CENTRAFRIQUE - FRANCE : INTERVENTION A HAUTS RISQUES

 

 

LES ÉCURIES D’AUGIAS

 

Apparemment, la France a décidé de frapper fort en Centrafrique. En effet, outre les forces spéciales, positionnées dans le pays des Bantous depuis l’aube de l’indépendance, une armada est "en attente d’instructions" au Cameroun, prête à se mouvoir vers la République Centrafricaine.


Il était plus que temps d’initier, enfin, une opération d’assistance à population en danger de mort.


Depuis sa manumission, le pays a accumulé des particularités calamiteuses : gouvernement fantôme régenté par des dirigeants cupides, dépourvus du sens de l'état et cooptés par des puissances étrangères ; permanence de la présence de l’ancienne puissance coloniale qui a toujours géré dans l’ombre le territoire - l’indépendance de la République Centrafricaine n'étant qu'une fiction ; armée nationale devenue une chimère ; infantilisation d'une population qui ne peut même pas s'exprimer par le vote - les fusils ayant remplacé les urnes...


Depuis un peu plus d’un demi-siècle, le Centrafrique est devenu comparable aux écuries d’Augias. Bonne chance à la France, cet Héraclès des temps modernes qui monte à l’assaut des écuries bantoues !


Mais ce seront, in fine, les Centrafricains eux-mêmes qui sauront les débarrasser de leurs détritus. Avec l'aide de pays amis sincères. Avec des responsables politiques probes et une armée nationale respectueuse de la démocratie, gantissant la pérennité de la Constitution établie par le père de la nation centrafricaine, Barthélémy Boganda.



UNE INTERVENTION FRANÇAISE A HAUTS RISQUES


L’intervention de la France en Centrafrique a commencé par une déclaration du ministre français de la Défense fixant "la durée de l’opération Sangaris à six mois ".


Ce sont là des paroles imprudentes. La Séléka ne sera peut-être pas aussi éphémère que le papillon dont on a pris le nom pour baptiser l'intervention militaire. Qui peut prévoir la durée de l'opération ? La forêt centrafricaine est dense, les marais inextricables...


Dès l’annonce de l’action militaire de la France, le retrait de certains éléments de la Séléka hors de Bangui a été considéré comme une fuite. Fait étrange : les auteurs du pronunciamiento se sont retirés avec 4x4 et armements sans être inquiétés ! Pourquoi les forces françaises, qui détiennent la réalité du pouvoir militaire à Bangui, n’ont-elles pas arrêté et désarmé ces assassins en fuite ?


Cette attitude rappelle furieusement la prise de Bangui par des enturbannés, mercenaires en défroques. Si, à l’époque, ces bandes de chasseurs de primes avaient pu entrer dans la capitale comme dans du beurre, c’est parce que l’armée française sur place était demeurée l’arme aux pieds. On est en droit de se demander quels conciliabules ont eu lieu entre la France et la Séléka.


Question lancinante, que se posent beaucoup de Centrafricains.


Cette ingérence dans un pays souverain est, certes, justifiée par la déconfiture de l’état centrafricain. Qu'on le veuille ou non, l’initiative de la France est salutaire. Cette masse de Banguissois en perdition, désespérée, qui se précipite à l’aéroport M’Poko pour se mettre sous la protection de l’armée française, justifie largement


L' intervention militaire. Car, de tous les états de l’Afrique francophone, la République Centrafricaine est, sans aucun doute, le plus failli.


Il est néanmoins pathétique de voir qu’un pays, dit indépendant depuis un demi-siècle, revienne se mettre sous la protection de l’ancienne puissance colonisatrice.


Les responsables centrafricains qui ont favorisé cette humiliation devront, le moment venu, rendre des comptes devant les tribunaux des humains.



CHAOS, MASSACRES ET GUERRES CONFESSIONNELLES


Sur les bords tumultueux et instables de l’Oubangui, les affrontements confessionnels, avec leurs kyrielles de souffrances, sont en train de faire des ravages.


Bangui-la-coquette est transformée en capitale infernale. Dans les quartiers, des groupes d’auto-défense se sont constitués, pour combattre les exactions de la nébuleuse islamiste de la Séléka. Le génocide que l’on n’osait imaginer est, désormais, une sinistre réalité. Ceux qui pensaient que l’annonce de l’intervention française allait arrêter les affrontements confessionnels se sont trompés.


