La crise centrafricaine, la quintessence de la non démocratie en Afrique centrale [Analyse]

Par Marie-Pierre Coppens – LNC 18 Novembre 2013

Vue froidement, la sur-crise que vit l’Oubangui Chari s’ajoutant aux régulières autres crises que traversait le pays auparavant, peut sembler être le sommet de l’absurdité et échappant à toute logique apparente. 

A regarder les choses de près pour tenter de comprendre, l’on se rend compte que cela n’est que la conséquence d’un enchaînement diabolique des soubresauts artificiels causés par des ambitieux assoiffés de pouvoir dans la sous région depuis des éons.

La crise Séléka est très symptomatique en tant que aboutissement d’une logique d’auto-destruction sous régionale.

Comment comprendre que des putschistes, contre toute logique retournent leurs armes et leurs agressions aveugles contre la population, au détriment de ce processus voulant que qui arrive au pouvoir par la force, au moins pour un temps, fasse tout pour apaiser la population, quitte à mentir comme le fit en 2003 François Bozizé.
Les Séléka étrangement, dès le 12 Décembre 2012 en fait, commencèrent à tuer, à violer et à piller dans le pays.
En soi c’est incompréhensible, car illogique en apparence.

LE PARAVENT REPUBLICAIN PRETEXTE A TOUS LES ABUS

En réalité, pour comprendre, il y a obligation de voir ce qui s’est passé autour de la RCA dans le passé.
Au Cameroun, en près de 50 ans d’existence, seulement 2 présidents, dont le dernier empilant les mandats à la suite comme des lego, et sans aucune limite constitutionnelle.
Paul Biya est un autocrate qualifié de dictateur doux, ou suivant ses absences récurrentes du pays, qualifié aussi de dictateur à mi-temps.
Au Gabon, Omar Bongo est mort au pouvoir, il y serait encore si le ciel ne l’en avait pas ravi, et son fils adoptif prit la suite lors d’un vol électoral le plus scandaleux d’Afrique.
Omar et Ali Bongo, peuvent être aussi, comme Paul Biya traités de dictateurs doux.
Ils ne tuent pas brutalement leurs opposants comme il est d’usage dans la région (Tchad, Congo(s)).

La musique diffère au Tchad et dans les deux Congo.
Prise de pouvoir par la force, sanguinairement, en plongeant les pays respectifs dans des crises humanitaires sans nom et pour de longues durées.

Voilà donc des individus, qui se sont appropriés le pouvoir pour s’auto-proclamer chefs de l’état.

La communauté internationale a toujours validé ces dictateurs putschistes sans même rechigner.
Ni les noms d‘Idriss Déby, de Kabila père, de François Bozizé ou de Sassou N’Guesso ne figurent sur la liste des criminels contre l’humanité de la CPI.
Ne parlons même pas de l’autocrate équato-guinéen.
Mieux, après les protestations de façade, ils furent tous et toujours adoubés à l’international.
L’on a encore en mémoire cette image sidérante montrant Sassou N’Guesso tout sourire au téléphone recevoir les félicitations du président français de l’époque Jacques Chirac, le lendemain même de sa prise de pouvoir avec ses Cobras ayant mis le Congo à feu et à sang des mois durant.

Puis par le truchement d’élections faussement démocratiques et truqués, ils transformèrent leurs coups de force en légitimes.
L’amusant dans la communication de ces individus est de toujours user d’euphémisme pour qualifier leurs coups, on parle de ‘sursaut patriotique’.

UNE INSPIRANTE IMPUNITE

Si tout individu disposant de moyens pour s’installer au pouvoir par tous les moyens peut le faire sans opposition et surtout en toute impunité, n’est-ce pas là une terrible incitation pour d’autres rébellions ?
En quoi aujourd’hui la rébellion du M23 en RDC est-elle plus condamnable que ne le fut celle de Kabila père ?
En quoi le coup d’état de Déby au Tchad serait-il exempt de poursuites par rapport à celui d’Hissen Habré qu’il éjecta en 90 ?

En résumé, des rebelles prennent le pouvoir pour ensuite le légitimer par tromperie, et comme constaté, sans inquiétude aucune.

C’est de là et par là qu’il convient de partir pour comprendre la récurrence des coups en Centrafrique.

