République Centrafricaine : un pays en déliquescence, violences religieuses et graines de la haine, difficiles tâches des organisations humanitaires

 

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1 - En RCA, les organisations humanitaires peinent à atteindre toutes les personnes dans le besoin


BANGUI/BOSSANGOA, 10 décembre 2013 (IRIN) - Plus de la moitié des 4,6 millions d'habitants de la République centrafricaine (RCA) ont besoin d'aide humanitaire à cause du chaos qui a suivi le coup d'État. Environ 415 000 personnes ont été déplacées et un nombre incalculable de personnes vivent dans la peur des violences sectaires de plus en plus brutales.


En mars, quelques milliers de rebelles, d'anciens mercenaires et de criminels de droit commun, majoritairement musulmans, regroupé au sein d'une alliance autobaptisée « Seleka » (« coalition » en sango), se sont emparés de la présidence et ont installé au pouvoir le premier dirigeant musulman du pays, Michel Djotodia.


Officiellement démantelée, l'alliance reste cependant active. Ses effectifs ont augmenté, atteignant les 25 000 combattants, accusés de multiples exactions, dont des actes de torture, des viols, des assassinats et le recrutement de milliers d'enfants-soldats.


Les organisations d'aide humanitaire n'ont pas été épargnées par leurs exactions. En septembre, deux travailleurs humanitaires d'ACTED ont été accusés d'espionnage quand des combattants de la Seleka ont découvert leurs téléphones satellites à Bossangoa, dans le nord du pays. Ils auraient été torturés à mort. À Bangui, des voitures de travailleurs humanitaires ont été saisies sous la menace d'armes à feu.


Selon un travailleur humanitaire, qui a demandé à garder l'anonymat car il n'était pas autorisé à s'exprimer publiquement, essayer de travailler dans des endroits où subsistent d'anciens membres de la Seleka s'apparente à un jeu de roulette russe.

« Ils ne respectent pas la vie. Ils se contentent de détruire », a-t-il dit.


Leurs recrues les plus récentes - environ 6 000 enfants - seraient droguées avant d'être livrées à elles-mêmes pour commettre des atrocités, a-t-il dit. « Il y a beaucoup d'enfants drogués ici. Ils tirent et tuent sans émotion. »


Les attaques ont conduit à la création de groupes d'autodéfense autobaptisés « anti-balaka » ou « anti-machete ». Leurs membres appartiennent à la majorité chrétienne du pays et ont été accusés de s'en prendre à des civils musulmans non armés et à d'anciens rebelles. D'anciens militaires fidèles à l'ex-président, François Bozizé, se joignent parfois à eux.


Le 6 décembre, Valerie Amos, la coordinatrice des secours d'urgence des Nations Unies, a fait part de ses préoccupations concernant la situation en RCA après qu'une centaine de personnes ont été tuées en 24 heures. Elle a appelé « tous ceux impliqués dans les violences à respecter la protection des civils et à assurer leur sécurité, et à respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Ils doivent assurer un accès libre et illimité afin que les organisations neutres et impartiales puissent apporter une assistance humanitaire ».


Des besoins médicaux considérables


Médecins Sans Frontières (MSF) et le Comité international de la Croix-Rouge sont maintenant les deux seules organisations humanitaires à s'aventurer sur les routes, qui sont en proie à des groupes armés qui mettent de plus en plus en doute la neutralité des organisations humanitaires.

MSF dirige un service de consultation à l'hôpital de Bossangoa et a récemment mis en place dix centres de santé dans les deux camps pour personnes déplacées. En effet, malgré le taux élevé de maladies, de nombreuses personnes avaient trop peur de parcourir 200 mètres le long de la route pour chercher de l'aide.


« Pendant les 14 premiers jours, nous avons reçu plus de 4 000 enfants de moins de cinq ans et quelques adultes et nous avons traité 3 200 cas de paludisme », a dit à IRIN Heather Thomson, coordinateur des services médicaux de MSF Belgique.


Selon MSF, le paludisme est la première cause de mortalité de cette crise et tue silencieusement de milliers de personnes cachées dans brousse, souvent sans provisions. Autour de Boguila, au nord-ouest du pays, le personnel de MSF a traité près de 95 000 patients contre le paludisme entre janvier et octobre, mais ne peut pas atteindre la majorité des habitants, qui vivent cachés.


« La crise humanitaire qui touche les personnes vivant dans la brousse est particulièrement grave en ce qui concerne le paludisme. Les anciens combattants de la Seleka ont pillé de nombreux hôpitaux et pharmacies dans le nord, souvent aussi récemment qu'au mois de septembre, laissant des communautés entières sans le moindre médicament », a dit Peter Bouckaert, spécialiste des situations d'urgence pour Human Rights Watch (HRW).


