Représentant de la Diaspora – Zone
Europe
Assemblée Nationale
Bangui, le 08 mai 2013
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers
Nationaux,
Chèr(e)s Compatriotes,
Au moment où notre pays traverse des moments les plus
tragiques de son existence et qui sont de nature à l’enrayer définitivement de
la carte du monde, nous Centrafricain(e)s nous ne devons pas nous limiter pas
seulement aux déclarations de bonnes intentions, mais plutôt engager des actions
concrètes susceptibles d’inverser positivement le cours des évènements, je
voudrais, au nom des Centrafricain(e)s établi(e)s à l’extérieur,
particulièrement en Europe, adresser nos condoléances les plus attristées aux
familles qui ont perdu des leurs ainsi que tout notre soutien multiforme à
toutes les victimes innocentes.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers
Nationaux,
Chèr(e)s Compatriotes,
Notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Par
notre faute, par notre couardise, par notre incohérence, nous avons plongé notre
pays dans les profondeurs abyssales du néant. Nous ne devons plus aujourd’hui
plonger notre tête dans le sable pour nous donner bonne conscience du rôle que
nous avons joué ou que nous sommes en train de jouer. Aujourd’hui, la seule
alternative qui se pose est :
-
amorcer un véritable sursaut
national qui doit permettre à notre pays de
rebondir ;
-
ou bien nous démettre face au
travail du renouveau patriotique, ce qui signifierait la disparition de la
nation centrafricaine.
J’ai entendu, je suis venu, j’ai vu, j’ai vécu ce
cauchemar apocalyptique auquel sont soumises nos paisibles populations et plus
que jamais, nous Centrafricain(e)s dont le pays est aujourd’hui cette
« plaie » de l’Afrique Centrale, ce pays « oublié », nous
devons nous lever pour qu’il redevienne le « Berceau des Bantou »,
cette Suisse africaine de Barthélemy BOGANDA. Nous devons nous lever pour
remettre le Centrafrique à l’endroit.
« Si tous les fils et filles du royaume
venaient par leurs mains assemblées, bouchées les trous de la jarre percée, le
pays serait sauvée », disait Ghezo, le roi
d’Abomey.
Chers compatriotes, pour nous, la jarre qui était déjà
percée est maintenant brisée. Elle est brisée au regard des vols, viols,
massacres, destruction du tissu industriel, destruction des archives
administratives et nationales, remise en cause de la souveraineté nationale
etc…
Nous devons, patriotiquement nous lever en ayant comme
ligne de force, l’intérêt supérieur de la Nation. L’heure n’est plus aux calculs
politiciens ni aux manœuvres de bas étage. Nous devons nous lever pour la re
fondation de notre Pays.
Les Centrafricain(e)s établi(e)s à l’extérieur du
territoire national sont prêts à apporter leur contribution à cette œuvre de re
fondation nationale sur tous les plans. Ils estiment, en raison du
« tsunami » que nous venons de connaître, que des actions urgentes et
prioritaires soient initiées par l’Exécutif et ce, pour la survie de la
population. La Transition qui s’ouvre doit permettre à notre pays de prendre
enfin le bon départ, après tous les faux départs que nous avons connus depuis
1960. Ce qui nous conduit à tirer de bonnes leçons du
passé.
Les Centrafricain(e)s de la Diaspora, proposent
humblement les points suivants qui
doivent s’inscrire dans le Programme d’urgence :
A très court terme :
·
Ouverture sans délai et sans
condition de corridors humanitaires sur l’ensemble du territoire et mise en
œuvre d’une mission d’urgence humanitaire ;
·
Libre accès des organisations
sanitaires et humanitaires à la population centrafricaine sur toute l’étendue du
territoire national ;
·
Evaluation urgente de la
situation et des besoins de la population
centrafricaine ;
·
Lancement d’un plan d’actions
sur l’évaluation de la situation et des besoins de la Jeunesse afin de définir
prioritairement les voies et moyens de retour à l’école, de formation ou
d’insertion socio-économique ;
·
Libre circulation des
personnes sur toute l’étendue du territoire
national ;
·
reprise des activités dans tous les
secteurs, surtout au niveau de l’éducation nationale et de la
santé ;
·
rétablir rapidement la paix
par le désarmement des forces non conventionnelles par la mise en œuvre du DDR
et restaurer les Forces armées centrafricaines ;
·
mise en place d’une
commission d’évaluation des biens volés et détruits (personnes morales et physiques) et
indemnisation des victimes ;
A moyen terme :
·
Lancement urgent d’un
programme de production agricole, d’élevage, de pisciculture afin de nourrir la
population en situation de carence alimentaire ;
·
Reconstruction des archives
administratives et nationales ;
·
Vigilance accrue sur toute
tentative d’exploitation des archives disparues à des fins de régularisation
indue.
