Centrafrique: Mgr Nzapalainga, une crosse à poigne face aux fusils. S'oblige devant la crise, être un interlocuteur

 

Par Michel CARIOU, AFP – vendredi 11 oct. 2013

 

L'archevêque de Bangui, 
Dieudonné Nzapalainga (d) et l'imam Omar Kabine Layam parlent avec un soldat, le 
8 octobre 2013 à Bangassou, en Centrafrique
L'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga (d) et l'imam Omar Kabine Layam parlent avec un soldat, le 8 octobre 2013 à Bangassou, en Centrafrique

 

D'abord facile, 
orateur hors-pair, mais aussi chef déterminé - et si besoin à poigne - de la puissante Eglise 
catholique de Centrafrique, l'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, s'est imposé  comme 
un interlocuteur obligé à toute solution à la crise dans son pays.

D'abord facile, orateur hors-pair, mais aussi chef déterminé - et si besoin à poigne - de la puissante Eglise catholique de Centrafrique, l'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, s'est imposé  comme un interlocuteur obligé à toute solution à la crise dans son pays.

 

D'abord facile, orateur hors-pair, mais aussi chef déterminé - et si besoin à poigne - de la puissante Eglise catholique de Centrafrique, l'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, s'est imposé comme un interlocuteur obligé à toute solution à la crise dans son pays.

Né le 14 mars 1967 à Bangassou (750 km à l'est Bangui) dans une famille modeste de paysans - père catholique, mère protestante -, archevêque de Bangui depuis mai 2012, il est monté immédiatement en première ligne pour prendre en charge un conflit qui a désarçonné l'Eglise: des violences sans précédent entre chrétiens et musulmans.

Et ce dans une terre que Rome considérait comme un fief acquis et non comme une terre de mission: plus de 80% des Centrafricains sont chrétiens et l'Eglise catholique imprime sa marque sur la vie sociale et politique depuis l'indépendance.

Lorsque les premières violences interconfessionelles ont éclaté en septembre, dans un contexte d'exaspération de la population face aux exactions de combattants de l'ex-rébellion Séléka de Michel Djotodia - premier président musulman du pays - le prélat a tenu des propos très alarmistes sur les "appels à la haine religieuse", relève un diplomate occidental à Bangui.

Très rapidement, le discours a été recadré. Désormais l'archevêque, accompagné du chef spirituel de la communauté musulmane de Centrafrique, l'imam Omar Kabine Layama, sillonne le pays pour dire qu'"il ne s'agit pas d'un conflit interreligieux" mais d'un conflit importé par des combattants venus de l'étranger, Tchad et Soudan.

Administrateur de fait du pays

Au passage, il appelle les politiques à "s'engager davantage", soulignant cruellement le silence et l'absence des prétendants au pouvoir qui attendent la fin d'une transition prévue pour durer théoriquement 18 mois.

Son activisme, conjugué à sa carrure débonnaire, séduit: "personnage charismatique" pour un responsable international, "efficace" selon un officier de haut-rang de la force africaine, "respecté", dit un diplomate.

Dans un pays où la discipline n'est pas le point fort de la troupe, un signe est révélateur: à son passage les militaires se mettent immédiatement au garde-à-vous et le saluent avec déférence. Tous les membres du gouvernement, loin s'en faut, n'ont pas droit à pareille marque d'allégeance.

Car "de part sa fonction, c'est un des hommes les plus puissants du pays", explique un diplomate.

Au fil d'une histoire constellée de coups d'Etat et de rébellions, l'administration de l'Etat a disparu de pans entiers du pays. Aujourd'hui, avec ses diocèses, paroisses, écoles, dispensaires, et son bras humanitaire - Caritas - l'Eglise est la seule institution implantée sur tout le territoire, avec du personnel formé et payé, qui fonctionne. L'Etat faisant défaut, l'archevêque est de facto le chef de l'administration du pays.

Et ses capacités de chef, il les a montrées à ses compatriotes lorsqu'il a fallu faire le ménage dans l'Eglise de Centrafrique.

En 2008, alors qu'il est simple abbé à Bangui à son retour de France où il avait passé huit ans à Marseille (sud-est), une commission d'enquête spéciale du Saint-Siège débarque dans la capitale avec pour mission de mettre fin aux pratiques d'une partie du clergé - curés polygames, prévarication, recours aux indulgences,... - qui scandalisaient Benoît XVI.

Magie du verbe

L'archevêque de l'époque, Mgr Paulin Pomodino, est débarqué sans ménagement. "Cela a été brutal", dit un témoin des évènements. Une quarantaine de prêtres sont éjectés de l'Eglise.

L'abbé Nzapalainga est nommé par le Vatican à 42 ans administrateur apostolique - sorte d'administrateur provisoire - de l'Eglise de Centrafrique avec pour mission de terminer le travail et de remettre le clergé en ordre de marche face aux avancées des Eglises évangéliques.

L'administrateur apostolique exécute les ordres sans états d'âme, quitte à passer pour un ambitieux aux yeux de ses détracteurs. Trois ans plus tard il est promu archevêque.

Quand la crise actuelle éclate fin 2012, chacun a retrouvé son rang: le président - alors François Bozizé - a les armes, l'archevêque l'administration, et le gouvernement joue les figurants. L'équation n'a pas vraiment changé avec l'arrivée au pouvoir de Michel Djotodia en mars dernier.

"C'était un élève très intelligent", se rappelle le père espagnol Juan Jose Aguirre, installé dans le pays depuis 34 ans et qui a été son professeur au petit séminaire de Bangassou. Mais il avait quelque chose de plus, ajoute-t-il: "sa parole avait de l'autorité. Il parle avec une intensité spéciale".

En français, mais surtout en sango, la langue du peuple. Et le pouvoir allié à la magie du verbe, ça pèse en Afrique.

Alors dans la crise actuelle, l'archevêque pourrait-il être tenté par la politique, comme cela s'est s'est vu dans d'autres pays du continent. A cette question, un de ses proches répond en souriant: "le pouvoir temporel, il le pratique déjà au quotidien".