Si les décès dus au paludisme sont « les plus visibles » parmi les populations déplacées, « le pillage complet de la plupart des centres de santé et des pharmacies en milieu rural par les anciens membres de la Seleka a également interrompu les traitements du VIH/SIDA », a-t-il dit.


« Avec un taux de prévalence du VIH/SIDA de 13,5 pour cent chez les adultes, l'interruption complète des programmes d'ARV [antirétroviraux] en RCA va bientôt commencer à alourdir le bilan des morts, déjà bien entamé par le paludisme. »


M. Bouckaert a parlé à IRIN de Placide Yamini, infirmier à Ndjo, dont la soeur est décédée du paludisme 48 heures à peine avant la visite de HRW. Les gens ne peuvent que « vivre et mourir comme des animaux ici », aurait dit M. Yamini.


« L'efficacité d'un infirmier dépend de l'accès aux médicaments [...] Avant, nous nous occupions des malades du sida, mais après la destruction du centre médical par les anciens membres de la Seleka en septembre, on ne peut plus rien faire pour eux. Tant de personnes souffrent. Plus personne ne prend ses médicaments », a dit M. Yamini à HRW.


« L'ensemble de la population, soit 4,6 millions de personnes, est affectée par l'actuelle situation complexe de crise, tandis que les besoins ont considérablement augmenté », est-il écrit dans un rapport publié à la suite d'une réunion des hauts responsables des affaires humanitaires des Nations Unies et de l'Union européenne.


« En République centrafricaine, 1,3 million de personnes ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence en raison des troubles civils », a signalé jeudi l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Leur nombre s'élevait à 1,1 million il y a un mois.


Une aide humanitaire menacée


Atteindre les nombreuses personnes dans le besoin pose de sérieux problèmes sécuritaires, logistiques et financiers aux organisations d'aide humanitaire intervenant en RCA. Un grand nombre d'entre elles sont basées à Bangui, alors que les zones les plus sévèrement touchées se trouvent en province.


Amy Martin, responsable du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) en RCA, a dit à IRIN que les nouvelles autorités de facto du pays n'avaient imposé aucune restriction quant aux zones d'intervention des ONG. Mais les agences des Nations Unies se sont fixé leurs propres limites en raison de la criminalité et des « groupes armés qui ignorent et ne respectent pas les travailleurs humanitaires et les principes humanitaires qui sous-tendent leurs activités, notamment celui d'apporter de l'aide à toutes les personnes touchées par une crise », a-t-elle dit.


« Il est donc très difficile pour nous de mener à bien nos missions et d'apporter de l'aide dans un contexte où nous sommes remarqués pour aider les gens indépendamment de leur religion, leur ethnicité ou leur appartenance religieuse. »


Selon Christian Mulamba, directeur national de l'International Medical Corps (IMC), les opérations humanitaires sont entravées par « d'importantes difficultés ».


« L'insécurité continue de limiter l'ampleur et la portée des interventions humanitaires dans l'ensemble du pays. Nous devons quotidiennement analyser la situation sécuritaire », a-t-il dit.


« Cela, combiné à l'absence d'état de droit et aux attaques contre le personnel et les biens humanitaires, empêche l'aide d'atteindre les personnes dans le besoin et de sauver des vies. Les services sociaux essentiels, tels que les soins de santé, l'éducation, l'eau et l'assainissement, dont la fourniture dépend grandement des organisations humanitaires, sont donc gravement compromis. »


M. Bouckaert, de HRW, a dit à IRIN que les organisations caritatives étaient confrontées à « des menaces constantes contre leur sécurité et un niveau accablant de besoins de la part des populations déplacées ». C'est pourquoi « la réponse humanitaire actuelle se limite presque exclusivement aux capitales des provinces et aux villes de taille similaire », alors que la majorité des habitants sont isolés dans des zones reculées.


Selon lui, les membres des missions de recherche de HRW le mois dernier « étaient littéralement les premiers travailleurs humanitaires à atteindre certaines de ces populations » après des mesures logistiques et des négociations « difficiles » avec les anciens membres de la Seleka et les anti-balaka, qui avaient bloqué les routes et démoli des ponts.


« Le niveau de souffrance que nous avons trouvé était absolument terrible. Presque toutes les familles rencontrées avaient perdu des membres récemment à cause du paludisme ou d'autres maladies. »


Besoins alimentaires


La majeure partie des violences se déroulant dans les régions du nord, qui sont le grenier du pays, la malnutrition devrait grimper en flèche à l'arrivée de la période de soudure.


Housainou Taal, le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) en RCA, a prié « les différents groupes armés à respecter les droits des civils et assurer un accès humanitaire pour que [les] employés [du PAM] puissent atteindre les personnes qui ont désespérément besoin d'aide ».


