Le chaos en
Centrafrique, la montée de tensions entre religions, et le casse-tête de la
force africaine à Bangui
- Chaos en Centrafrique : à qui la
faute ? (07102013)
-
Centrafrique : montée des tensions entre chrétiens et musulmans (06102013)
- Centrafrique: le
casse-tête de la force africaine à Bangui (06102013)
- RCA:
montée des tensions entre chrétiens et musulmans à Bangassou (05102013)
Chaos en Centrafrique : à qui la
faute ?
07/10/2013 à
09:22 Par François Soudan -
.jeuneafrique.com
Des soldats de la Séléka fuient
Bangui, le 10 septembre. ©
PACOME PABANDJI / AFP
Il en aura fallu, du
temps et des morts, avant que des voix s'élèvent, le 25 septembre à l'ONU, pour
s'inquiéter du sort de la Centrafrique. Et il n'est même pas sûr que cela
suffise à briser l'indifférence de la communauté
internationale.
La scène, surréaliste,
rappelle les épisodes tragicomiques du "Dadis Show" en vogue du côté de Conakry,
à l'heure du prime time, il y a quelques années. Le 19 septembre, Michel
Djotodia, président autoproclamé de la Centrafrique, convoque dans sa villa du
camp de Roux, à Bangui, une vingtaine de journalistes et de diplomates pour
assister à un exercice magistral de justice régalienne. La tête basse, entourés
d'une escouade de militaires, un Sri-Lankais et un Camerounais présentés comme
des trafiquants de diamants et de saphirs subissent les foudres du chef de la
Séléka. "Vous êtes venus acheter illicitement nos diamants, vous êtes venus nous
piller !" tonne Djotodia.
Maladroitement, le
Sri-Lankais se défend en expliquant que les pierres proviennent du Cameroun et
qu'il n'a fait que transiter par Bangui. Michel Djotodia l'interrompt, promet
des "sanctions pénales" et ordonne dans la foulée le transfèrement des deux
hommes à la très redoutée section de recherche et d'investigation de la
gendarmerie. Il aurait pu les envoyer en prison, mais il y a longtemps qu'il n'y
en a plus en Centrafrique. Il aurait pu aussi les faire interner à côté de chez
lui, au camp de Roux, comme son ancien compagnon de rébellion Mohamed-Moussa
Dhaffane, prestement arrêté sur son ordre il y a trois mois au sortir d'un
tête-à-tête houleux, mais cela aurait fait désordre devant tous ces témoins. Nul
n'a eu ce jour-là le mauvais goût de rappeler au président que la Séléka s'est
largement financée sur le trafic de diamants et chacun a compris le message
véhiculé par cette mise en scène : le Titanic centrafricain a bien un
capitaine.
Un pillage globalisé
du pays
Il est vrai qu'en
cette fin septembre le calme semble enfin être revenu à Bangui après dix mois de
tempête qui ont profondément traumatisé ses habitants. Annoncée par Michel
Djotodia le 13 septembre, la "dissolution" de la Séléka a eu pour effet la
quasi-disparition dans les rues de la capitale des pick-up tagués "S'en fout la
mort", qui terrorisaient la population et multipliaient les exactions, en même
temps qu'elle a fourni une base juridique à un désarmement jusqu'ici purement
symbolique des ex-rebelles (130 fusils récupérés en deux semaines, soit une
infime fraction des armes en circulation). Reste que les "sélékistes" ne se sont
pas évaporés. Pour beaucoup, ils ont quitté Bangui, où il n'y a plus grand-chose
à piller, pour se redéployer en province, dans cet hinterland exsangue, depuis
toujours zone de non-droit.
