Le cycle infernal de l’égoïsme et
du repli frileux sur soi se perpétue dans toute l'Europe sous nos yeux médusés.
A nouveau, Lampedusa, la petite île italienne, a repris son rôle, sinistre, de
nécropole pour les migrants africains.
Dans la nuit du 2 au 3
octobre, une embarcation de fortune transportant des Africains a pris feu au
large de la Sicile. Des enfants, des femmes enceintes, des hommes, des humains,
quoi ! Presque tous ont sombré, corps et biens. Sur 500 migrants, 115 seulement
ont été à ce jour repêchés. 90 cadavres ont été ramenés à terre et on compte,
pour le moment, plus de 200 disparus.
« C’est l’horreur, c’est
abominable… » sanglote un habitant de Lampedusa, qui a assisté aux opérations de
secours. « …Ils ramenaient des corps sans arrêt… » poursuit-il. Le Pape François
s’est indigné en déclarant que « …C’est une honte ! C’est une honte.. !» Le
Saint Père a aussi condamné « cette mondialisation de l’indifférence…, »
appelant à : « prier Dieu pour le tragique naufrage… »
Images insoutenables des corps
repêchés. Survivants hagards, encerclés par des carabiniers soupçonneux. Portés
disparus par centaines. Les requins et autres poissons carnassiers se portent
bien à Lampedusa.
Malheureusement, la tragédie
d’aujourd’hui n’est qu’une macabre réédition du funeste scénario qui se répète
au large de la Sicile depuis longtemps. Au cours des 15 dernières années, 20.000
Africains se sont fracassés contre les murailles de l’Europe. La déliquescence
du vieux continent est à désespérer : ni François Hollande, ni Angela Merkel,
les puissants de l’Union européenne, ne se sont officiellement émus. L’Italie,
seule, a décrété un jour de deuil.
L’Europe, étranglée et
effrayée par la peur d’un monde en mutation, se barricade. La Méditerranée est
devenue le nouveau mur de l’Atlantique. Les immigrés sont montrés du doigt comme
s'ils étaient les nouveaux envahisseurs. Certains confondent les nationaux non
blancs avec les immigrés. Des médias commandent des sondages orientés, portant
les germes de la manipulation. On nous fait croire que les populations
européennes sont devenues trop permissives, on nous fait adhérer aux théories
éculées du rejet de l’autre. Journalistes et débatteurs redessinent à longueur
de micros le paysage politique. Le Front national, grâce aux relais médiatiques,
est en train de devenir un parti républicain comme les autres...
Lampedusa peut continuer à
engloutir ses cadavres africains. Après tout, ils n’ont qu’à rester chez eux !
Et nous assistons, impuissants, à la déshumanisation de l’humanité.
Certes, il n’est pas question
de remettre en cause la politique migratoire de l’Europe. Un pays a le droit de
contrôler les entrées et les sorties s'effectuant sur son territoire. Mais
organiser la circulation des êtres humains sous la pression des populations
européennes, ce n'est rien d'autre qu'un manque de courage politique. Ne pas
brosser le peuple dans le sens du poil lepéniste, faire de la pédagogie, afin
qu’il ne se laisse pas abuser par la démagogie des extrêmes : voilà ce que
devrait être le vrai courage politique.
Pendant que les ressortissants
du continent meurent au large de la Sicile, rejetés par l’Europe, l’Afrique se
cloître dans un silence honteux. Aucun de ses dirigeants ne s'est indigné, aucun
n'a demandé des comptes. L'Union africaine ne s'est pas manifestée davantage.
Or, c'est bien l’incurie des dirigeants africains qui a, en grande partie,
provoqué la tragédie de Lampedusa.
Depuis déjà quelques années,
la croissance de l'Afrique est positive : 5/% environ par an. Une classe moyenne
est en train d’émerger du long sommeil dû à la mauvaise gouvernance qui s'est
exercée pendant des années. L’Afrique est en train de sortir des abysses du
mépris. C’est certain. Même si cela déplait aux afro-pessimistes! C’est de
l'Afrique que l'Occident et l’Asie tirent la robustesse de leur développement.
Mais la croissance comme
toujours, alimente les caisses des biens mal acquis. Des fortunes indécentes,
s’étalent dans les capitales africaines, devant les populations affamées,
obligées de s’exiler pour quémander leur pitance.
Cette renaissance de l’Afrique
devrait en priorité, améliorer les conditions de vie des populations. Permettre
de créer des emplois, des dispensaires, des hôpitaux, des écoles, sans oublier
les infrastructures routières, les transports etc. Elle devrait permettre au
plus grand nombre de profiter des fruits de la croissance. De cette manière,
aucun Africain ne serait tenté par l'exil.
Il faut en finir avec ce cycle
infernal des Africains qui fuient leur continent, pour embrasser la mort au
large de l’Europe. Les dirigeants africains sont responsables du drame de
Lampedusa.
Seuls, le courage politique et
le patriotisme permettront aux Africains de conquérir leur dignité.
Joseph Akouissonne