L'IMC, qui intervient dans les provinces de l'est, a récemment découvert que dans certaines zones de la préfecture de la Haute-Kotto, le « taux de malnutrition atteint 15,8 pour cent, une proportion classée comme "critique" par l'Organisation mondiale de la santé ».


« De plus, la crise a des conséquences sur le traitement des enfants souffrant de malnutrition, car l'insécurité entrave l'accès des organisations humanitaires et le transport des denrées alimentaires de première nécessité », a dit Laura Jepson, chargée de communication de l'IMC.


Les zones dépourvues de dispensaires dépendent de l'hôpital de Bria, à 40 km de distance, et il reste seulement deux unités de santé mobiles de l'IMC pour couvrir 11 communautés, soit environ 18 000 habitants.


Financements insuffisants


L'appel consolidé des Nations Unies « est financé à moins de 50 pour cent, davantage de financements sont donc nécessaires pour permettre à la communauté humanitaire de sauver des vies », a dit Laura Fultang, la porte-parole d'OCHA.


Jusqu'à présent, le PAM a aidé 250 000 personnes depuis janvier, mais l'organisme est confronté à un manque à gagner de 20 millions de dollars.


« Même avant les récents bouleversements politiques, les services de santé étaient loin de répondre aux besoins de la population. La dernière crise aggrave encore davantage cette situation déjà désespérée, car les centres de santé sont pillés et vandalisés ; l'interruption de la chaîne d'approvisionnement entraîne un manque de fournitures médicales et de médicaments essentiels ; et l'insécurité empêche le personnel de santé et les patients de se rendre dans les centres de santé », a dit M. Mulamba, de l'IMC.


Le président, M. Djotodia, a récemment admis à Al Jazeera qu'il ne pouvait pas contrôler les anciens combattants de la Seleka. Le 5 décembre, il a rallongé de quatre heures le couvre-feu pour les habitants de Bangui à la suite d'une nuit d'affrontements qui a fait de nombreux morts par balle ou par coups de machette. Le couvre-feu s'étend maintenant de six heures du soir à six heures du matin. La plupart des organisations humanitaires ont déjà adopté un couvre-feu à partir de 17 h 30. [ http://www.aljazeera.com/news/africa/2013/11/evidence-massacre-uncovered-car-2013117671860551.html ]


M. Djotodia a cependant balayé du revers de la main les avertissements selon lesquels les violences pourraient se transformer en génocide. Selon lui, les dizaines de milliers de personnes qui se sont réfugiées auprès de la mission catholique de Bossangoa ne l'ont fait que pour recevoir gratuitement de la nourriture et de l'eau. [ http://www.reuters.com/article/2013/11/30/us-centralafrican-president-interview-idUSBRE9AT0AD20131130 ]


En attendant, la population fuit face à l'escalade de la violence. Sur les 150 km qui séparent Bossangoa de Bangui, les maisons rasées et pillées sont nombreuses. « Les besoins des personnes touchées par le conflit continuent d'augmenter, notamment pour ceux qui se cachent dans la brousse et qui n'ont pas suffisamment accès à des abris, de la nourriture et de l'eau et qui sont exposés au paludisme et aux attaques des groupes armés », a dit M. Mulamba.


« L'approche humanitaire actuelle n'atteint pas les centaines de milliers de personnes qui se cachent avec terreur dans la brousse près de leur village, c'est une grave défaillance à laquelle il faut remédier d'urgence », a dit M. Bouckaert.


« Les gens qui vivent dans la brousse veulent rester près de leurs champs, où ils ont planté de la nourriture, et nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils prennent tous le peu de choses qu'ils possèdent et s'engagent dans un dangereux voyage vers les plus grandes villes. Nous devons leur apporter les fournitures humanitaires vitales dont ils ont besoin, notamment des médicaments », a-t-il dit, car certains professionnels de la santé locaux sont restés avec leurs proches, mais ont besoin de fournitures médicales que seuls les travailleurs humanitaires internationaux peuvent distribuer.


« Tout homme [local] quittant ces zones de guerre et passant par des postes de contrôle d'anciens membres de la Seleka est considéré comme anti-balaka et s'expose, au mieux, à la détention et, au pire, à une exécution immédiate », a-t-il dit.

 

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2 - Les violences religieuses et les graines de la haine en RCA


BOSSANGOA, 10 décembre (IRIN) - Choqués par la recrudescence des meurtres, des viols et autres exactions commis par des musulmans contre des chrétiens - et inversement - en République centrafricaine (RCA), les dignitaires de ces deux religions sont partis ensemble sur les routes du pays pour prêcher la paix et prêter l'oreille aux récits d'horreur.


La violence, le désordre et l'impunité ont atteint un tel niveau en RCA - où une « catastrophe humanitaire aux proportions inimaginables se dessine », selon Amnesty International - que l'archevêque Dieudonné Nzapalainga et Oumar Kobine Layama, le plus grand imam du pays, ont été contraints de se déplacer sous escorte armée.