Deux rapports récents
de Human Rights Watch (HRW) et de la Fédération internationale des ligues des
droits de l'homme (FIDH) ("Je peux encore sentir l'odeur des morts" (HRW) et "Un
pays aux mains des criminels de la Séléka" (FIDH), tous deux parus en septembre
2013) permettent d'en savoir un peu plus sur l'ampleur des dévastations causées
par les hommes de la Séléka à l'intérieur du pays depuis le début de la
rébellion en décembre 2012. Le résultat de ces enquêtes partielles (elles ne
concernent qu'une partie du Nord-Ouest et l'on ne sait encore que très peu de
chose des violences commises ailleurs) est accablant. Dispensaires, écoles,
églises, missions, bâtiments administratifs, entreprises, tribunaux, centres
antisida, domiciles : tout a été dévalisé, détruit, incendié. Le listing de la
razzia de la communauté catholique de Markounda, sur laquelle des pillards se
sont abattus telle une nuée de criquets, ressemble à un inventaire à la Prévert.
Les bancs de la chapelle, les sachets d'hosties, le linge et les chaussures des
bonnes soeurs, le stock de Vache qui rit, les savons, les machines à coudre, les
parapluies et les bouteilles de vin de messe... Rien n'a échappé à la vigilance
de rebelles dont certains n'avaient pas 12 ans. Tout a été entassé dans la benne
d'un semi-remorque volé qui a pris la direction des confins du Tchad et du
Soudan.
Ce siphonnage de la
Centrafrique vers ses voisins du Nord, fruit d'un pillage d'anthologie à
l'échelle d'un pays, dure depuis des mois, faisant au passage le bonheur de
certains nationaux. Petite localité de la Vakaga, non loin de la frontière
tchadienne, Boromata, où l'on circulait hier à dos d'âne, est ainsi devenue une
bourgade prospère où 4x4, motos, Thuraya, matériel hi-fi et groupes
électrogènes, tout droit issus du grand déménagement de Bangui, s'achètent et se
vendent au marché central. Précision utile : Boromata est la ville de naissance
de Michel Djotodia.
Des policiers comptent
des munitions.
Une campagne de désarmement a commencé. © Pacome
Pabandji/AFP
Les
bonnes soeurs de Markounda ont eu de la chance. Elles n'ont été ni violées ni
tuées. Ce qui n'a pas été le cas ailleurs, à Bangui bien sûr, dans la Lobaye
plus à l'ouest, mais aussi tout le long de cet arc de cercle qui va de Bouar à
Bouca en passant par Batangafo, Dekoa, Mbrès et bien sûr Bossangoa. Ici, dans
cette ceinture du coton à cheval sur trois provinces et à la population mélangée
(on y trouve aussi bien des Gbayas, l'ethnie de l'ex-président Bozizé, que des
Kabas, des Bayas ou des Korés), l'affrontement sanglant entre les hommes de la
Séléka et les cultivateurs locaux a pris un tour ouvertement sectaire et
religieux. Face aux exactions multiples commises par les petits seigneurs de la
guerre sélékistes et leurs alliés éleveurs peuls mbararas - tous musulmans - se
sont constituées des milices chrétiennes dites anti-balakas ("anti-machettes"),
avec à leur tête d'anciens chefs rebelles de l'Armée populaire pour la
restauration de la démocratie (APRD), active dans la région jusqu'en 2011. Ce
sont ces groupes d'autodéfense et non pas, comme on l'a dit, d'anciens
militaires fidèles à François Bozizé (même si certains d'entre eux se qualifient
de "rebelles de Bozizé") qui sont à l'origine des violents combats de Bossangoa
début septembre. Atrocités contre atrocités. Alors que les commandants de la
Séléka faisaient procéder à des exécutions sommaires précédées de séances de
torture publiques, les anti-balakas incendiaient une mosquée avec ses fidèles,
massacraient des villageois peuls et jetaient aux cochons les cadavres de leurs
ennemis.