La rébellion Séléka est partie de ce constat, en se disant : ‘On peut prendre le pouvoir sans rien risquer des autres, ils valident toujours après coup.’
Et fort de l’aiguillon Déby en couverture, la Séléka se sentait bordée contre toutes poursuites.
Kabila, Sassou et Déby y sont bien arrivés sans que personne ne les embête ensuite, pourquoi pas nous se sont-ils dit ?

Tout républicain ne peut que tristement sourire en voyant des dictateurs et pustchistes comme Déby et Sassou N’Guesso être les parrains du retour de la paix en RCA.
Autant confier les clés d’une banque à des brigands.

Dès lors tous les moyens étaient bons pour s’armer et prendre le pouvoir.
Aveuglement, Djotodia a empilé tous les criminels du nord et autour du pays (Soudan et Tchad) sans même se poser la question de la cohérence militaire.
L’on parlait déjà de coalition hétéroclite.

Ce sont les modèles autour du ‘droit à y aller’ sans rien risquer qui ont inspiré les chefs Séléka et déclenché ce cycle fou de violence qui leur échappe.
La soif de pouvoir de Djotodia a primé sur l’élémentaire des prudences.
Et le voilà dans cette situation unique au monde ou des forces de ‘libération’ se tirent des balles dans le pied en devenant des forces d’oppression et de destruction, comme un suicide programmé.
L’ubuesque de la situation laisse sans voix.

Un paradoxe qui ne se lève qu’en se disant que ces forces ne sont pas des forces de libération.

Michel Djotodia qui se voyait déjà comme les autres…S’asseoir au pouvoir et y durer a mal compris les choses.
L’apprenti dictateur a mal singé ses modèles, en négligeant cet élémentaire dans toute rébellion : la cohérence des troupes.
Déby et Sassou ne commirent pas cette erreur fatale.

“L’INJUSTIFICATION” DE SA PRESENCE AU POUVOIR

Un coup de force pour très vite devenir génocidaire de son propre peuple doit contraindre la communauté internationale en toute logique, pour autant que cela existât, à le faire démissionner.

La présence de Michel Djotodia au pouvoir sur ces constats relève du domaine de l’anachronisme et du caricatural de roi nègre puéril.

Le cas historique de Bokassa se pose là comme son contraire.
Bokassa fut un dictateur certes, mais ce fut un homme fort, un patriote, comme souvent le sont les dictatures, qui sut unir le pays et le bâtir.
Les ‘à le suivre ensuite’ jusqu’à Djotodia n’ont pas et n’ont pas eu son talent.

Les plaisanteries des fausses instances démocratiques comme le CNT n’ont juridiquement aucun sens.
En s’attribuant les titres de représentants du peuple sans être des représentants du peuple, puisque non élus, la CNT et ses membres ne peuvent être que des cuistres usurpateurs du droit du peuple centrafricain.
Et ils ont encore moins le droit de dessiner les contours d’une RCA démocratique de demain, en procédant à la mise en place de structures électorales.
C’est incompatible avec l’esprit même du Droit Constitutionnel.

L’ILLEGITIME NE PEUT PAS REDIGER LE LEGITIME

Une observation de bon sens ne paraissant pas déranger la communauté internationale, l’ONU en tête, réclamant toujours le respect des Accords de Libreville, que manifestement ils n’ont pas lu.
Etant devenus caducs dès le 21 mars avec la disparition de son élément pivot, François Bozizé. 

LE SCHEMA INFERNAL POURRAIT SE POURSUIVRE

L’impunité est inspirante, comme absence de garde fous ou même de menace.
Djotodia s’était mis en confiance avec comme nous le disons plus haut, des modèles qui sont tout sauf des démocrates, mais pour le futur proche de la Centrafrique, lui-même pourrait aussi servir de modèle intra-muros pour d’autres, en inspirant d’autres rébellions sanguinaires.

A notre connaissance, les Séléka tuent en RCA depuis pratiquement une année. Qui les inquiète à l’international ?

Qui les poursuit ? Qui même les arrête ?

Il est certains que des chefs de rébellion en herbe ont déjà fait le même constat.
Ce qui, fait des élections présidentielles dans une année, une utopie irréaliste, et même une inconséquence, étant donné l’état de délabrement du pays.
Aucune sécurité, les livres civils sont détruits, les actes de naissances dans les mairies détruits.
Qui ira voter ? Et avec quelle population crédible et localisable ?

Il faut avoir la foi bien accrochée pour croire à la tenue d’élections dans une année.