Point de presse: Nicolas Tiangaye fait le compte-rendu de ses activités

Après un long périple de plusieurs jours qui l'a conduit à N'Djamena, Bruxelles, Pretoria et Brazzaville pour trouver d'une part, des moyens et solutions aux graves crises que rencontre la RCA et d'autre part, solliciter de l'Union européenne un appui budgétaire exceptionnel pour des besoins urgents entre avril et juin 2013, le Premier ministre centrafricain de transition, Me Nicolas Tiangaye a rencontré mercredi 8 mai les journalistes.

 

Dans son compte-rendu bilan, le chef du gouvernement centrafricain a évoqué les problèmes de sécurité, du réaménagement du Gouvernement, des pouvoirs étendus du Premier ministre, du Conseil national de transition, des relations bilatérales avec la République d'Afrique du Sud et de la mise en place de la Cour constitutionnelle de transition.


CONFERENCE DE PRESSE DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER, CHEF DU GOUVERNEMENT D'UNION NATIONALE DE TRANSITION

Déclaration liminaire

Bangui, le 08 mai 2013


Après le plaidoyer que j’ai fait le 08 avril 2013 sur la situation en République Centrafricaine, à l’invitation du Conseil Permanent de la Francophonie à Paris, j’ai entrepris, par la suite plusieurs missions en Afrique et en Europe pour trouver des moyens et des solutions à la grave crise que traverse notre pays. C’est ainsi que je me suis rendu successivement au Tchad, en Belgique, en Afrique du Sud et au Congo, pour solliciter l’aide de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux.



Au Tchad,

A l’invitation du Président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), Son Excellence Monsieur Idriss DEBY ITNO, j’ai participé au 4ème Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement, tenu à Ndjamena, le 18 Avril 2013, à l’effet d’examiner la situation qui prévaut dans notre pays.

A la suite de cette importante rencontre régionale, plusieurs décisions ont été prises, à travers des recommandations destinées à engager la République Centrafricaine sur la voie de sortie de crise.

Plusieurs questions ont retenu l’attention des Chefs d’Etat et de Gouvernement, notamment :

la situation politique et institutionnelle actuelle, c'est-à-dire :

la composition et le fonctionnement du Conseil National de Transition (CNT) ;
l’élargissement des pouvoirs du Premier Ministre ;
les dispositions relatives à l’élaboration du projet de constitution et des textes structurants de la transition et de la sortie de crise. A cet égard, le principe du consensus a été retenu comme règle d’adoption des recommandations conformément aux décisions du 3ème Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC, tenu le 03 Avril 2013 à N’Djamena.

la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale de transition ;
l’appellation officielle de l’autorité investie par le CNT pour diriger l’Etat ;
la situation sécuritaire et humanitaire ;
la situation économique et financière.


LA SITUATION POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE

Compte tenu de la nécessité de faire du CNT, le creuset d’une gestion inclusive de la transition et de réunir les conditions d’une plus grande participation à l’élaboration de la constitution et des textes législatifs indispensables au processus législatif et à la restauration de l’ordre constitutionnel, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC ont recommandé que le nombre des sièges au sein du CNT soit porté à un total de cent trente cinq (135). Les trente (30) nouveaux sièges seront attribués aux régions, aux formations politiques, y compris l’ancienne majorité présidentielle, aux groupes politico-militaires qui n’ont pas encore renoncé à la lutte armée, ainsi qu’à la société civile, aux femmes et à la jeunesse.

La répartition de ce quota sera gérée sous ma responsabilité, pour éviter de tomber encore dans le tripatouillage qu’a connu la liste constitutive du CNT dans sa composition actuelle.

Le Conseil National de Transition dispose de la plénitude du pouvoir législatif. Il est chargé de préparer le projet de constitution qui sera soumis au suffrage populaire.

La Cour Constitutionnelle de transition sera chargée de veiller à la constitutionnalité des lois, de connaître du contentieux électoral, de proclamer les résultats définitifs des consultations électorales, et de recevoir le serment du Président de la République démocratiquement élu. La durée de la transition est fixée à dix - huit (18) mois.