Le chapitre le plus récent de l'histoire de la violence en RCA a débuté en décembre 2012 : [ http://www.irinnews.org/report/97085/ ] une coalition de groupes rebelles majoritairement musulmans - connue sous le nom de Séléka - soutenue par des mercenaires originaires du Tchad et du Soudan voisins ainsi que des détenus libérés de prison a fait marche vers le Sud avant de renverser le président François Bozizé au mois de mars.


En réponse à la rébellion et aux troubles qui ont suivi la dissolution officielle de la Séléka en septembre, et en l'absence d'officiers de police et d'autres forces de sécurité étatiques, les populations, majoritairement chrétiennes, des villages du nord du pays ont constitué des groupes d'autodéfense, les anti-balaka (« anti-machette » en Sango).


« Maintenant nous devons nous demander si nous voulons mener le pays vers une guerre religieuse ou si les gens doivent travailler ensemble à la construction de ce pays. Les dirigeants doivent se poser cette question », a dit M. Nzapalainga à Bossangoa - ville située à 300 km au nord de la capitale, Bangui - où quelque 36 000 personnes ont trouvé refuge dans une mission catholique et dans une école.

En tout, la RCA compte quelque 400 000 déplacés. La plupart vit dans le bush, avec un accès très limité à l'eau potable et à l'aide humanitaire.


Le pays avait « atteint le pire du pire », dans tous les sens du terme, a-t-il dit.


« Nous n'avions jamais vu des personnes prendre la fuite pour trouver la sécurité dans une mission catholique, des multitudes d'enfants quitter leurs écoles, des hôpitaux dépourvus de médicaments ou des chrétiens et des musulmans se monter les uns contre les autres », a-t-il dit.


La crainte du génocide


Nestor Aziagba, l'évêque de la ville, et M. Layama, l'imam, ont exprimé leur crainte d'un génocide, une perspective récemment évoquée par le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius, de hauts responsables des Nations Unies ainsi que des militants des droits de l'homme.


« Les rebelles combattent les populations locales non musulmanes et les milices [anti-balaka] combattent les rebelles et la communauté musulmane. Il y a une division, une division profonde, entre les communautés chrétienne et musulmane », a dit M. Aziagba.


« Je veux éviter une guerre contre des frères et des sours qui vivent côte à côte depuis de nombreuses années », a-t-il dit, avant de reconnaitre qu'il sera impossible d'atteindre cet objectif sans un plus grand engagement de la part du nouveau gouvernement dirigé par Michel Djotodia, le premier président musulman du pays. M. Djotodia a pour sa part admis qu'il n'avait pas ou peu d'autorité sur les anciens rebelles.


« Mais malheureusement, ce gouvernement n'assume pas ses responsabilités », a dit M. Aziagba.


M. Layama a été choqué par l'ampleur des dégâts qu'il a vus sur la route de Bossangoa.


« Ce que nous avons vu dépasse notre compréhension, car nous avons constaté qu'il n'y avait plus vraiment de villes le long de la route », a-t-il dit.


« Nous, les dirigeants religieux, nous essayons de jouer notre rôle et nous demandons au gouvernement de jouer le sien. Tous les chrétiens ne sont pas des anti-balaka, comme nous l'entendons dire ici, et tous les musulmans ne sont pas membres de la Séléka, comme certains le semblent le croire », a-t-il ajouté.


Les troubles


Lucie Blanche Feiganzanoli fait partie des personnes qui ont trouvé refuge à la mission catholique. En septembre, les combattants de la Séléka ont rasé son village de Bodili, a-t-elle indiqué ; ils ont tué son mari, frappé d'autres membres de sa famille à coups de machette et tué cinq ou six de ses voisins.


« J'ai vu la Séléka prendre mon mari. Ils l'ont battu à coups de matraque. Ensuite, ils s'en sont pris à sa mère, puis ils l'ont tué », a-t-elle dit.


Un travailleur humanitaire, qui a souhaité garder l'anonymat par crainte de représailles, a énuméré la longue litanie des violences et des meurtres dont les civils lui ont parlé au cours de ces derniers mois.


« Le 10 octobre, une femme est venue pour accoucher. Le 11, la Séléka est arrivée dans le village et l'a abattue ». Le mari d'une autre femme « a été mis dans un sac, avec une pierre, il a été ligoté et jeté dans la rivière le jour même de l'accouchement ».


Halima Bouba, qui est originaire du village de Zere, fait partie des 2 000 musulmans aujourd'hui installés à Bossangoa. Elle dit que les groupes d'autodéfense - qui seraient soutenus par les derniers soldats de l'armée de M. Bozizé - ne sont pas moins violents que les anciens rebelles.