À Bangui, dix-sept
hors-la-loi sélékistes ont été condamnés, le 11 septembre, à huit ans de
prison. Un premier pas sur la voie hasardeuse de la lutte contre l'impunité ? Un
geste symbolique plutôt, et vraisemblablement sans lendemain, tant il apparaît
impossible pour Michel Djotodia, qui de l'avis général n'a ni politique
d'ensemble ni vision d'avenir pour son pays au-delà de sa propre survie, de
contrarier ceux qui l'ont fait roi. Sans doute faut-il lui rendre justice : de
ce trône branlant, de ce pouvoir sous surveillance exposé à la moindre balle
perdue, il n'a jamais réellement voulu, ainsi qu'il le confiait récemment à un
visiteur. Rébellion identitaire portant les revendications des populations
oubliées de la Vakaga (ces Goulas et Roungas frustrés de ne pas être considérés
comme de "vrais" Centrafricains), la Séléka n'a jamais été un mouvement de
libération nationale. C'est Éric-Neris Massi, le fils adoptif de Charles Massi,
qui depuis Paris, où il faisait le tour des médias, a donné à ce mouvement un
habillage et une ambition politiques totalement artificiels. Et ce sont des
politiciens centrafricains opposés à Bozizé et à son régime qui ont convaincu
Djotodia que Bangui devait être son objectif final. La griserie des villes qui
tombaient les unes après les autres, l'écoute des radios étrangères qui
relataient leurs victoires en décomptant le nombre de kilomètres qui les
séparaient de la capitale, l'odeur du pillage reniflée jusqu'au Darfour et au
Ouaddaï par tout ce que la région compte de porteurs de kalachnikovs ont fait le
reste. Le 24 mars 2013, c'est un Michel Djotodia poussé par une rébellion
composée à 80 % de Soudanais et de Tchadiens et sur laquelle il n'avait
presque aucun contrôle qui est entré au Palais de la renaissance sur les talons
d'un Bozizé en déroute.
Michel Djotodia, qui
n'a plus aucun contrôle sur ses hommes, se sait très exposé. © STR / AFP
De ce drame, qui, en
marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, semble enfin mobiliser une
partie de la communauté internationale, l'Histoire retiendra que tous les
acteurs ont failli par irresponsabilité, calcul ou passivité. Excédés par les
atermoiements de François Bozizé et ce qu'ils percevaient comme une volonté de
sa part de saboter les accords léonins de Libreville, les chefs d'États
d'Afrique centrale ont ordonné à leurs troupes de ne pas s'opposer à l'assaut
final sur Bangui. Trois semaines plus tard, à N'Djamena, les mêmes octroyaient à
Djotodia une reconnaissance formelle et lui assignaient une feuille de route ne
comportant aucune disposition relative au rétablissement de l'État de droit et
au respect des libertés fondamentales. Mobilisés sur le front malien, gênés aux
entournures par les complexités passées, souvent peu reluisantes, d'une relation
incestueuse avec la Centrafrique, les Français ont eux aussi péché par
indifférence. La mise à sac de Bangui s'est déroulée sans que leur contingent
sur place n'intervienne, et il a fallu attendre le 22 août pour que François
Hollande, choqué par le récit que lui a rapporté une délégation d'ONG reçue à
l'Élysée, reconnaisse que Paris avait sous-estimé la gravité de la
situation.
Profanations, viols et
meurtres
Pourtant, pour qui
savait lire et écouter, le vrai visage de la Séléka était connu dès
janvier 2013 puisque chaque prise de localité par la coalition rebelle
s'accompagnait de violences, de pillages, de profanations de lieux de culte, de
viols et souvent de meurtres, ainsi que le rapportaient déjà les évêques
centrafricains et certains médias - dont Jeune Afrique. Beaucoup moins complexe
et onéreuse que celle menée par l'ONU dans l'est de la RD Congo, une opération
lancée par les Français et la Force multinationale des États de l'Afrique
centrale (Fomac), conjointement à de fortes pressions exercées sur François
Bozizé pour l'amener à partager son pouvoir avant la prochaine élection
présidentielle dont il aurait été exclu, était tout à fait possible. Or elle n'a
jamais été envisagée et, en laissant tomber Bozizé comme une mangue mûre,
voisins, protecteurs et ex-puissance coloniale ont troqué le mal pour le pire
puisqu'il n'est plus question aujourd'hui dans leurs discours que des risques
d'une "somalisation" de la Centrafrique. Quant aux leaders politiques locaux qui
ont cru bon de soutenir la Séléka en escomptant qu'elle tirerait pour eux les
marrons du feu, ils le paient déjà d'un lourd discrédit auprès des futurs
électeurs.