Le Chef de l’Etat de transition, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement d’Union Nationale de Transition ainsi que le Président et les membres du bureau du CNT ne peuvent se présenter à la prochaine élection présidentielle.

Le Premier Ministre dispose de pouvoirs élargis. Il est le Chef du Gouvernement. Il ne peut être révoqué par le Chef de l’Etat de transition pendant la durée de la transition.

Il sera procédé à la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale de transition, à travers de larges consultations et sur la base de l’esprit de l’Accord Politique de Libreville, pour rétablir un juste équilibre entre les diverses entités. Ce gouvernement doit en conséquence être inclusif.


SUR LE PLAN SECURITAIRE ET HUMANITAIRE


Depuis un mois, la ville de Bangui est le théâtre de pillages, de vols, de viols et autres exactions perpétrés par des éléments incontrôlés de SELEKA et des bandits de tous genres. Pour mettre un terme définitif à cette situation inadmissible, Bangui fera l’objet d’un traitement spécial, par le renforcement de la MICOPAX. L’effectif de la FOMAC sera porté à Deux milles (2000) hommes d’ici la fin du mois de mai 2013. Ces nouveaux contingents viendront renforcer la FOMAC afin de lui permettre de remplir efficacement sa mission de sécurisation des biens, des installations de l’Etat et des entreprises. J’ai également sollicité la participation et l’implication effective des forces françaises présentes sur le territoire national à la pacification du pays.

Sur ce plan précis, Bangui sera déclarée « ville sans arme », sous la supervision de la MICOPAX, et du détachement français de Boali, avec les implications suivantes :

aucun élément des Forces Armées Centrafricaines (FACA) et SELEKA en divagation ne sera autorisé à porter l’arme dans la ville de Bangui.

tous les FACA, les milices et les populations civiles détenteurs d’armes, doivent dans un premier temps, remettre volontairement les armes en leur possession ; en cas de refus ou de résistance, il sera procédé au désarmement forcé. Cette opération nous permettra de désarmer la population et de démilitariser la ville de Bangui ainsi que celles des autres régions.

tous les éléments SELEKA et les FACA non autorisés à porter des armes seront casernés hors de Bangui en vue des opérations de formatage (identification, enregistrement, constitution en unités militaires et organisation de vie en caserne en attendant leur insertion dans la vie civile ou dans le service militaire), dans le cadre de la restructuration de l’armée. La logistique leur sera fournie ainsi que l’organisation des activités militaires.
Il sera mis en place des commissions mixtes (militaires et civiles) et conjointes pour le rapatriement des militaires et civils centrafricains réfugiés dans les pays voisins.


Les éléments armés étrangers qui se trouvent sur le territoire centrafricain seront désarmés et rapatriés de gré ou de force dans leur pays respectif.

Il est fait interdiction à toutes les initiatives d’hostilité armée de groupes politico-militaires qui n’ont pas encore renoncé à la lutte armée ou toute autre forme d’hostilité politique qui proviendrait des partis politiques et organisations de la société civile, susceptibles de nuire à la réconciliation nationale pendant la période de transition. Les médias nationaux tant publics que privés doivent s’abstenir de servir de support aux déclarations ou de relais à ce genre d’activité de conflit.


Toutes les actions que je viens d’énumérer s’inscrivent dans le cadre d’un vaste programme. Et cela demande un soutien effectif de la communauté internationale et des partenaires stratégiques potentiels, par la mobilisation des ressources matérielles et financières conséquentes.


En Belgique

C’est pour cela que je me suis rendu à Bruxelles pour solliciter de l'Union Européenne un appui budgétaire d'urgence en vue de sortir très rapidement notre pays de la situation dramatique qu’il traverse,

Notre administration est totalement paralysée, suite à la destruction de ces installations, aux pillages et saccages des bureaux, des documents et du matériel bureautique. Une insécurité généralisée caractérisée par la destruction de l’essentiel des infrastructures socio-économiques, avec un impact aux effets incalculables sur les entreprises, une situation humanitaire catastrophique. Devant l’ampleur de cette calamité, j’ai sollicité auprès de l’Union Européenne une aide exceptionnelle d’urgence en vue de couvrir nos besoins financiers, surtout pour la période d’avril à juin 2013 afin de créer les conditions d’une stabilisation de la situation.