« Les anti-balaka sont arrivés et ils ont attaqué notre maison à 5 heures du matin. Ils ont emmené mon mari sur la terrasse, ils l'ont tenu et ils lui ont porté des coups de machette sur la tête, sur le flanc, sur le dos », a-t-elle dit.


Mme Bouba s'est échappée avec sa fille de quatre ans et l'enfant d'une coépouse, mais elle craint que tous les autres ne se soient fait prendre et n'aient péri.


« Ils ont battu un enfant à mort. Il avait 13 ans », a-t-elle dit, ajoutant qu'elle avait vu 27 cadavres et huit personnes blessées avant de partir se cacher dans le bush.


Le frère jumeau d'Halima Adamou, 20 ans, est l'un des sept musulmans qui ont été sortis d'un bus et tués par les anti-balaka. Elle a dit qu'elle ne savait pas si elle pourrait un jour retourner dans son village et faire confiance à ses voisins, bien que « les chrétiens aient tous quitté leur maison ».


Selon le travailleur humanitaire, une autre musulmane « est allée faire paître ses vaches et a croisé des anti-balaka sur la route. Ils ont tué 20 personnes. C'était la seule survivante, mais elle a reçu des coups de machette ».


Dans un récent rapport au Conseil de sécurité, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a averti que : « Si rien n'est fait pour y remédier, ce cycle risque de dégénérer en conflit religieux et ethnique à l'échelle du pays avec le risque d'aboutir à une spirale incontrôlable, débouchant sur des atrocités, avec des implications graves au niveau national et régional ».


Amy Martin, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies en RCA, a dit à IRIN : « Ma plus grande crainte est que cela se produise à Bangui ».


Le général Babacar Gaye, Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), a dit, « Si rien n'est fait, on risque de voir la confrontation entre les anciens de la Séléka et les groupes spontanés d'autodéfense tourner à la confrontation entre musulmans et chrétiens. Mais nous n'en sommes pas encore là. Nous devons dire que nous n'en sommes pas là pour l'instant ».


Prophete Ngaibona, qui se cache à Bossangoa avec sa famille, ne partage pas cet avis. Il a quitté son village après l'attaque de la Séléka.


« Dès leur arrivée, ils ont commencé à tuer des gens. Y compris tous les musulmans originaires de cette région. Ils ont tous des armes à feu. Ils ont tous des armes à feu et des machettes et ils ont commencé à tuer des gens. Ces hommes ne sont pas des soldats, ce sont des rebelles qui sont venus détruire le pays », a-t-il dit.


« Nous prions pour qu'il y ait un président chrétien », a-t-il ajouté.


Les graines de la haine


L'évêque Aziagba a dit que la situation était « essentiellement une crise politique. Une personne a reçu le soutien de mercenaires tchadiens et soudanais pour prendre le pouvoir.


« Une fois parvenu au pouvoir, il était censé devenir le président de tout le pays. Malheureusement, la plupart des mercenaires qui l'ont aidé à prendre le pouvoir sont des musulmans, des mercenaires étrangers. Ils se fichent des populations locales, alors ils ont commencé à commettre des actes de violence, à piller leurs propriétés et voler leurs vaches, à détruire leurs récoltes, à brûler tout ce qu'ils possédaient », a-t-il ajouté.


Louisa Lombard de l'université de Berkeley, en Californie, a noté en avril 2013 [ http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/central-african-republic/203-central-african-republic-priorities-of-the-transition.pdf ] que bon nombre de musulmans de la RCA étaient victimes de discrimination depuis longtemps : « Les habitants du sud de la RCA qualifient fréquemment les habitants du nord-est d''étrangers' (Tchadiens ou Soudanais), ce qui veut dire que malgré leur statut de citoyen, ils ne font pas partie du pays. Lorsqu'ils se déplacent, les gens du nord-est font l'objet d'une surveillance spéciale en raison de leur prétendu 'statut d'étranger'. Par exemple, les rebelles et/ou d'autres groupes, les personnes qui ont un nom à consonance musulmane ou qui s'habillent comme des musulmans sont fréquemment l'objet de harcèlement et sont davantage en proie au racket aux nombreux barrages tenus par les membres des branches des forces de sécurité étatiques ».


Dans un rapport [ http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/central-african-republic/203-central-african-republic-priorities-of-the-transition.pdf ] rendu public en juin 2013, l'International Crisis Group a indiqué que la dernière rébellion était « menée par d'anciens hommes politiques tombés en disgrâce qui souhaitent se venger et reprendre le pouvoir politique. La Séléka est donc une coalition hétérogène de combattants centrafricains et étrangers qui n'ont rien d'autre en commun que le fait d'être musulman ».


