Elections en Centrafrique : un résultat, une victoire, des réserves et risques de désespoir pour la « consolidation de paix »

 

 

Une carte de la République Centrafricaine avec les divisions administratives et les noms des préfectures

 

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE: Des plaintes pour fraude affaiblissent les espoirs pour  la « consolidation de la paix »

 

BANGUI, 3 février 2011 (IRIN) - Les espoirs qu'une élection présidentielle en République centrafricaine puisse améliorer la stabilité et la sécurité dans un pays ravagé par des groupes armés ont été minés par le rejet par l'opposition du scrutin - remporté par le président en exercice, François Bozizé -, considéré comme « une mascarade».

« La tenue d'élections transparentes et crédibles était considérée par beaucoup comme un pré-requis pour le pays afin d'obtenir la stabilité, mais avec les fraudes massives commises durant les élections, et des résultats déjà contestés avant la proclamation finale, un retour à la paix sera problématique », a dit à IRIN Nicolas Tiangaye, porte-parole du Collectif des forces du changement (CFC), une coalition qui regroupe aussi plusieurs anciens rebelles.

« Des partenaires extérieurs qui ont soutenu le processus électoral, pas seulement les Nations Unies, n'ont pas été attentifs aux demandes de l'opposition, en particulier en ce qui concerne les listes électorales et les cartes des électeurs. Ils n'ont pas été à la hauteur de l'espoir de la RCA », a-t-il expliqué.

« Il sera très difficile de tourner la page de l'instabilité politique dans le pays sans dialogue [avec les groupes rebelles] et sans l'achèvement du désarmement et du processus de réintégration. Cela est nécessaire pour assurer la paix », a-t-il ajouté.

La Commission électorale indépendante a dit le 1er février que M. Bozizé, qui est arrivé au pouvoir lors d'un coup d'état militaire en 2003, avait remporté cette élection deux fois reportée, et qui s'est tenue le 23 janvier, avec 66 pour cent des votes.

Les quatre rivaux de M. Bozizé ont rejeté la validité des élections, en dénonçant des fraudes massives. Ange-Félix Patassé, que M. Bozizé a renversé lors du coup d'état de 2003, et qui est arrivé second avec juste un peu plus de 20 pour cent des votes, a dit qu'il déposerait un recours devant la Cour Constitutionnelle.

Dans une déclaration publiée le 25 janvier par le CFC, l'ancien premier ministre Martin Ziguélé, qui représentait le Mouvement pour la Libération du Peuple Centrafricain, l'ancien ministre de la Défense Jean-Jacques Demafouth (Armée Populaire pour la Restauration de la République et de la Démocratie, d'anciens rebelles qui avaient signé un cessez-le-feu en 2008, mais qui ne sont pas encore désarmés) ; et Emile Gros-Raymond Nakombo (Nouvelle Alliance pour le Progrès) ont demandé que les élections soient annulées parce que les résultats avaient été « frauduleusement manipulés et qu'ils ne reflètent nullement le suffrage des populations à cause de leur caractère non-transparent et non-libre ».

Les candidats ont déclaré qu'il y avait eu des irrégularités dans 52 des 105 circonscriptions électorales du pays.

Lors d'un entretien avec IRIN, M. Nakombo a soutenu que certains électeurs en dehors de la capitale Bangui avaient été empêchés de déposer leur bulletin de vote et qu'il y avait eu plusieurs cas de votes multiples.

Le Groupe national des Observateurs électoraux, qui coordonne le travail de 500 observateurs nationaux, a cité plusieurs irrégularités de procédure et des violations du code électoral par certains candidats et leurs sympathisants, mais il n'a pas rendu de jugement sur la crédibilité générale du scrutin.

Une mission d'observation déployée par l'Organisation Internationale de la Francophonie, qui regroupe les pays parlant français, a aussi noté « toutes sortes de difficultés et de dysfonctionnements », selon son responsable, l'ancien président du Burundi Pierre Buyoya.

« La confection et l'affichage des listes électorales, l'établissement ainsi que la délivrance des cartes d'électeur ont constitué la source majeure des dysfonctionnements techniques relevés », a dit M. Buyoya à la radio RFI.