Situation économique et financière

La situation que traverse notre pays sur le plan économique et financier est particulièrement difficile. La destruction de l’essentiel du tissu économique limite considérablement les capacités de l’Etat à faire face aux engagements urgents. C’est pourquoi, le financement sollicité de nos partenaires servira à :

assurer le règlement des dépenses de sécurité, notamment le cantonnement des éléments de SELEKA, leur casernement, le redéploiement des FACA etc.).
régler les salaires, les bourses, les pensions et les frais de vacation afin de limiter les risques éventuels d’explosion sociale ;
assurer le fonctionnement et l’équipement des organes de transition à savoir, le Conseil National de Transition et la Cour Constitutionnelle de transition ;
l’apurement d’une partie de la dette commerciale des entreprises nationales et étrangères victimes des actes de vandalisme en vue de relancer le plus rapidement possible, le secteur productif, en vue de préserver les emplois existants et soutenir la consommation ;
Réhabiliter les bâtiments détruits, rééquiper l’administration, particulièrement les hôpitaux, les écoles, objets de pillages systématiques, fournir des médicaments et du matériel médical afin de créer les conditions minimales d’une reprise du fonctionnement de l’Etat.

Ainsi, il s’agira de répondre aux besoins les plus urgents des populations sur l’ensemble du territoire. A cet effet, il sera mis en œuvre des mécanismes avec l’appui des partenaires, qui permettent d’identifier avec les populations concernées, les infrastructures et les actions prioritaires, tant en termes d’accès aux services sociaux essentiels, qu’en termes d’amélioration de leurs conditions de vie et de reprise des activités socio-économiques.

Sur tous ces points, l’Union Européenne a exprimé sa disponibilité à appuyer financièrement la RCA. La contribution de l’Union Européenne est liée à la normalisation de la situation sécuritaire, au respect des engagements politiques réalisables à partir d’une feuille de route crédible pour faciliter une intervention rapide. Elle pense que le rétablissement de la sécurité est une condition indispensable pour favoriser efficacement son intervention.

Elle considère que le rétablissement de la sécurité est essentiel pour garantir une plus grande mobilisation de l’aide en faveur de la RCA. La détermination du Commissaire Chargé de la Coopération Internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises à ne pas abandonner la RCA nous assure des lendemains meilleurs.

Pour sa part, la Belgique, nous a assuré de son engagement à se joindre à l’Union Européenne pour accompagner la RCA dans ses efforts de redressement. Les questions sur le fonctionnement du CNT, le respect de l’Accord Politique de Libreville et les recommandations du Sommet du 03 Avril 2013 à Ndjamena, l’insécurité persistante dans la ville de Bangui et à l’intérieur du pays ont fait l’objet d’échanges fructueux.

La mission de Bruxelles a permis non seulement la reconnaissance par l’Union Européenne de la légitimité du Gouvernement d’Union Nationale de Transition, mais surtout la disponibilité de nos partenaires à appuyer les efforts du Gouvernement pour rétablir la sécurité et la paix dans notre pays.

En Afrique du Sud,

A l’invitation du Président Jacob ZUMA, j’ai effectué une visite de travail au cours de laquelle, je lui ai remis un message de paix et de condoléances du Chef de l’Etat de Transition, du Gouvernement d’Union Nationale de Transition, ainsi que du Peuple Centrafricain au Gouvernement et au Peuple d’Afrique du Sud, pour les incidents militaires entre les troupes survenus de SELEKA et celles d’Afrique du Sud, dans notre pays. J’ai saisi cette occasion pour clarifier avec le Président ZUMA, l’état des relations entre nos deux pays en vue d’ouvrir une nouvelle page dans notre coopération bilatérale.