Vers la fin de la
Transition :
·
adoption d’une loi de
financement des partis politiques sur la base de représentativité des partis à
l’Assemblée Nationale (législature de 2005) ;
·
mise en place du processus
électoral, avec à la clé :
·
instauration d’une nouvelle
Commission Electorale Indépendante ;
·
recensement ;
·
fichier électoral
numérisé ;
·
instauration de la
biométrie ;
·
entrée de Députés élus dans
la 8ème Région ou 17ème Préfecture que constitue la
Diaspora centrafricaine dans la prochaine Assemblée Nationale
etc.
Toutes ces actions doivent être sous-tendues par le
respect des droits de l’homme, la liberté de la presse, la transparence dans la
gestion de la chose publique, la bonne gouvernance, la promotion de la
compétence dans la gestion des affaires de l’Etat, le bannissement du
clientélisme et des conflits d’intérêt dans l’administration.
« Tout
peuple qui oublie son histoire est condamné à le revivre » selon un poète américain. Pourquoi sommes-nous rentrés
dans ce cycle infernal de violence qui
se répète pratiquement tous les dix ans ? Sommes-nous condamnés à
nous complaire dans un éternel recommencement ?
Avec votre permission, je voudrais rappeler brièvement
qu’il y a vingt ans eut lieu la première alternance politique démocratique. Dix
années plus tard, nous fûmes confrontés à de nombreux problèmes
dont :
-
la velléité hégémonique, le
nombrilisme et le nomadisme politiques ;
-
la résurgence des pratiques
de l’époque impériale ;
-
l’ostracisme et la
marginalisation qui frisa l’élimination de l’opposition
politique ;
-
le dialogue de
façade ;
-
la désorganisation des Forces
Armées Centrafricaines et le manque de volonté politique pour mettre en œuvre
les mesures appropriées.
-
des massacres ciblés frisant
le génocide ;
-
la désorganisation de
l’économie ainsi que la destruction du maigre tissu
industriel.
Il y’a dix ans, le Centrafrique semblait entrer dans une
nouvelle ère de paix et de prospérité. La première Transition Consensuelle que
nous connûmes de 2003 à 2005, malgré la volonté des uns et des autres, n’aura
pas tracé le bon sillon que le pays devait emprunter.
Nous nous souvenons des élections sujettes à
caution de janvier 2011 et de tout
ce qui a été entrepris pour que la volonté du peuple souverain soit respectée.
Nous nous souvenons de la dérive autocratique amorcée depuis, avec une
représentation nationale monocolore. Nous nous souvenons encore de cette gestion
calamiteuse, clanique et familiale de l’Etat…
L’euphorie de 2003 n’a été que de courte durée et les maux qui ont été
listés ci - haut se sont aggravés de manière exponentielle. Et ce, en raison
d’une gestion clanique et clientéliste qui a fait le lit du cauchemar et de ces
rêves invraisemblables qui se passent sous nos yeux grands ouverts depuis mars
2013…
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers
Nationaux,
Chèr(e)s Compatriotes,
Nous avons aujourd’hui une lourde responsabilité
historique et pour ma part, je ne ménagerai aucun de mes efforts pour apporter
ma petite et modeste pierre à cette œuvre. Quel Centrafrique allons-nous léguer
à nos enfants, à nos petits enfants et à notre postérité ?