Le rapport a ajouté : « L'équilibre politique, géo-ethnique et religieux a été bouleversé au sein de la classe dirigeante du pays, ce qui engendré des craintes et de la confusion en RCA et dans les pays voisins. Les avions militaires transportant les blessés de la Séléka à Khartoum et à Rabat, la visite des dirigeants centrafricains au Qatar, et les inquiétudes exprimées par les pays voisins (Soudan du Sud, Ouganda, Congo-Brazzaville) concernant la montée du fondamentalisme religieux ont contribué à créer un climat de suspicion et de graves tensions religieuses dans le pays et dans la région ».


Dans un article [ http://www.theglobalobservatory.org/analysis/577-central-african-republic-back-to-war-again.html ] de septembre 2013 pour l'Observatoire mondial de l'Institut international pour la paix, le chercheur français Roland Marchal a dit que les combattants de la Séléka avaient « un penchant conceptuel vers l'islam politique », mais qu'ils partageaient aussi un « fort sentiment d'identité communale et une volonté de se venger des précédents régimes de la RCA et de leurs bénéficiaires identifiés comme chrétiens ».


Une partie des personnes qui ont trouvé refuge à Bossangoa sont convaincues que les combattants de la Séléka sont plus intéressés par les richesses que par le pouvoir politique et qu'ils utilisent la religion comme un prétexte pour les obtenir grâce aux ressources naturelles de la RCA comme les diamants, l'or et le bois.


Dofio Rodriguez a vu son frère se faire trancher la gorge par la Séléka dans un poste de police de Bossangoa et il dit que trois autres membres de sa famille ont été tués sur les routes. Il a échappé de peu à une attaque lancée contre un champ aurifère situé à 30 km de la ville, où les musulmans de la ville avaient mené les combattants.


« Avant, nous avions de bonnes relations avec les musulmans qui vivaient dans le bush, qui cherchaient de l'or avec nous. Mais depuis l'arrivée de la Séléka, ils veulent juste nous tuer et prendre tout ce que nous avons », a-t-il dit.

 

 

TIMELINE :


Chronologie des évènements récents


24 mars : les combattants de la Séléka s'emparent de la capitale Bangui et renversent le régime de François Bozizé


19 juillet : Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine autorise le déploiement de la  Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA)


18 août : Le président Michel Djotodia prête serment. En septembre, il annonce la dissolution de la Séléka


10 octobre : Le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte une résolution proposant l'établissement d'une force de maintien de la paix, prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport exposant en détails des options pour l'appui qui sera fourni à la MISCA de l'UA, qui compte 3 600 hommes et qui est en passe d'être pleinement déployée


08 novembre : Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, prévient que le pays est au bord d'un cycle de violences « incontrôlables »


21 novembre : Le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius indique que la RCA est « au bord du génocide »


25 novembre : La France indique que le nombre de soldats présents en RCA va tripler pour atteindre 1 200 hommes si le Conseil de sécurité autorise une mission de maintien de la paix

 

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3 - RCA : un pays en déliquescence


BOSSANGOA, 10 décembre (IRIN) - L'enceinte grouillante de l'hôpital de Bossangoa, une petite ville du nord-ouest de la République centrafricaine (RCA), donne une idée de l'aggravation de la crise dans laquelle est plongé le pays depuis que l'alliance rebelle Séléka a pris le pouvoir par la force en mars 2013.


Plus d'un millier de personnes viennent y chercher refuge. Au milieu des nuages de fumée que dégagent les feux de cuisson, on y distingue des enfants léthargiques, des femmes pilant le maïs et des groupes d'hommes au regard hagard.


« Nous sommes ici à cause de la Séléka, qui est venue piller, saccager et assassiner dans notre village », a dit Prophète Ngaibona, un père de huit enfants qui en attend un neuvième.


« Nous avons perdu nos maisons, nos champs, nos biens. Nos maisons ont été rasées avec nos affaires à l'intérieur. Nous sommes. Je ne sais même pas comment nous qualifier. On n'a plus rien. Je ne peux même pas aller chez moi ou dans mes champs. S'ils me voient là-bas, ils me tueront. »


Si les indicateurs [ http://www.irinnews.org/fr/report/97179/rÉpublique-centrafricaine-l-avancée-des-rebelles-accentue-la-crise-humanitaire ] humanitaires et de développement étaient déjà désastreux avant le coup d'État, ils se sont encore dégradés avec l'aggravation des violences infligées par les groupes armés et entre les différentes communautés et confessions religieuses. La quasi-totalité de la population (4,5 millions de personnes) est affectée : on estime à 1,1 million le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire sévère ou modérée en dehors de la capitale, Bangui, et on compte près de 400 000 personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDIP), soit deux fois plus qu'il y a à peine quelques mois.


Près de 65 000 personnes ont fui le pays, essentiellement vers le Cameroun voisin.


