Allocution de Jean-Bosco PELEKET lors de la
manifestation de soutien au peuple Centrafricain éprouvé, parvis des Droits de
l’Homme, Trocadéro à Paris le 6 avril 2013
Chers compatriotes, amis et citoyens du
monde
Aujourd’hui, nous avons choisi et décidé de nous réunir
ici, à Paris, sur le parvis des Droits de l’Homme, nous Centrafricains,
Africains, Français, Européens, Citoyens du monde parce que des enfants :
filles et garçons, des adolescents, des femmes et des hommes sont massivement
violentés, victimes de pires exactions, que dis-je, des abominations sur leurs
propres terres par un pouvoir absolu qui vient d’être terrassé par une cohorte
de rebelles hâtivement rassemblées mais dont le comportement s’apparente plus
aux fourmis magnans et aux mercenaires des temps anciens qu’aux combattants de
la liberté.
Après la décennie noire du régime de Ange-Félix Patassé (1993 – 2003) que
d’aucun ont surnommé l’ange de la
mort pour avoir :
-
totalement déstructuré la
RCA,
-
inoculé le venin du
tribalisme, dressé les populations du nord du pays contre celles du sud,
entretenu la haine,
-
ruiné l’économie, fait entrer
en Centrafrique des milices et armées étrangères pour sauver son pouvoir avec
les conséquences désastreuses sur les droits humains : viols, crimes de
guerre, crimes contre l’humanité lesquelles ont valu l’ouverture d’une
instruction judiciaire par
-
jeté les forces vives, les
intelligences et les jeunes sur les routes de l’aventure et de
l’immigration.
Le général François Bozizé, bras droit de celui-ci dans
la répression des populations, retourna ses armes contre son mentor en mars
2003, et se présenta aux populations exténuées, en « libérateur »,
entouré de maquisards enturbannés totalement inconnus des
Centrafricains.
Nombre de compatriotes las de l’exil et en quête de
postes de représentation lui emboîtèrent le pas.
Bien vite, les honnêtes gens et le peuple se rendirent
compte de la supercherie et la parenthèse Abel Goumba qui permit de faire
accréditer un moment, l’idée de l’ouverture et de percée démocratique fut
fermée.
Les règles de la démocratie ne conviennent point à ce
général, par ailleurs adepte d’une secte. Le catéchumène n’est assurément jamais
sorti du purgatoire.
Ainsi que les observateurs sourcilleux s’y attendaient,
Bozizé s’est illustré par l’exercice solitaire et clanique du pouvoir, un mode
de gestion aux antipodes de la bonne gouvernance politique et économique, une
allergie aigüe et un mépris affiché des droits de l’homme.
Bozizé président de mars 2003 à mars 2013 ne
s’embarrassait pas de formules, lorsqu’il prenait la parole en public, à la
radio ou lors des meetings, en Sango, la langue nationale centrafricaine. Il
déclarait, à chaque montée de tension politique qu’il ne cèderait le pouvoir que
par la force des armes et qu’entre temps, il aura « dépecé » tout
ennemi vaincu.
Il ne s’est pas contenté de le dire, il l’a fait et à de
nombreuses reprises.
Durant ses 10 années de pouvoir absolu, François Bozizé
s’est entouré de disciples qui se sont évertué à voir en chaque opposant
politique, un coup d’état en préparation et à trouver des ennemis du peuple dans
d’autres ethnies que la sienne.
Les opposants politiques, ceux que Bozizé qualifie
imperturbablement « ennemis » sont pourchassés, arrêtés, torturés,
mutilés et connaissent la mort dans des conditions les plus dégradantes, les
plus humiliantes. L’homme n’a jamais tenu aucune parole, même celle convenue
avec ses paires et notamment les Chefs d’Etats d’Afrique centrale qui l’ont
pourtant sauvé à plusieurs reprises de situations
difficiles.
Bozizé n’a jamais créé les conditions de la paix ni
voulu la paix, la concorde et encore moins, engager le moindre processus de
développement pour le pays.
Autant de pratiques qui ont ruiné son crédit et son
autorité, ont fait le lit des contestations, conduit aux rébellions comme celle
qui vient de s’emparer du pouvoir de l’Etat à Bangui.
