Omar Fotor, chef du village Toumo et quelque 40 familles « pris au piège par les événements du 6 juin », désemparés, sont bloqués dans un camp de refugiés malgré eux, à cinq km de Birao (Centrafrique)

 

 

Omar Fotor a cherché refuge à Birao et dit qu'il ne rentrera chez lui que lorsque la sécurité sera garantie. La région a été le théâtre d'affrontements entre communautés rivales. - Photo: Chris Simpson/IRIN

Des personnes déplacées a Birao, une ville dans le nord-est. La région a été frappé par des affrontements entre les communautés Goula et Kara - Photo: Chris Simpson/IRIN

 

BIRAO, 1 septembre 2009 (IRIN) - En tant que chef du village, Omar Fotor se sent responsable des plus de 40 familles qui se sont réfugiées dans un camp improvisé à Birao, à l'extrême nord du pays. « Nous sommes bloqués ici », a dit M. Fotor à IRIN. « Il est dangereux de s'éloigner de Birao, même si ce n'est que de deux kilomètres. Je suis très malheureux ici. Il n'y a pas assez à manger. Les enfants sont traumatisés. Ce n'est pas ici qu'ils dorment habituellement. Leur école a été détruite. »

 

La pêche et l'agriculture à petite échelle qui rassemblaient sa communauté ne sont plus possibles. « Plus rien ne fonctionne », a-t-il souligné.

 

Situé à cinq kilomètres de Birao, son village, Toumo, ainsi que les villages voisins ont été incendiés par des hommes armés lors de ce que M. Fotor décrit comme « les événements du 6 juin ». Des informations provenant du nord-est à ce moment-là faisaient état d'une attaque à l'aube par des membres armés de l'ethnie Kara. Les attaquants avaient pris pour cibles un camp militaire à Birao et les villages voisins.

 

La Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), qui dispose d'un contingent militaire à Birao, a mis ces violences sur le compte des nouvelles tensions entre les groupes ethniques Goula et Kara. L'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), un ancien groupe rebelle qui dépendait principalement du soutien des Goula par le passé, a accusé les combattants Kara de vouloir déstabiliser le nord-est en sabotant un processus de paix déjà fragile. L'UFDR s'est associée aux troupes des Forces armées centrafricaines (FACA) dans une opération de nettoyage, reprenant le contrôle de Birao et de ses environs. Mais des centaines de villageois ont été déplacés par les combats et ont fui à Birao ou dans la brousse. La plupart ne sont pas encore rentrés chez eux. De nouveaux incidents ont été signalés le 21 juin, faisant au moins trois victimes.

 

Besoins alimentaires

 

Le préfet à Birao, le colonel Dieudonné Sereggasa, qui a pris ses fonctions en juillet, est conscient des relations difficiles qu'entretiennent depuis longtemps les Kara et les Goula. « Cette guerre ne date pas d'hier. Elle a commencé il y a bien longtemps et elle se poursuit de génération en génération. Une étincelle suffit à rallumer les tensions. » Mais le colonel Seregassa a ajouté qu'elles s'étaient apaisées à Birao après plusieurs réunions et que la population circulait désormais librement. Il a fait remarquer le regain des activités commerciales. « Allez dans les magasins ou sur le marché et vous trouverez bien plus de produits », a-t-il dit à IRIN. « Nous assistons à un retour à la normalité. »

 

Mais le colonel Sereggasa et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) ont tous deux insisté sur le besoin d'un apport supplémentaire immédiat en aide alimentaire. En effet, les autorités locales affirment de manière catégorique que les approvisionnements sont insuffisants. La représentante du PAM en République centrafricaine (RCA), Sitta Kai-Kai, a expliqué que le PAM aurait besoin de 500 000 dollars américains pour acheminer par avion 250 tonnes métriques de vivres à Birao en septembre. Les transports par camion, peu commodes et coûteux, deviennent impossibles pendant la saison des pluies, qui dure jusqu'en novembre.

 

En avril, le PAM avait déjà stocké des vivres pour six mois afin de répondre aux besoins de 11 000 bénéficiaires de la région de Birao. Mais après les combats du mois de juin, 13 000 personnes ont eu besoin d'aide. « Nous n'avions pas prévu cela », a dit Mme Kai-Kai à IRIN. « Nous allons rester à Birao pour un certain temps, pas seulement aujourd'hui ou demain. Les habitants n'ont fait de culture cette année, ce qui signifie qu'ils n'auront pas de nourriture l'an prochain ». Mme Kai-Kai a expliqué que la capacité de la population à subvenir à ses propres besoins alimentaires dépendait des garanties de paix et de sécurité.

 

Inquiétudes en matière de sécurité

 

Birao a été pratiquement vidée de ses habitants et détruite par les combats en novembre 2006 et en mars 2007, lorsque l'UFDR s'est battue pour le contrôle de la région contre les troupes gouvernementales soutenues par l'armée française. L'accord de paix signé par l'UFDR et le gouvernement en avril 2007 a conduit à une période de relative stabilité.

 

Mais, suite aux attaques du mois de juin, on craint que l'insécurité ne s'aggrave à Birao et dans d'autres zones de la préfecture de Vakaga, au nord-est du pays, ce qui aurait de graves conséquences humanitaires.

 

« Pour le moment, la saison des pluies protège Birao », a indiqué Jérôme Voisin, de Triangle, à IRIN, laissant entendre que les groupes armés qui représentent théoriquement l'ethnie Kara avaient déjà envoyé des avertissements pour des attaques plus près de la capitale régionale. Triangle, qui distribuait de l'huile, du sel et du maïs pour le PAM, a abandonné ses opérations de développement dans la région de Birao pour se concentrer exclusivement sur les besoins urgents. M. Voisin a dit qu'il s'entretiendrait avec la MINURCAT et d'autres partenaires pour essayer de rester actif et en sécurité dans la région.

 

Attaques de la LRA

 

Mme Kai-Kai a expliqué que les organisations telles que le PAM devaient constamment prendre en compte de nouvelles urgences et de nouveaux problèmes de sécurité dans leurs prévisions en prenant en note les avis de récentes attaques du groupe [de rebelles] ougandais de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) près d'Obo, dans la préfecture du Haut-Mbomou, au sud-est du pays.

 

Selon Alexis Mbolinani, de la Jeunesse unie pour la protection de l'environnement et le développement communautaire (JUPEDEC), une organisation active dans le sud-est du pays, les attaques de la LRA ont eu des conséquences désastreuses. « Quand la LRA passe, elle emporte tout sur son passage », a dit M. Mbolinani à IRIN. « Ils sèment la terreur parmi la population. Ils enlèvent des gens et violent nos femmes. Personne ne vit à plus de trois kilomètres d'Obo. Ils ont emporté toutes les réserves de nourriture. On assiste à un réel problème de sécurité alimentaire. »

 

Selon Sylvain Maliko, ministre d'État au Plan, à l'Économie et à la Coopération internationale de la RCA, les récents événements dans le sud-est ont mis en évidence la vulnérabilité du pays face à l'instabilité de ses voisins instables. « Nous n'avons pas la capacité de résoudre ces conflits », a dit M. Maliko à IRIN, en soulignant toutefois que la sécurité interne en RCA s'était nettement améliorée.

 

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