Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Tiangaye,

Premier-ministre Centrafricain.

 

 

Monsieur le Premier-ministre,

 

              On vous dit prompt au débat, à la riposte voire à la polémique. Il s'agit sans doute d'un reste de déformation professionnelle.

 

Toutefois, avant de répondre à ce courrier, prenez le temps, comme le conseille un précepte chinois, d'énumérer les 26 lettres de l'alphabet : A comme amour, B comme bonheur, C comme confiance, D comme démocratie, E comme etc.

A chacune de ces associations, posez-vous la question de savoir si votre action à la tête du gouvernement d'union nationale depuis une année répond bien à chacune de ces propositions, et si le peuple centrafricain en a tiré bénéfice. A l'évidence, il semble que non.

 

1 – A trop jouer, on finit par perdre.

 

Trop engagé sans doute à perdurer, vous vous êtes livré à des manigances qui vous ont perdu. Vous avez gagné du temps mais, désormais, vous avez les mains liées dans le dos, contemplatif et  observateur impuissant de votre propre inaction. Et pourtant !

 

Le 11 janvier 2013, à Libreville, lorsque vous avez été désigné Premier-ministre comme représentant du front pour l'annulation et la reprise des élections (FARE) en Centrafrique, le collectif des partis politiques de l'opposition démocratique à François Bozizé, nombreux furent ceux qui, gonflés d'enthousiasme et d'allégresse, pariaient sur votre succès. Ils étaient conscients qu'une page se tournait, qu'un vent nouveau se levait sur la République centrafricaine. Pour eux, Libreville était un adoubement sans équivoque puisque les pleins pouvoirs vous étaient scellés sans préalable.

 

Dans trois jours, ce samedi 11 janvier 2014, le pays devait fêter le premier anniversaire de votre installation à la tête du gouvernement d'union nationale. Je doute fort que le cœur et les choeurs du peuple soient à l'unisson.

Car ce pouvoir immense, cette puissance énorme, vous n'en fîtes rien, concédant tout à vos partenaires au sein de la transition, les Séléka. Aujourd'hui, après mille heurts de violence, de vols, de viols et de tueries, le peuple centrafricain est las. Les milliers de victimes et les millions de sinistrés sont traumatisés par tant de sauvagerie. Et meurtris par votre absence à leur côté

Quant à leurs bourreaux, ils ne pourront plus croiser du regard leurs semblables sans que leur conscience ne leur reproche l'insondable descente aux enfers de la barbarie.

 

Ainsi, malgré la puissance concédée à Libreville, vous voici Gulliver aux mains des Lilliputiens, s'interrogeant sur les horreurs de cette guerre civile.

 

Rien ne vous maintient au pouvoir, sauf l'orgueil blessé d'un intellectuel frustré de son échec. Tant d'intelligence réunie en une seule personne qui n'aura servi, ni à influencer le cours des évènements ni à changer la vie quotidienne de vos compatriotes !

 

2 - La malédiction de Bokassa a encore frappé.

 

Depuis la chute de l'empereur défunt, la RCA est la risée de toute la planète. Le pays n'en finit pas de payer la « dette du couronnement ». Les bailleurs de fonds sont très réticents à venir au secours d'un Etat connu pour la gabegie de ses présidents successifs et la corruption légendaire de ses hommes politiques et élites.

 

Aujourd'hui, alors que près de deux millions de Centrafricains sont sinistrés, l'ONU peine à réunir les financements nécessaires à une action humanitaire. L'appel lancé par l'organisation mondiale pour venir au secours de la République centrafricaine est celui qui a reçu la réponse la plus faible de la part des donateurs.

Votre ministre des Affaires étrangères aura beau se démener, la conférence des bailleurs de fonds qui doit se tenir le 1er février prochain accouchera d'une souris. A moins que d'ici là, un signe tangible d'un dénouement de la crise n'offre quelques raisons d'espérer de la part des autorités de transition.

 

Pour apporter une telle preuve de bonne volonté, je vous suggère d'esquisser un geste franc et sincère, en demandant aux Chefs d'Etat de la communauté économique des Etats de l'Afrique centrale, qui se réuniront ce jeudi 9 janvier 2014, de ne point renouveler votre nomination à la tête du gouvernement de transition. Un tel geste, interprété comme un acte sacrificiel, vous grandira et honorera le Centrafrique. Il ne peut en être autrement ; le FARE ayant été dissous par vos soins en septembre dernier, vous ne disposé plus de soutiens politiques majeurs au sein du Conseil national de transition.

 

Il est donc urgent de renoncer. Partez, monsieur le Premier-ministre partez ! Partez avant que les femmes et les enfants ne « jettent derrière vous les tisons ardents de la colère et de la honte » !

 

Paris, le 7 janvier 2014

 

Prosper INDO