Personne en Centrafrique, en tout cas aucun patriote,
aucun défenseur des droits humains ne regrette ni ne pleure le renversement du
régime Bozizé.
Mais quelle est la situation aujourd’hui dans ce beau,
vaste pays aux immenses potentialités agricoles, aloétiques, cynégétiques et
minières ? Vous avez remarqué que je ne parle pas de richesses car il n’est
de richesse que d’hommes, de femmes instruits, conscientisés, responsables et en
mesure de construire leurs destins.
Voilà 4 mois (10 décembre 2013 – 6 avril 2013) que
Séléka, groupement de plusieurs factions rebelles, a pris les armes, conquis une
à une les principales villes du pays pour s’emparer enfin de Bangui la capitale
et du pouvoir de l’Etat le 24 mars 2013.
Nous avons suivi Séléka à la trace grâce aux témoins
oculaires, aux victimes dont ce propos de l’une d’elles, rapporté de Bambari,
«déjà morte dans sa chair [parce que violée] », elle a tenu à témoigner
« mourir pour mourir debout, libérée, sans
peur ».
Qu’est ce qui a été rapporté ? :
-
enrôlement des
enfants-soldats,
-
viols des filles, des
adolescentes, des femmes,
-
vols, destructions des
équipements, des rares entreprises encore en fonctionnement dans le
pays,
-
destructions des maisons,
pillages à grande échelle, y compris des églises et lieux de
culte,
-
molestations des prêtres,
d’un évêque.
Les porte-paroles de Séléka en Afrique et surtout à
Paris se sont évertués à nier les faits, « à s’inscrire en faux contre ces
allégations ».
Mais voici que Bangui est atteint à son tour, le 24
mars. La déferlante a tout emporté sur son parcours. C’est un véritable
tsunami !
Les vols, les destructions, les pillages dans les
administrations, les entreprises, les pavillons et domiciles privés sont
indescriptibles.
Pire, l’eau et l’électricité ont été coupées. On ne
compte plus les morts dans les hôpitaux de Bangui ! Les nouvelles autorités
autoproclamées n’ont toujours pas pris la mesure de la catastrophe 12 jours
après, pas plus que les ambassades et représentations des pays dits amis en
RCA !
La profanation, à Bobangui, du mausolée de Barthélemy
BOGANDA, président fondateur de la RCA a soulevé une vague d’indignation et de
condamnation de tous les Centrafricains.
A Paris, nous sommes élevés, de manière unanime et avec
force, contre cet acte lâche et odieux et avions demandé aux autorités
autoproclamées de diligenter, sans délai, une enquête afin de faire la lumière
et traduire les misérables auteurs et leurs commanditaires en
justice.
Radio Ndekeluka que vous pouvez écouter sur internet,
seule média non tombée entre les mains de Séléka rapporte tous les jours le
calvaire des populations.
Au cas où les autorités politiques à Paris et ailleurs
ne seraient pas correctement informées par leurs représentants sur place à
Bangui, nous leur adressons depuis le parvis des Droits de l’homme à Trocadéro,
ce cri :
-
les Centrafricaines et les
Centrafricains sont dans une situation désespérée. Qu’attendez-vous pour faire
en sorte que le calvaire ne tourne pas au drame absolu ?
Aux Françaises, aux Européennes, aux femmes citoyennes
du monde, nous relayons les cris de détresse des filles, des adolescentes, des
femmes de
Vous ne pouvez plus ignorer et faire comme si vous ne le
saviez pas.
Levez-vous, intervenez auprès de vos représentants
politiques, tant au niveau local qu’au niveau national afin que tout soit mis en
œuvre pour mettre fin aux calvaires des filles, adolescentes, femmes
centrafricaines.
Et vous, compatriotes, Centrafricaines, Centrafricains,
Français, Européens, Citoyens du monde ici réunis :
-
intervenez également auprès
de vos élus locaux et nationaux
-
faites en sorte que les
remparts et silence que certains commencent à dresser autour de la tragédie
centrafricaine n’étouffent pas définitivement la voix des sans voix, la voix de
notre peuple qui se bat pour vivre libre et digne sur ses propres
terres.
Le tract distribué au cours du rassemblement à la Place du Trocadero