Lire aussi
: Centrafrique : vers une mise sous
tutelle
Dans ce pays failli,
où ce qui reste d'État survit grâce à la générosité du président congolais
Sassou Nguesso (puisque aucun impôt, aucune taxe ne rentre plus et que les
"généraux" de la Séléka ont la haute main sur le diamant, le bois et tout ce qui
passe à leur portée), il reste quand même une certaine forme d'optimisme décalé.
Le 18 septembre, le ministère du Tourisme annonçait la tenue à Bangui d'un
séminaire de formation de ses cadres et agents sur le thème "faire de la RCA une
destination touristique par excellence". La Centrafrique, que François Hollande a qualifiée de "petit pays
ravagé" dans son "cri d'alerte" du 24 septembre devant l'ONU,
bien que sa superficie soit presque équivalente à celle de la France, est certes
une contrée superbe aux richesses naturelles insoupçonnées, mais la perspective
d'y voir atterrir un charter de touristes est pour l'instant aussi probable,
hélas, que l'installation d'un Club Med sur le sable blanc de Mogadiscio
Beach.
Centrafrique
: montée des tensions entre chrétiens et musulmans
La rédaction -
fait-religieux.com, le 06.10.2013 à 12:00
Plus de six mois
après le renversement, le 24 mars dernier, du président François Bozizé par
les forces de la Séléka - « alliance » en langue sango -,
l'autorité de l'État tarde à se rétablir en Centrafrique. Si la situation semble
commencer à se stabiliser à Bangui, la capitale de la République centrafricaine
(RCA), l'intérieur du pays reste sous la coupe de la Séléka, pourtant
officiellement dissoute par décret le 13 septembre.
A Bangui,
siège désormais le nouveau président Michel Djotodia, hier figure de proue de la
Séléka - mouvement principalement composé de musulmans -, aujourd'hui
premier chef d'Etat musulman d'un pays en majorité chrétien : la République
Centrafricaine compte 5 millions d'habitants, dont environ 45 % de
protestants, 35 % de catholiques et 15 % de
musulmans.
L'ex-président et
"évangéliste suprême" François Bozizé (photo D.R.).Bossangoa, bastion du
potentat déchu situé au nord-ouest du pays, à
À Bossangoa,
37.000 personnes sont aujourd'hui réfugiées dans l'enceinte de la mission
catholique. Près de 2.000 musulmans sont allés chercher refuge dans une
école. Les villages de la région sont déserts, la population a fui en
brousse.
Tensions
communautaires anciennes
Les tensions
communautaires en Centrafrique sont anciennes. L'ex-président François Bozizé
négligeait, sinon harcelait, la minorité musulmane. « Evangéliste
suprême » de l'Eglise du christianisme céleste-Nouvelle Jérusalem (une Eglise
évangélique très connue au Ghana et au Nigéria), il avait tenté de consolider
son pouvoir chancelant en brandissant le spectre islamiste, en appelant à la
résistance populaire contre des assaillants présentés comme des hordes
djihadistes, des terroristes d'Al-Qaida. Il procurait subsides et munitions à
l'élite des phalanges « anti-Balaka », pour les envoyer combattre les
rébellions qui ébranlèrent plus d'une fois son trône.
L'offensive de
la Séléka lancée en décembre 2012 est venue exacerber les vieilles rivalités
commerciales et les conflits séculaires entre éleveurs musulmans et agriculteurs
chrétiens. Après sa prise de pouvoir par les armes le 24 mars, Michel
Djotodia, le premier président musulman de l'histoire du pays, a multiplié les
déclarations de bonnes intentions et les gestes d'apaisement. Il s'est rendu à
plusieurs reprises à l'église, a démenti toute volonté d'islamiser le pays et a
promis de préserver le caractère laïque de la RCA, mais les agissements de ses
troupes sur le terrain ont sérieusement contribué à fissurer la confiance entre
communautés.
Mercenaires
du Tchad et du Soudan
Au cours de
leur descente sur Bangui, les combattants de la Séléka ont pillé des églises et
agressé des prêtres tout en épargnant les mosquées et les commerçants musulmans.