« La RCA était déjà un État en déliquescence. Maintenant, c'est pire », a dit Amy Martin, responsable du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour la Centrafrique.


« Nous estimons à plus de 1,5 million le nombre de personnes ayant besoin d'une aide quelconque, qu'il s'agisse de santé, de nutrition, d'hébergement ou de protection », a-t-elle dit.


Or, en raison des problèmes de sécurité, les organisations humanitaires - dont les véhicules ont été la cible d'attaques - doivent se contenter d'imaginer ce qui se passe dans certaines régions. D'après Mme Martin, le nombre exact de personnes touchées par la crise pourrait être bien supérieur.


Le manque de fonds vient lui aussi entraver la fourniture d'une réponse adéquate : à peine 44 pour cent [ http://fts.unocha.org/pageloader.aspx?page=emerg-emergencyDetails&appealID=979 ] des 195 millions de dollars requis pour faire face à la crise sont été débloqués.


Situation désastreuse


« Dans la majeure partie du pays, nous sommes très inquiets du niveau de violence que nous observons, dont nous entendons parler et dont témoignent nos patients à hôpital », a dit Ellen Van der Velden, chef de mission pour MSF-Hollande à Bossangoa. L'équipe s'occupe d'enfants de moins de cinq ans qui se remettent de blessures par balle.


Plus de 36 000 personnes viennent chercher refuge auprès de la mission catholique de Bossangoa. Elles fuient la coalition de forces rebelles érigées au rang de « gouvernement » que Michel Djotodia, un musulman du nord, a recruté pour qu'elle le propulse au pouvoir avec le coup d'État de mars dernier.


Majoritairement composées de mercenaires du Tchad et du Soudan voisins, ainsi que du gros de l'ancienne population carcérale du pays, ces forces sont essentiellement musulmanes. Leur revanche sanglante vise principalement les chrétiens de la patrie de l'ancien président François Bozizé. La France a dit qu'avec l'escalade des violences sectaires, la RCA était « au bord du génocide ».


Les « anti-balaka » - des groupes d'autodéfense armés de machettes, d'arcs, de flèches et de lances - ont vu le jour et perpétré des atrocités à l'encontre de membres de la Séléka, mais aussi de la communauté musulmane dans son ensemble. Un tel conflit interconfessionnel est inédit en RCA.


Les groupes armés sillonnent la région, pillant, tuant et rasant les récoltes et les maisons sur leur passage : le long des 100 km de route reliant Bossangoa à Bangui, la capitale, les villages sont déserts. Des chèvres attendant patiemment le retour de leurs propriétaires étaient les seuls signes de vie décelés par IRIN.

Malades et blessés

Outre la terreur, les habitants souffrent de maladies, car ils se cachent dans leurs champs sans abri, médicaments ou nourriture. Seuls les plus courageux ou les plus malades prennent l'autoroute pour aller se faire soigner à l'hôpital de Bossangoa.

« J'ai bien peur qu'il y ait de nombreux cas auxquels nous n'avons pas accès là-bas. Non seulement de violence, mais aussi de paludisme », a dit la docteure Florin Oudenaarden, qui travaille pour MSF. Pendant les 10 jours qu'elle a passés là-bas, Mme Oudenaarden et son équipe ont vu mourir quatre enfants. À leur arrivée, bon nombre d'entre eux étaient si affaiblis par l'anémie, le paludisme et la malnutrition qu'il était impossible de les réanimer.


Mme Van der Velden a dit qu'en dehors de la violence, le paludisme est la principale cause de mortalité, en particulier chez les enfants. Lors d'un dépistage récent, 120 enfants sur 200 ont obtenu des résultats positifs.


Récemment, un garçon de deux ans gravement atteint du paludisme a été envoyé d'urgence à la clinique par l'équipe de sensibilisation, pour finalement mourir à son arrivée.


« Si nous étions arrivés un jour plus tôt, on aurait pu le sauver », a-t-elle dit.


Parmi les derniers enfants admis à l'hôpital se trouve un garçon rachitique placé sous perfusion et enveloppé dans du papier d'aluminium. Il est si faible qu'il peut à peine cligner des yeux.


On trouve aussi un garçonnet de quatre ans qui hurle entre deux prises d'antalgiques, ses jambes suspendues au plafond ; il a été touché à la hanche lors d'une attaque récente contre une mine d'or à 25 km de Bossangoa. Le chirurgien de MSF doute qu'il puisse un jour marcher de nouveau. La balle a détruit ses articulations et il faudrait, pour les reconstruire, une procédure chère et compliquée dans un excellent établissement.


Aide restreinte


En raison de l'insécurité et du manque de financements, les organisations des Nations Unies cantonnent leur action aux villes, et le temps et la main d'oeuvre que consacrent le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et MSF sont insuffisants au vu de l'ampleur de la crise.