Les filles et fils du Centrafrique sont interpellés
par interrogation et nous voudrons
ici, souligner le rôle important que peuvent et doivent jouer nos Compatriotes de
l’extérieur ou Diaspora.
Des atouts, nous en avons à
travers la nouvelle génération montante, techniquement compétente et
politiquement consciente qui n’aspire qu’à rentrer au pays, pourvu qu’une
politique de développement et un environnement favorable soient initiée.
Toutefois, au regard de tout ce que nous sommes en train de vivre, des mesures
urgentes doivent être prises pour ramener la paix, réhabiliter l’administration
et l’autorité de l’Etat, favoriser l’émergence d’une Classe Politique de Type
Nouveau qui soit en phase avec la nécessaire et incontournable re fondation politique et enfin, aider
la Société Civile centrafricaine déjà opérationnelle, à se construire de manière
autonome dans une relation dialectique à l’Etat.
C’est fort de ce constat que nous affirmons ici qu’il nous faut
mettre privilégier et restaurer
le « vivre ensemble » qui est le socle commun, républicain
et laïc de la Nation centrafricaine. Aujourd’hui, ce socle vital est malmené par
le contexte national et par les violences subies par la très grande majorité de
la population qui s’interroge de ce qu’est devenu le Berceau des Bantu, la Terre
de nos Ancêtres…
Nous estimons que la voix de la Diaspora doit plus que
jamais compter dans le nécessaire renouveau du pays afin de faciliter le co
développement, aider les patriotes établis à l’extérieur dans la réalisation des
projets dans tous les domaines.
La participation efficace de la Diaspora Centrafricaine
à l’œuvre de reconstruction nationale passe par la mise en place d’une structure
au niveau du Ministère des Affaires Etrangères. Cette structure aura pour
mission d’élaborer les éléments de la politique nationale en matière
d’administration, d’assistance, de promotion des Centrafricains de l’Extérieur.
Elle va être chargée de :
-
veiller à la protection des
intérêts des Centrafricain(e)s établis de façon provisoire ou permanente à
l’étranger ;
-
animer, coordonner et suivre
les différentes actions d’aide au retour des Centrafricain(e)s de
l’Extérieur ;
-
veiller à la création des
conditions permettant la participation des Centrafricain(e)s de l’Extérieur au
processus de développement économique, social et culturel du
pays ;
-
impulser et coordonner
l’action consulaire du Centrafrique ;
-
veiller à l’application des
accords et traités relatifs à l’établissement et à la circulation des personnes
et des biens.
Avant de terminer mon propos, je voudrais inviter les
uns et les autres à méditer ce que notre compatriote, Mgr François-Xavier
YOMBANDJE, dans son ouvrage « Propositions pour sortir de la crise
centrafricaine – en novembre 2011 » a écrit :
Avec le soleil levant, on sort de la nuit et les
contours des choses se présentent mieux. On ne peut se tromper ni des amis ni
des ennemis, ni des arbres ni des hommes, ni des ombres ni des vivants. Une
étape est passée, commence une nouvelle où il ne faut pas se permettre d’avancer
en tâtonnant et commettant les mêmes erreurs. Il faut ouvrir bien grandement les
yeux du cœur, de l’âme et du chef pour ne pas être le jouet des ombres de la
nuit. Et il ne faut pas se voiler la face quand on a, cette fois-là, raté sa
cible. On est maladroit ou on a, un autre handicap. Les réalités sont là, brutes
et il faut les assumer comme elles sont. Personne n’a plus d’excuse quand on a
les bonnes dispositions éthiques, du jugement et d’humanité. Une société qui
veut sortir de ses ténèbres doit prendre la mesure des choses et assumer sa
responsabilité. Nous ne sommes pas moins bien lotis que les autres s’il faut que
nous nous comparions aux autres pour justifier notre non-développement, mais il
faut viser haut et voir loin. Voir avec perspective en ne s’attardant pas dans
la logique des caniveaux et des eaux dormantes.
Ce n’est pas pour les autres que nous devons organiser
notre société et assumer notre histoire mais pour que chacun de nous se sente
heureux et fier de vivre dans ce pays.
Je vous remercie et que Dieu bénisse le
Centrafrique !