Ces exactions relevaient plus de la rapine que de la volonté de se venger
d'années de marginalisation, mais l'impact a été terrible. De nombreux
Centrafricains se disent aujourd'hui sous la coupe de mercenaires venus du Tchad
et du Soudan. Selon plusieurs sources diplomatiques, près de 80 % des
combattants de la Séléka sont originaires de ces deux voisins du
nord.
D'après un
expert militaire français, citée par l'Express, « la course à l'abîme
peut encore être entravée à condition d'agir vite et fort sur deux fronts :
l'humanitaire et le sécuritaire ». Selon les agences onusiennes, le
sort de 1,6 million de Centrafricains - soit un tiers de la
population - dépend de l'acheminement d'une aide d'urgence.
Centrafrique: le
casse-tête de la force africaine à Bangui
maliactu.net 6 octobre
2013
« On
confisque tout, c’est les ordres »: l’adjudant-chef major Bediang, de la
force africaine en Centrafrique, supervise les fouilles systématiques des civils
et des véhicules à la sortie nord de Bangui, menée par ses hommes à la recherche
d’armes.
Un transport de
troupes blindé en travers de la chausssée au PK-12, sur la route menant au
Cameroun, marque le poste de contrôle. Les soldats camerounais, congolais et
gabonais fouillent tous les piétons, taxis et camions qui entrent et sortent de
la ville.
« On
cherche des armes », explique l’adjudant sous la pluie. La force africaine
a désormais pour mission de neutraliser les hommes en armes dans la capitale,
livrée au chaos dans les mois qui ont suivi la prise du pouvoir en mars par les
ex-rebelles du Séléka, devenus d’impitoyables pillards.
Les militaires
ont découvert un homme muni d’un arc et d’un carquois garni de flèches. En
bredouillant, il explique qu’il est garde à l’ambassade du Nigeria et qu’il doit
avoir son arc. « Son arme de service devait rester au travail »,
maugrée un soldat congolais. « On confisque », tranche l’adjudant.
Pendant ce
temps, un pick-up transportant des hommes en uniformes dépareillés a franchi le
barrage sans s’arrêter. « On trouve des armes mais ce n’est pas
simple », explique le sous-officier, conscient que les arcs et les couteaux
ne sont pas la cible prioritaire, mais bien les kalachnikov et les
lance-roquettes présents en masse dans la capitale, aux mains de combattants.
Officiellement
la décision du président Michel Djotodia de dissoudre la coalition Séléka a
clarifié la situation: tous ceux qui ne font pas partie des forces de sécurité
doivent être désarmés. Mais sur le terrain, il en va tout autrement: une partie
des combattants Séléka a en effet été intégrée dans les nouvelles forces armées.
« Opération
de dépollution »
« Là, c’est
Séléka intégré » dans l’armée, désigne Octave, chauffeur de taxi, en
montrant un pick-up bondé d’hommes en armes qui roule sur le « boulevard
poussière ».
Un peu plus
loin, un autre pick-up, chargé d’hommes armés, arborant une tête de mort sur la
portière et une devise: « Dangereusement. Votre respect ». « Eux,
c’est ex-Séléka », dit Octave. Donc en principe devant être désarmés. Seule
différence apparente censée les différencier: un béret pour les forces
régulières.
Il y a aussi les
« indéterminés », dont personne ne sait vraiment de quelle catégorie
ils relèvent. Dans les quartiers, on trouve également des « ex-FACA »
(Forces armées centrafricaines) qui ont gardé armes et uniformes à la chute du
régime de François Bozizé.
Désormais s’y
ajoutent les « FACA retour », anciens militaires en voie de
réintégration dans la nouvelle armée.
« C’est une
mission très difficile », explique le porte-parole de la Force africaine,
le commandant Eyi Ngui: « on ne sait pas combien il y a d’armes, ni le
nombre d’hommes à désarmer ».
Sous couvert
d’anonymat, un officier supérieur africain ajoute: « tout le monde sait que
la paix est précaire ici. Les chefs militaires ne vont pas rendre leurs armes
volontairement et ils ont eu tout le temps de les cacher » dans Bangui.