Ces relations devront désormais s’inscrire dans un cadre conventionnel d’Etat à l’Etat, mutuellement avantageuses à nos deux peuples.

A l’issue de cette visite, le Président ZUMA a annoncé la nomination d’un Ambassadeur d’Afrique du Sud en République Centrafricaine avec résidence à Bangui. Cette décision constitue un succès diplomatique indéniable.

Une conférence de presse conjointe a été organisée à l’initiative du Président Jacob ZUMA afin d’apaiser les esprits de nos deux peuples et dissiper les malentendus.

Je vous annonce qu’une mission sud – africaine arrivera à Bangui, dans les prochains jours pour jeter les bases d’une nouvelle coopération.

Enfin, au Congo,


j’ai participé à la réunion inaugurale du Groupe International de Contact sur la situation en RCA (GIC – RCA) qui s’est tenu les 2 et 3 mai 2013 à Brazzaville. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de l’accompagnement de la République Centrafricaine, conformément au communiqué final du 4ème Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC, organisé à N’Djamena, le 18 avril 2013.

L’exposé que j’ai fait à cette occasion, portait sur la situation sécuritaire, politique, humanitaire et économique. Ainsi, j’ai informé nos partenaires sur les principales mesures prises par le Gouvernement pour restaurer au plus vite, la sécurité et la paix.

Sur ce point, nous avons obtenu que :

L’effectif de la FOMAC passe de 750 à 2 000 hommes. L’incidence financière est de 47 milliards de F CFA. Ce coût prend en compte les volets formation et équipements.
En ce qui concerne le renforcement des effectifs de la FOMAC, l’Union Européenne maintient son engagement de financement. La RDC s’est engagée à apporter sa contribution. Les Etats membres de la CEEAC ont promis de mettre en place, rapidement, le complément d’effectif au courant de ce mois de mai 2013.
Les effectifs du Tchad, du Congo sont d’ores et déjà disponibles.

Les Ministres des Affaires Etrangères, membres du Groupe International de Contact, exhortent les autres forces en présence en RCA (troupes françaises, unités de l'initiative régionale déployées dans la zone infestée par la LRA) à contribuer également à la sécurisation du pays.

Conformément à la feuille de route décidée au Sommet de Ndjamena, j'ai échangé avec les partenaires sur le chronogramme des textes (chartes de la transition, la constitution) à élaborer, les organes de la transition à créer et sur le déroulement du processus électoral.

J’ai mis l’accent sur les conséquences dramatiques de cette crise dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la sécurité alimentaire ; chiffres à l’appui, et pour rassurer nos partenaires que le Gouvernement mettra tout en œuvre en vue de faciliter la circulation des ONG.

Le Système des Nations Unies a promis d’accroître sa contribution pour assister les personnes éprouvées et rechercher en même temps, des financements supplémentaires pour répondre aux besoins sans cesse croissants des populations.

La situation économique est si désastreuse qu’elle a entrainé le ralentissement économique et la paralysie de l'administration fiscalo-douanière. Cela se traduit par une faible mobilisation des ressources publiques.

Une réévaluation des objectifs budgétaires est plus qu'impérative. L’élaboration d'une loi de finances rectificative permettra de recentrer les priorités sur les mesures d'urgence.

La réunion de Brazzaville a décidé la création d'un Fonds fiduciaire ou Fonds spécial de solidarité pour, non seulement répondre aux mesures d'urgence mais également, financer le processus électoral.

L'Union Européenne, la BAD et la Conférence internationale sur les régions des Grands Lacs, se sont engagées à étudier d'autres mécanismes économiques et financiers pour accompagner la transition.

Je vous remercie.

 

 

Ci-dessous l'intégralité de sa conférence de presse
Fichier audio à télécharger à partir de Bêafrika Sango
point de presse tiangaye 7 052013.WMA  (9.71 Mo)

Mercredi 08/05/2013 - bêafrika Sango (beafrika.net)

Document audio en WMA à partir de sangonet.com : Conference de presse du premier ministre Nicolas Tiangaye, 07 mai 2013