CENTRAFRIQUE : LES HOMMES DE
LOI DANS L’ŒIL DU CYCLONE
Lettre
ouverte au gouvernement provisoire centrafricain
04 juin 2013, Par joseph Akouissonne
La terreur se banalise. Elle devient le quotidien d’une population désarmée et
laissée à l’abandon. Bangui-La-Coquette est livrée aux brigands islamisés de la
Séléka. Une guerre de religions s’empare, insidieusement, du tissu social
de la République Centrafricaine. Les cris sourds du peuple centrafricain en
souffrance se font entendre à travers tout le pays. Dans certaines régions,
notamment à l’est, du côté de Bangassou, la population a sorti les fusils de
chasse pour combattre les rufians du mouvement rebelle. Abandonnées par un
pouvoir central qui n’assure même pas la sécurité de la capitale, les régions
sont, en effet, tentées de créer des milices pour défendre leurs terres. Car les
mercenaires de la Séléka, financés et armés par les Wahhabites du Golfe,
se comportent, dans l’arrière-pays, en véritables sanguinaires. Face à l’incurie
du gouvernement provisoire, sans pouvoir légitime, c’est le chaos généralisé. Le
pays risque de se disloquer dans les jours qui viennent. Le pire est à
venir.
Un pas de plus vers les entrailles de l’enfer vient d’ailleurs d’être franchi.
Les éléments de la Séleka, devenus des desperados et des chasseurs de
primes, ont osé s’attaquer à ceux-là mêmes qui sont les gardiens de toute
démocratie : les hommes de loi. Ils ont cerné, nuitamment, le
domicile du Bâtonnier, Zarambaud Assingambi. Violences, perquisitions, menaces
de mort et autres sinistres exactions : ils n’ont reculé devant
rien.
Après cette attaque ignominieuse, ni la C.N.T, ni le Gouvernement
provisoire n’ont annoncé avoir mené de traque contre les
brigands…
Voilà deux mois maintenant que les biens et les personnes sont violentés en
Centrafrique. Deux mois que la nébuleuse islamiste inflige sans répit une
terreur sans nom à la population. Rien ne semble arrêter la furie des Fous de
Dieu. Où sont passées les Forces Armées Centrafricaines ? Pourquoi
l’ordre et la sécurité ne règnent-ils pas sur l’étendue du territoire ? Qui
garantit l’impunité dont bénéficient les séditieux de la Séléka ?
Les responsables politiques actuels donnent l’impression d’être totalement
impuissants face aux fauteurs de troubles qui les défient.
Pour sortir de ce marasme inquiétant, il faut immédiatement passer à l’offensive
et rétablir une bonne gouvernance. La C.N.T devrait annoncer la vacance du
pouvoir et annoncer au plus vite des élections générales. Le temps presse. La
Centrafrique ne peut plus se permettre de s’enfoncer encore plus dans l’abîme.
Il faut lui redonner sa fierté. Assurer sa sécurité, grâce à des Forces Armées
réorganisées, vouées à la défense de la nation. Et c’est la sécurité qui
redonnera confiance aux investisseurs, désireux d’investir dans ce pays plein de
potentialités.
L’histoire de la Centrafrique nous apprend que, jadis, l’homme ou la femme que
l’on désignait par les mots : Gbia (monarque) et Kota Zo (personnalité)
étaient jugés droits et justes. Plus préoccupés par la défense des biens de la
nation que par leur enrichissement personnel. Respectés pour leur sagesse. Mais
les colons et les dirigeants successifs du pays n’ont pas gardé ces critères et
l’homme vertueux n’est plus la référence. Aujourd’hui, à la tête du pays, il
s’agirait plutôt d’une bande qui considérerait le territoire comme un gâteau à
se partager.
Mais le temps est venu d’autre chose.
Car, depuis quelques années déjà, l’Afrique n’est que bouillonnement. C’est une
jeunesse qui ne veut plus forcément partir, qui souhaite, désormais, rester et
vivre dans son pays. C’est un continent dont la croissance - 5% depuis environ 6
ans - commence à faire pâlir de jalousie un occident plein de doutes sur la
sienne. Ceux qui, hier, ricanaient dès qu’on parlait de l’Afrique, n’ont plus du
tout envie de se moquer. Peu à peu, mais sûrement, elle s’insère dans l’économie
mondiale. On commence même à observer un mouvement d’immigration à
l’envers, celui des Européens vers leurs ex-colonies (voir les Portugais
vers l’Angola) !
C’est pourquoi il est urgent que
la République Centrafricaine ne regarde pas, passivement, passer le train
de la renaissance. Il faut un grand débat national et des élections générales,
le plus tôt possible - et non pas dans dix-huit mois - pour éviter au pays de
sombrer à jamais.
« Kôdrô na ndouzou. Bêafrika na ndouzou (Centrafrique,
debout !)
A.De
Kitiki - Le
Club de Mediapart (4 juin
2013)