LAMPEDUSA : L’AFRIQUE NAUFRAGEE

L’EUROPE VERSE DES LARMES DE CROCODILE

Joseph Akouissonne

 

Le cycle infernal de l’égoïsme et du repli frileux sur soi se perpétue dans toute l'Europe sous nos yeux médusés. A nouveau, Lampedusa, la petite île italienne, a repris son rôle, sinistre, de nécropole pour les migrants africains.


Dans la nuit du 2 au 3 octobre, une embarcation de fortune transportant des Africains a pris feu au large de la Sicile. Des enfants, des femmes enceintes, des hommes, des humains, quoi ! Presque tous ont sombré, corps et biens. Sur 500 migrants, 115 seulement ont été à ce jour repêchés. 90 cadavres ont été ramenés à terre et on compte, pour le moment, plus de 200 disparus.


« C’est l’horreur, c’est abominable… » sanglote un habitant de Lampedusa, qui a assisté aux opérations de secours. « …Ils ramenaient des corps sans arrêt… » poursuit-il. Le Pape François s’est indigné en déclarant que « …C’est une honte ! C’est une honte.. !» Le Saint Père a aussi condamné « cette mondialisation de l’indifférence…, » appelant à : « prier Dieu pour le tragique naufrage… »


Images insoutenables des corps repêchés. Survivants hagards, encerclés par des carabiniers soupçonneux. Portés disparus par centaines. Les requins et autres poissons carnassiers se portent bien à Lampedusa.


Malheureusement, la tragédie d’aujourd’hui n’est qu’une macabre réédition du funeste scénario qui se répète au large de la Sicile depuis longtemps. Au cours des 15 dernières années, 20.000 Africains se sont fracassés contre les murailles de l’Europe. La déliquescence du vieux continent est à désespérer : ni François Hollande, ni Angela Merkel, les puissants de l’Union européenne, ne se sont officiellement émus. L’Italie, seule, a décrété un jour de deuil.


L’Europe, étranglée et effrayée par la peur d’un monde en mutation, se barricade. La Méditerranée est devenue le nouveau mur de l’Atlantique. Les immigrés sont montrés du doigt comme s'ils étaient les nouveaux envahisseurs. Certains confondent les nationaux non blancs avec les immigrés. Des médias commandent des sondages orientés, portant les germes de la manipulation. On nous fait croire que les populations européennes sont devenues trop permissives, on nous fait adhérer aux théories éculées du rejet de l’autre. Journalistes et débatteurs redessinent à longueur de micros le paysage politique. Le Front national, grâce aux relais médiatiques, est en train de devenir un parti républicain comme les autres...


Lampedusa peut continuer à engloutir ses cadavres africains. Après tout, ils n’ont qu’à rester chez eux ! Et nous assistons, impuissants, à la déshumanisation de l’humanité.


Certes, il n’est pas question de remettre en cause la politique migratoire de l’Europe. Un pays a le droit de contrôler les entrées et les sorties s'effectuant sur son territoire. Mais organiser la circulation des êtres humains sous la pression des populations européennes, ce n'est rien d'autre qu'un manque de courage politique. Ne pas brosser le peuple dans le sens du poil lepéniste, faire de la pédagogie, afin qu’il ne se laisse pas abuser par la démagogie des extrêmes : voilà ce que devrait être le vrai courage politique.


Pendant que les ressortissants du continent meurent au large de la Sicile, rejetés par l’Europe, l’Afrique se cloître dans un silence honteux. Aucun de ses dirigeants ne s'est indigné, aucun n'a demandé des comptes. L'Union africaine ne s'est pas manifestée davantage. Or, c'est bien l’incurie des dirigeants africains qui a, en grande partie, provoqué la tragédie de Lampedusa.


Depuis déjà quelques années, la croissance de l'Afrique est positive : 5/% environ par an. Une classe moyenne est en train d’émerger du long sommeil dû à la mauvaise gouvernance qui s'est exercée pendant des années. L’Afrique est en train de sortir des abysses du mépris. C’est certain. Même si cela déplait aux afro-pessimistes! C’est de l'Afrique que l'Occident et l’Asie tirent la robustesse de leur développement.


Mais la croissance comme toujours, alimente les caisses des biens mal acquis. Des fortunes indécentes, s’étalent dans les capitales africaines, devant les populations affamées, obligées de s’exiler pour quémander leur pitance.


Cette renaissance de l’Afrique devrait en priorité, améliorer les conditions de vie des populations. Permettre de créer des emplois, des dispensaires, des hôpitaux, des écoles, sans oublier les infrastructures routières, les transports etc. Elle devrait permettre au plus grand nombre de profiter des fruits de la croissance. De cette manière, aucun Africain ne serait tenté par l'exil.


Il faut en finir avec ce cycle infernal des Africains qui fuient leur continent, pour embrasser la mort au large de l’Europe. Les dirigeants africains sont responsables du drame de Lampedusa.


Seuls, le courage politique et le patriotisme permettront aux Africains de conquérir leur dignité.


Joseph Akouissonne