En Centrafrique, une
maire courage, Mme Catherine Samba-Panza
Femme d’affaires
appréciée de ses concitoyens, Catherine Samba-Panza tente de remettre la mairie
de Bangui sur les rails après des semaines de pillages.
Catherine
Samba-Panza tente de redonner à Bangui sa renommée d’antan. (OLIVIER
TALLES)
La mairie de Bangui
reprend doucement vie après trois mois de paralysie. Bureau par bureau, des
techniciens tirent des câbles électriques, branchent des ampoules. Les employés
de l’état civil sont de retour derrière leur guichet. Ils remplissent des
formulaires à la main, attendant des ordinateurs promis par une agence des
Nations unies.
Fournitures, bureaux, chaises, serveurs informatiques : les soldats de la Séléka ont tout emporté lors du coup d’État qui les a propulsés au pouvoir le 24 mars dernier. En Centrafrique, 2013, c’est l’année zéro de l’administration publique.
« Il me
reste les dettes et les employés »
Le verbe précis, la
pensée claire, le regard droit, la maire, Catherine Samba-Panza, détaille
l’étendue du désastre. Les registres informatisés de la population de Bangui ?
Détruits. Les mairies annexes ? Dévastées. L’argent de la ville ? Envolé avec
les coffres-forts. « Il me reste les dettes et les employés »,
résume-t-elle. Par chance, ses services ont pu récupérer une voiture de fonction
qui avait été volée la semaine précédente par des hommes en treillis.
« Nous avons dû verser un dédommagement aux
voleurs », explique-t-elle.
Mme le Maire a
beau avoir été choisie par le nouveau pouvoir, elle ne bénéficie d’aucun
passe-droit. Cette chef d’entreprise de 58 ans n’est pas du sérail. Elle
n’appartient ni à l’ancienne rébellion Séléka, ni aux hommes politiques qui
sautent de ministère en ministère au gré des coups d’État. « Je n’ai pas
de visées politiques, assure-t-elle. Je quitterai mon poste le jour
où des élections municipales seront organisées. » Une perspective
lointaine. En Centrafrique, les maires sont nommés par le régime en place depuis
plus de vingt ans.
Bien que les
habitants de Bangui n’aient pas été consultés, la plupart ont accueilli
favorablement la nomination de Catherine Samba-Panza. Le petit monde des
affaires la juge « compétente », l’espère
« incorruptible ». Mobilisée en faveur de l’égalité des
citoyens et de la promotion des femmes, elle a laissé un bon souvenir du côté
des agences de développement et des organisations des droits de
l’homme.
Seuls ses trois
enfants, dont deux vivent en France, ont tenté de la dissuader. « Je me
suis toujours battu pour la participation des femmes à des postes de
direction, précise-t-elle. Un refus aurait été incohérent de ma
part. » Son CV le prouve, Catherine Samba-Panza n’est pas du genre
à fuir la difficulté.
Après des études de
droit en France, elle s’est démenée pour ouvrir une société de courtage en
assurance dans un pays pourtant peu propice aux affaires. Autour d’elle, les
rangs des diplômés se sont éclaircis au gré des coups d’État, des mutineries,
des rébellions. « Beaucoup de gens de ma génération sont
partis, observe-t-elle. La relève n’a pas été assurée. Une partie de
la population est résignée. Mais des jeunes et des femmes continuent de
lutter. »
Comment se battre
pour une ville aux caisses vides ? La chef d’entreprise a quelques petites
idées. Elle parle d’abolir certains passe-droits. Des améliorations sensibles
sont possibles du côté de la collecte des taxes qui ont chuté de 40 % au
cours des quatre derniers mois. Reste enfin à convaincre les bailleurs de fonds
étrangers, dont les prêts et les dons assurent 98 % du budget
d’investissement de la capitale. « Les chantiers ne manquent
pas », lâche la maire.
Avec ses routes
défoncées, ses immeubles décatis, ses quartiers insalubres, Bangui ne mérite
plus depuis longtemps le surnom « la coquette ». Catherine Samba-Panza
parle d’expérience. Elle a connu la ville de carte postale réputée pour ses
jardins arborés, ses cafés ombragés, ses larges avenues, son club nautique au
bord du fleuve Oubangui. Mais à ses yeux, « il suffirait de pas
grand-chose pour que Bangui retrouve sa beauté ».
------------------------------------------------------------------------------
Dans les moments de
grande solitude, Catherine Samba-Panza pense à son oncle, diplomate de carrière.
« C’était le frère de ma mère et aussi mon tuteur dès mon jeune âge,
raconte-t-elle. Il m’a inculqué son raffinement, son amour des plantes
et de la nature, de la décoration intérieure, de l’harmonie. Sa grande culture a
été une source constante d’inspiration. Sa femme, de nationalité
israélienne, m’a inculqué le goût du beau. Toute ma vie a été inspirée par ces
deux modèles. »
OLIVIER TALLÈS (à
Bangui, envoyé spécial) - 8/7/13
www.la-croix.com/Actualite/Monde/En-Centrafrique-une-maire-courage-2013-07-08-983710