« Les gens meurent sans avoir eu accès à des soins de santé, et c'est bien évidemment une source de profonde inquiétude », a dit Mme Van der Velden.


« Dans l'immédiat, notre problème, c'est que nous ne pouvons pas sortir de Bossangoa par manque de moyens », a dit Pablo de Pascual, coordinateur d'urgence auprès du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), dont les financements pour la RCA accusent un déficit de 20 millions de dollars.

L'UNICEF a mené une vaste campagne de vaccination auprès des enfants de moins de cinq ans, et MSF s'est rallié à la bataille contre des maladies comme la rougeole, qui ont proliféré en Centrafrique au cours des derniers mois.


Mme Oudenaarden, qui a travaillé en Syrie et au Soudan du Sud, a rapporté que son équipe réalisait « six ou sept transfusions sanguines par semaine, ce qui est énorme par rapport aux autres projets auxquels j'ai participé. On voit également de nombreux cas de malnutrition, et la malnutrition se développe rapidement. »


« Nous prévoyons de nous attaquer aux niveaux élevés de malnutrition dans les prochains mois », a dit M. de Pascual. Avec la fin des pluies, le pays entrera en période de soudure et il n'y aura personne pour assurer les récoltes.


Avec les violences qui secouent le grenier historique du pays, dans le nord, Mme Martin craint une pénurie de nourriture, tant pour les habitants de la région que pour le reste du pays. La plupart des mécanismes de marché se sont effondrés dans toute la RCA, et il y a blocus sur les camions en direction de la capitale.


Bombe à retardement


Chaque jour, 40 personnes en moyenne se présentent à la mission catholique de Bossangoa. Le camp ne mesure que 19 hectares, ce qui fait craindre une recrudescence des maladies. Pour sa population actuelle, les normes humanitaires préconisent un espace de 160 hectares.


M. de Pascual a dit que les conditions de vie « s'étaient détériorées depuis le début en raison du manque d'accès aux services publics essentiels et de l'afflux de PDIP », laissant craindre une épidémie de choléra.


Renate Sinke, coordinatrice de projet pour MSF à Bossangoa, qualifie les conditions de vie d'« épouvantables » et dit que le terrain est propice à l'éclosion d'une épidémie.


« Je ne suis pas médecin, mais, à mon avis, on est en présence d'une bombe à retardement », a-t-elle dit.


Le site compte deux zones de défécation, aucun endroit où se laver les mains et pas une seule douche. Pour l'instant, les maladies diarrhéiques se maintiennent pourtant à un faible niveau.


« À l'heure actuelle, nous disposons de sept litres d'eau par personne par jour. La semaine dernière, nous avions quatre litres - nous devrions en avoir 15 », a dit Rink de Lange, le coordinateur MSF chargé de l'eau et de l'assainissement.


Il n'y a que 65 latrines en état de fonctionnement.


« À ce stade, nous avons une latrine pour 450 personnes, alors que la norme est de 20. C'est un énorme fossé qu'il faut combler. Et le camp est si dense qu'il est difficile de trouver un endroit où construire des latrines », a-t-il dit.


Les gens n'osent pas sortir de peur de tomber sur l'ancienne Séléka.


« On entend encore des histoires de personnes qui ne vivent qu'à 500 mètres d'ici et qui n'osent pas retourner chez eux », a dit Mme Sinke


Écoles


Du fait de l'instabilité, 70 pour cent des enfants du pays ont quitté l'école et 3 500 enfants ont été recrutés par les forces rebelles. Il faut aussi compter ceux - dont on ignore le nombre - qui ont rejoint les rangs des anti-balaka.


« Les enfants ne viennent plus à l'école à cause de leur brutalité. Comment pourraient-ils venir à l'école ? Les enfants ne peuvent pas, les parents non plus. Nous devons juste rester comme ça », a dit Laurent Namneonde, un professeur qui a trouvé refuge à l'école de la mission, où il a enseigné pendant 10 ans.


Lucien Rekoi est plus chanceux que la moyenne des habitants de Bossangoa. Avec sa femme, dont la grossesse était très avancée, ils ont réussi à rejoindre la mission en emportant des casseroles, des poêles, des habits et des documents d'identité, contrairement à la plupart des réfugiés qui se sont enfuis avec ce qu'ils portaient pour tout bagage.


Sa fille est née il y a six jours. Il écume désormais le camp à la recherche de travailleurs humanitaires internationaux disposés à lui prêter un nom occidental, dans le vain espoir que cela, ajouté à la carrière de son défunt père dans l'armée française, puisse leur donner droit à des passeports pour sortir de la RCA.


« Je veux juste aller là-bas [en France]. Il n'y a rien à faire ici maintenant », a-t-il dit.