Chrétiens et musulmans s’entretuent à Bangui même. Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2013, des membres de la Séléka se sont livrés à des massacres d’enfants : 80 jeunes garçons ont ainsi été tués, malgré la présence des forces françaises. La main d’un enfant de 6 ans a été mutilée au couteau. Des tirs à l’arme lourde ont continué à secouer la capitale centrafricaine toute la nuit. Des expéditions de porte en porte ont été organisées par la Séléka pour débusquer et martyriser les chrétiens. Le terrain était libre : les militaires français n'entrent pas dans les quartiers la nuit...


De plus, si la nébuleuse islamiste se retire de la capitale centrafricaine avec armes et bagages, elle va, inévitablement, semer la terreur sur son parcours. Personne à Bangui ne sait ce qui se passe dans les provinces. Elles sont, sans aucun doute, livrées aux bandes armées, aux chasseurs des primes qui y font régner leurs lois de prédateurs. Demain, la communauté internationale risque, comme d’habitude, d’assister, hébétée et impuissante, à la découverte de multiples ossuaires...


Le Centrafrique n’est pas le Mali. C’est un pays de forêts, de fleuves, de rivières et de marais insondables. Configuration qui complique singulièrement, toute action militaire mécanisée. Seuls, des commandos à pieds et des hélicoptères pourront traquer et débusquer les mercenaires de la Séléka et les bandes armées. La France connaît le territoire centrafricain. Elle y est militairement depuis la colonisation. Mais cet avantage n’empêchera pas les difficultés de surgir. Il ne faut pas prendre l’intervention en Centrafrique comme une promenade de santé. Il serait préférable d'éviter les déclarations intempestives et de fixer des temps d’intervention que l’on ne pourra pas respecter.


L’ennemi en Centrafrique est un "mamba noir’"à plusieurs têtes.


Ceux qui ont financé la Séléka, tout le monde les connaît (ce sont parfois "de très chers amis"…) même s'ils ne le clament pas haut et fort. Mais on peut être sûr qu'ils ne resteront pas les bras croisés. Quel rôle joueront-ils après ?


L’intervention de la France en Centrafrique risque de se prolonger au-delà de six mois. Car, après la pacification espérée par tous, le plus dur restera à faire : rebâtir la nation centrafricaine avec de nouveaux hommes et femmes, intègres et patriotes...



JEUX D’OMBRES


Qui mettre en première ligne ?


A un moment donné, les responsables français avaient opté pour le Premier Ministre de la coalition, Nicolas Tiangaye.


On n'est pas plus incohérent : comment exclure des conciliabules Michel Djotodia, qui s’est emparé du pouvoir par un pronunciamiento militaire, et admettre son Premier Ministre ? Pour tous les Centrafricains, c'est le gouvernement de transition dans son ensemble qui est responsable du chaos dans lequel est plongé leur pays. Si la France donne l’impression, comme d’habitude, de se livrer à un jeu d’ombres, les Centrafricains ne l’accepteront pas. La seule solution est que la France écoute le peuple. Un peuple désormais politiquement mûr.


Un peuple malheureusement absent du mini-sommet qui s'est tenu à Paris sur le Centrafrique. Où étaient ses représentants ?



Le moment est venu de rendre enfin ce pays viable, avec de nouveaux dirigeants, crédibles et vertueux. Il en existe - et même beaucoup.


Et cessons de dire que la République Centrafricaine est un "petit" pays, "le plus pauvre du monde".


Si la France y dépêche des troupes, c'est d'abord pour sauver des vies humaines, mais c’est aussi pour y défendre ses intérêts. On oublie souvent de dire que la première bombe ‘H’ de la France a été mise au point avec, en partie, de l’uranium de Bakouma, ville située au sud-est du pays. Aréva, le géant du nucléaire, y est toujours.


Ce sont les diamants de Centrafrique qui ont fait tomber le président français, Valéry Giscard D’Estaing. Le sous-sol centrafricain regorge d'or, de pétrole, de fer, de métaux rares et autres minerais.


Le pays n’est pas "pauvre" : il est mal géré.



Il faut souhaiter que le chaos actuel puisse laisser place à un immense espoir : celui d'une reconstruction. Recontruction d'un pays et d'une nation meurtris. Seules, la volonté et les aspirations du peuple centrafricain, qui n’a que trop souffert, permettront d'y parvenir.



BE AFRIKA, NA NDOUZOU ! (Debout, le Centrafrique !))

 

Joseph Akouissonne (8 décembre 2013)