce qu´elle a été précédée par une forte contrariété.
D´abord, je trouvais inapproprié,
disproportionné qu´un gouvernement et un parlement, supputant à partir de
l´article d´un journal, fût-il français et proche du parti socialiste aux
affaires, tiennent une séance publique alors qu´il y a des voies idoines comme
le droit de réponse ou des démarches diplomatiques.
Ensuite, la défense étant du domaine
réservé du prince, j´ai été tenu loin des discussions sur la question du retrait
des troupes françaises quand le ministre français de la défense est venu en
débattre, tout ancien directeur de cabinet, ancien ministre des Affaires
Etrangères et Premier ministre en exercice que j´étais. Je n´étais donc pas
l´autorité indiquée pour répondre aux questions des députés. Je me refusais de
porter le chapeau d´un autre. Enfin, même s´ils se percevaient comme une volonté
légitime d´affirmation, je trouvais inopportuns les propos parfois d´une rare
violence qui, tranchant avec cette faiblesse de
Dans ce contexte de méfiance,
insister sur la sérénité dans les relations d´Etat à Etat pouvait paraître comme
ne pas admettre la position du souverain ; pouvait aussi paraître comme faisant
le jeu de
Car, si tel est le cas, cette
conscience autorise, avec quelque justesse et humilité, la mesure de l´ambition
de notre patrie et les étapes de sa réalisation avec le concours de ses
partenaires dont le principal demeure avec l´Union européenne,
Construire une infrastructure solide
avec ces partenaires pourrait ainsi mieux ouvrir la voie à d´autres partenaires.
Car, une chose est de s´affirmer patriote, une autre est de construire, dans la
dureté, l´adversité, la confrontation des intérêts, le patriotisme dont la
dimension de préparer l´avenir de nos enfants est essentielle.
Vendredi 27 Mars 2009
Michel GBEZERA BRIA ancien premier
ministre, ministre d´État à
Origine :
www.leconfident.net