« Des irrégularités et des insuffisances ont été notées à propos des règles et des procédures dans les bureaux de vote, ainsi que la présence de représentants de l'Administration dans certains bureaux de vote », a-t-il dit.

Deux jours avant le vote, M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré par le biais de son porte-parole que les élections en RCA étaient « un élément important des recommandations du Dialogue politique inclusif tenu entre le gouvernement, l'opposition politique et d'autres mouvements afin de consolider la paix dans le pays.et de poser les jalons pour la stabilité et le développement ».

« Il est important que ces élections soient crédibles, transparentes et inclusives et que les résultats soient respectés par tous les candidats et les parties », a ajouté la déclaration.

Besoin de dialogue, de désarmement

En décembre 2010, le Conseil de sécurité des Nations Unies a exprimé « de sérieuses inquiétudes » au sujet de la situation sécuritaire en RCA, où des attaques par des groupes armés locaux et étrangers, notamment l'Armée de résistance du Seigneur d'Ouganda, « menacent la population ainsi que la paix et la stabilité en République centrafricaine et dans la sous-région ». 

Bruno Gbiegba de l'ONG Réseau pour la Défense des Droits de l'Homme a dit à IRIN: « La négociation et le dialogue avec les rebelles [en RCA] est nécessaire. Si la voix des armes est la seule que les gens veulent entendre, nous ne sortirons pas de l'obscurité ».

« Si les rebelles ont participé à l'organisation de ces élections, c'était pour encourager leur retour à une vie normale », a-t-il ajouté.

La plupart des groupes rebelles en RCA, qui sont apparus après les élections en 2005, ont pris part aux négociations de 2008 et se sont engagés à désarmer en échange de places dans des institutions étatiques. Depuis, 6 000 combattants se sont rassemblés dans des centres dans le nord-ouest, mais relativement peu d'armes ont été collectées. Aucune activité de désarmement n'a eu lieu dans le nord-est, où deux nouveaux groupes rebelles sont apparus ces dernières années.

Le départ fin 2010 de la Force de maintien de la paix des Nations Unies en RCA (et au Tchad), la MINURCART, a majoré les inquiétudes liées à la sécurité dans un pays où l'armée nationale n'est pas seulement numériquement incapable d'établir une présence importante en dehors de Bangui, mais où elle est aussi crainte par la majorité de la population.

 

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Http://www.irinnews.org/reportfrench.aspx?ReportID=91820

 

 


 

 

Catherine Ashton s’exprime sur le processus électoral en République Centrafricaine

Par APO - 31/01/2011

Voici la Déclaration de la porte-parole, Haute Représentante de l’UE pour les élection en Centrafrique

La Porte-parole de Catherine Ashton, Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-présidente de la Commission, a fait la déclaration suivante aujourd’hui:

La Haute Représentante se réjouit du climat apaisé et pacifique qui a marqué la campagne électorale et le premier tour des élections présidentielles et législatives en République Centrafricaine. Elle salue tout particulièrement la forte mobilisation des électeurs centrafricains qui ont fait preuve de patience, de sérénité et de dignité dans l’exercice de leurs droits civiques. Des dysfonctionnements dans l’organisation du scrutin et le déroulement des opérations électorales ont toutefois été rapportés. Différentes entraves aux procédures de vote et de dépouillement ont été notées dans certains bureaux de vote.

 

Mme Catherine Ashton, Haute Représentante de l’UE pour les élection en Centrafrique
© kabiladoitpartir.com
Mme Catherine Ashton

La Haute Représentante appelle les autorités, la Commission Electorale Indépendante et les candidats à faire preuve de responsabilité, à garantir la transparence de la suite du processus électoral et à résoudre d’éventuels conflits exclusivement par des moyens pacifiques et juridiques. Elle fait appel aux autorités centrafricaines pour que tout recours éventuel à la Cour Constitutionnelle soit traité en toute impartialité, transparence et selon la loi. Elle encourage tous les partis politiques à continuer à s’impliquer dans le cycle électoral.

