République Centrafricaine :

 

Le président N'Guendet étrenne son fauteuil

et se donne en spectacle à la gendarmerie. Et question de DDR

 

 

 

Le président du Conseil national de transition en République centrafricaine a pris hier lundi sa place d'intérimaire au chef de l'Etat démissionnaire, Michel Djotodia.

Alexandre-Ferdinand N'Guendet a la lourde charge d'assurer dans les jours à venir l'élection d'un nouveau chef de l'exécutif centrafricain.

 

Or, à peine installé, le nouveau récipiandaire à la tête de la Nation fait son cinéma. Habillé en jeune premier rôle, lunettes de soleil noires sur le nez, le président du Conseil national de transition a arpenté un coin de rue le conduisant à l'état-major de la gendarmerie nationale, sourire aux lèvres et costume-cravate boutonné haut.

Jouant le chef suprême des armées, il a martelé un discours martial que ne renierait pas le général Jean-Bedel Bokassa de la première époque.

 

Devant les gendarmes réunis pour la circonstance, dont certains revenaient de clandestinité – ayant fui en brousse pour garantir leur intégrité physique et celle de leur famille – le président par intérim a fustigé à la fois les combattants des ex-Séléka et les anti-Balaka :

-        « Aux ex-Séléka, aux anti-Balaka et aux amoureux du pillage, je lance une mise en garde sévère, c'est terminé la récréation ». Il ira jusqu'à ordonner aux militaires présents de riposter « à bout portant » !

 

Excès de zèle néophyte ou première dérive autoritaire d'un petit dictateur ? Dans la situation actuelle de la RCA, on attend d'un intérimaire qu'il fasse d'abord preuve de compassion et de sollicitude à l'égard des milliers de victimes et du million et demi de sinistrés que compte le pays depuis les premières exactions des milices Séléka.

On eût préféré, pour sa première sortie officielle, qu’il rendit visite à ses compatriotes en détresse à l'aéroport de Bangui M'Poko ou hébergés dans des conditions précaires dans plusieurs sites réligieux. C'est sans doute mal connaître la psychologie des assoiffés de pouvoir.

 

Jusqu'alors, nul n'avait entendu Alexandre-Ferdinand N'Guendet élever la voix au plus fort des exactions commises par les ex-Séléka. Nul ne l'a vu, en quelque occasion périlleuse, se faire le porte-voix de la raison quand tout allait de travers.

Ceux qui le connaissent ou l'on approché prétendent au contraire qu'il fut l'un des faucons de Michel Djotodia. L'homme était au cœur du système Séléka et ne s'en cachait pas. Il en est l'émanation. L'entendre aujourd'hui élever la voix remet en souvenir le film culte de Charlie Chaplin en 1940 « Le Dictateur ».

 

En effet, voir le président du CNT jouer l'acteur de la répression fait penser à ces parvenus qui, héritant d'un trône longtemps convoité, se coule dans la peau d'un autocrate rigide et brutal. Alexandre-Ferdinand N'Guendet gagnerait plutôt à faire rapidement amende honorable auprès de ses concitoyens afin d'effacer l'image de sa passivité dans un passé récent.

 

Au lieu de conseiller aux gendarmes de riposter « à bout portant », au risque de multiplier les exécutions sommaires et extra-judiciaires qui étaient légions sous les régimes des présidents Patassé, Bozizé et Djotodia, il aurait été mieux inspiré de rappeler à ces derniers les règles de déontologie de leur métier et le rôle des forces de l'ordre dans le maintien de la paix en République : « ne tirer qu'en cas de légitime défense ».

Au lieu de promettre aux ex-Séléka et aux anti-Balaka qu’ils pourront prétendre demain au bénéfice du programme DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), il devrait au contraire affirmer la nécessité d’indemniser leurs victimes. Désormais, pour l’ensemble du peuple centrafricain, le programme DDR se traduira par la formule « désarmement, dédommagement et réparation » !

 

Certes, on comprend l'objectif du président intérimaire : se donner l'image du nouvel homme fort de la place. A y regarder de près, tous ceux qui ont, comme lui et avant lui, voulu jouer ce rôle ont tous échoué.

 

La République Centrafricaine, épaulée aujourd'hui par les Français de l'opération Sangaris et les Africains de la Misca, a besoin d'un président humble, rassembleur et réconciliateur, pas d'un hurluberlu qui s’exprime à tue-tête.

 

Paris, le 14 janvier 2014

 

Prosper INDO