De surcroît la
force africaine ainsi que la police et la gendarmerie centrafricaines doivent
lutter contre un nouveau fléau: la petite délinquance est passée à la
criminalité armée, après avoir récupéré des armes de guerre. « Ce phénomène
n’existait pas jusqu’à récemment », relève un diplomate en poste à Bangui.
Pourtant, les
Banguissois apprécient « l’opération de dépollution », nom donné par
la force africaine au désarmement. Les tirs deviennent rares la nuit et les
habitants reprennent l’habitude de sortir dans la soirée.
« C’est
bien, ce qu’ils font », dit Odilon, qui a installé son étal de médicaments
à côté du barrage du PK-12: « Avec eux, il n’y a pas de désordre. On ne
veut plus de tous ces gens qui se promènent avec des armes. Qu’ils (la force
africaine) aillent maintenant dans les quartiers », au fond de ces allées
boueuses et défoncées sans électricité où aucune force ne s’est jusque présent
aventurée.
Par
RFI - 05 octobre 2013
La tension est de plus
en plus vive à Bangassou, dans le sud-est de la Centrafrique. La ville est
divisée en deux. D'un côté, les chrétiens, de l'autre les musulmans. Des jeunes
ont de nouveau mis en place des barrières aux entrées de la ville pour résister
aux attaques de la Seleka. La visite de plusieurs chefs religieux et membres du
gouvernement venus de Bangui n'a pas permis d'apaiser la situation.
Avec
notre envoyé spécial à Bangui,
Bangassou est au bord
de l’explosion. Les jeunes de la localité, excédés par les exactions de la
Seleka, ont installé de nombreux barrages et se tenaient prêts, hier, à en
découdre avec les ex-rebelles. « Nous avons
demandé aux femmes et aux enfants de se retirer vers les champs, a indiqué à RFI
un jeune du premier arrondissement de Bangassou, car nous craignons l’arrivée de
renforts de la Seleka ».
C’est un
énième incident à un barrage des ex-rebelles qui a enflammé les
esprits dès le début de la semaine. Les jeunes ont laissé
éclater leur colère. Musulmans et chrétiens ont sorti leurs armes. Chacun s’est
replié dans son quartier.
Ce jeudi, pour tenter
de faire baisser la tension, une délégation composée de chefs religieux et de
membres du gouvernement est venue de Bangui. Elle a écouté, à la mairie de
Bangassou, les habitants égrainer la liste des humiliations infligées par la
Seleka.
Selon un participant,
la population a notamment réclamé le départ du chef local de l’ex-rébellion, le
colonel Abdallah ainsi que le retrait de ses proches. La tension a cependant
redémarré, hier, avec la découverte de corps.
Face à l’urgence de la
situation, la délégation a été reçue, dès son retour à Bangui, par le président
de la transition, Michel Djotodia. « Une réponse est en cours, indique Monseigneur
Nzapalainga, l’archevêque de Bangui qui a pris part à la rencontre. Il faut,
dit-il, que la population reste calme et que cesse le cycle de la
violence ».
Destabilisation des
relations intercommunautaires
Suite aux
événements de Bossangoa, la situation à Bangassou montre bien combien
la crise actuelle déstabilise des relations entre communautés qui étaient
jusqu’ici relativement paisibles. Les populations peulhs Mbororo, qui assurent
la garde des bœufs en Centrafrique, sont ainsi régulièrement montrées du doigt
par les ruraux.
Les paysans accusent
les Mbororo d’être complices de l’ancienne rébellion Seleka, simplement parce
que ces peulhs sont musulmans. L’association pour l’intégration et le
développement des peulhs de Centrafrique appelle les populations à la raison.
Les Mbororo, dit-elle, sont autant victimes de la crise que les autres. Ousmane
Aliou, l’un de ses responsables s’en explique.
Ousmane
Aliou
Un des
responsables de l'association pour l'intégration et le développement des peulhs
de Centrafrique, les Mbororo
Nous,les
Mbororo, nous sommes pris entre le marteau et l'enclume. Nous sommes attaqués,
des fois, par la population autochtone, et des fois, par les hommes de la
Seleka.