Elle a indiqué que l’Union européenne continuera à suivre attentivement la situation en République Centrafricaine et que l’Union est fortement attachée à la poursuite du processus de réconciliation nationale et de consolidation de la paix dans le pays.]

http://www.journaldebangui.com/article.php?aid=761

 

 


 

 

François Bozizé, vainqueur contesté de l'élection présidentielle en Centrafrique

Le Monde.fr -  03.02.11 | 07h07

 

François Bozizé, chef de l’Etat centrafricain sortant, a été réélu avec 66,06 % des suffrages (607 184 voix) lors du premier tour du scrutin présidentiel qui s’est déroulé, dimanche 23 janvier, selon les résultats provisoires annoncés, mardi 1er février, par la Commission électorale indépendante (CEI).

Ange-Félix Patassé, ancien président (de 1993 à 2003), qui avait été renversé par François Bozizé lors d’un coup d’Etat, est arrivé en deuxième position (20,10 %) devant Martin Ziguélé (6,46 %). Les deux derniers candidats n’ont pas franchi la barre des 5 %. Ces résultats doivent maintenant être validés par la Cour constitutionnelle dans les quinze jours.

Dans un pays peuplé de 4,5 millions d’habitants, d’une superficie comparable à la France et la Belgique réunies mais dépourvu d’infrastructures routières et en queue de classement de tous les indices sociaux-économiques, l’organisation de ces élections présidentielles et législatives avait pris les allures d’un défi.

A deux reprises, le scrutin avait été reporté en 2010 et il fut incertain jusqu'au dernier moment. Du recensement des électeurs à l’affichage tardif des listes électorales, l’opposition avait pointé plusieurs dysfonctionnements.

 

"C'EST TELLEMENT GROSSIER ET RIDICULE"

Prêts à patienter plusieurs heures dans les files d’attente pour aller voter, les Centrafricains s’étaient déplacés en nombre, dimanche 23 janvier. Le vote s'était achevé cinq heures après l'horaire prévu, et le dépouillement avait eu lieu pendant la nuit, à la lueur des bougies et des lampes de poche.

"Tous ont décrié la mauvaise organisation, surtout en ce qui concerne les listes électorales qui ont été affichées en retard, qui n’existaient pas à certains endroits ou se retrouvaient à des endroits qui n'étaient pas les bons", avait déclaré Fulgence Zeneth, coordinateur national de l'Observatoire national des élections, au lendemain du scrutin.

L'attente des résultats – ils auraient dû être communiqués quelques jours plus tôt par la CEI – a renforcé les soupçons de fraude dans le camp de l'opposition. "C'est un non événement, a déploré Martin Ziguélé lors de la proclamation des résultats. C'est tellement grossier et ridicule. Maintenant, nous allons porter plainte et déposer un recours devant la Cour constitutionnelle, mais nous ne sommes pas dupes. La Cour va valider les résultats."

Au cours de la campagne, le parti KNK (pour Kwa Na Kwa, qui signifie "le travail rien que le travail" en langue sango) de François Bozizé s’était donné comme objectif de remporter cette élection "par KO, dès le 1er tour". C’est donc chose faite.

 

"C'EST LA RÉCOMPENSE D'UN TRAVAIL BIEN FAIT..."

"C'est la victoire de la démocratie pour quelqu'un qui a pris le pouvoir par un coup d'Etat et qui l'a légitimé par les urnes en 2005, a déclaré Fidèle Ngouandjika, porte-parole du gouvernement et directeur adjoint de la campagne du chef de l’Etat. C'est la récompense d'un travail bien fait..."

Dans un tel contexte, il est difficile de croire que ces élections pourront enfin amener la paix dans ce pays ruiné par des décennies d’instabilité politique. Ce scrutin se présentait pourtant comme l'aboutissement d’un dialogue national amorcé en 2008 entre le pouvoir, l’opposition et différents groupes armés qui occupent une grande partie du pays.

"Nous serons obligés de reprendre les armes afin de faire rétablir une réelle démocratie en Centrafrique, a confié à l’AFP Joachim Kokaté, l’un des représentants de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), une rébellion qui n’avait pas participé au processus de paix. Nous avions observé une trêve dans l'intérêt du peuple centrafricain. Nous dénonçons la fraude massive. Le président Bozizé a tourné le dos à la jeunesse et à tout le peuple."

Comme pendant toute la campagne électorale, le calme régnait dans Bangui, la capitale, lors de l’annonce des résultats.

 

Pierre Lepidi (avec AFP)

 

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