Les Etats-Unis s'alarment d'une situation «pro-génocidaire» en Centrafrique

 

19/12/2013 à 15h33

 

La visite de l'ambassadrice américaine à l'ONU vise à limiter les violences inter-religieuses qui touchent le pays...

L'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power effectuait ce jeudi une visite surprise en Centrafrique, un signal fort des Etats-Unis pour aider le pays à mettre un terme aux violences inter-religieuses qui ont fait près d'un millier de morts depuis début décembre.

Arrivée dans la matinée à Bangui, Samantha Power est la plus importante responsable américaine à se rendre en République centrafricaine, où l'administration US s'alarme depuis des semaines d'une situation «pré-génocidaire». Elle est accompagnée de la plus haute diplomate au département d'Etat pour l'Afrique, la secrétaire d'Etat adjointe Linda Thomas-Greenfield.

Samantha Power doit rencontrer dans la journée le président centrafricain de transition et ex-chef rebelle de la Séléka Michel Djotodia, ainsi que de hauts dignitaires musulmans et chrétiens.

Ce déplacement en Centrafrique a une dimension très personnelle pour la diplomate américaine, spécialiste de la question du génocide dans les conflits au 20e siècle, notamment en ex-Yougoslavie et au Rwanda. 

Eloigner les Centrafricains «de l'abîme»

«Les populations (centrafricaines) sont en très grand danger et nous avons tous la responsabilité de les éloigner de l'abîme», avait-elle déclaré en préambule à son déplacement. Après le déferlement de haines et de violences de ces deux dernières semaines, sa visite intervient alors que Bangui, patrouillée par les militaires français et la force africaine, connait une relative normalisation. La situation reste néanmoins fragile, de l'avis de tous. 

Depuis le 5 décembre, les massacres entre chrétiens et musulmans ont fait près d'un milliers de morts, selon un dernier bilan de l'organisation Amnesty international. La plupart des victimes ont été tuées à Bangui dans des représailles de l'ex-rébellion Séléka, mais également en province dans les atrocités des milices d'autodéfense villageoises «anti-balaka» (anti-machettes), plus particulièrement à Bossangoa, selon Amnesty.

La Centrafrique est plongée dans l'anarchie et le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes armés musulmans venus du nord du pays. 

Selon Samantha Power, les Etats-Unis sont «reconnaissants envers les Français et les courageux soldats africains qui risquent leurs vies pour aider à protéger des civils». Washington fournit un soutien logistique à la mission de maintien de la paix en Centrafrique (Misca), avec le transport aérien en cours 850 soldats burundais vers la Centrafrique. Les Etats-Unis ont également promis 100 millions de dollars d'aide militaire à la Misca.

20minutes avec AFP

 

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Pourquoi la Centrafrique est en proie au chaos

20minbutes Publié le 28 novembre 2013.

 

La Centrafrique (RCA), où l'armée française s'apprête à intervenir pour «rétablir l'ordre», vit depuis des mois un cauchemar entretenu par d'ex-rebelles devenus des bandits, dont les crimes risquent de faire basculer le pays dans la guerre civile.

«On peut parler d'une stratégie criminelle de ces groupes, mais il n'y a pas de coordination entre eux, pas de planification», explique Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch (HRW). «Les bandes armées en profitent pour se livrer à des razzias et des massacres. Des villages sont brûlés, pillés. Les habitants sont tués ou sont en fuite dans la brousse».

Des groupes hétéroclites de rebelles et de bandits sèment la terreur

Leur calvaire a débuté en mars lorsque la coalition rebelle Séléka dirigée par Michel Djotodia, aujourd’hui président, a renversé le régime du président François Bozizé. Agglomérat hétéroclite de rébellions, de groupes de combattants venus du Tchad et du Soudan voisins, la Séléka a reçu au fil de son avancée le «renfort» de bandits de grand chemin, les «coupeurs de route», puis de milliers de «ralliés de la dernière heure» lors de son entrée dans Bangui, le 24 mars.

L’effondrement des dernières administrations encore opérationnelles dans le pays - secoué par des crises à répétition et à l'abandon depuis des années - a laissé libre cours au banditisme, ouvrant la porte à une vague de pillages, de meurtres et de viols.

Milices d’autodéfense

Les exactions à répétition de la rébellion Séléka (officiellement dissoute), à majorité musulmane, ont rapidement généré des tensions, poussant des populations chrétiennes à former des «groupes d'autodéfense» pour s'en prendre aux musulmans. Début septembre, les attaques de ces milices paysannes, surnommées «anti-balakas» (anti-machettes), avaient fait près de 100 morts dans la région de Bossangoa (nord-ouest). Fin octobre, de nouveaux affrontements ont fait une quarantaine de morts à Bouar (ouest), entraînant des représailles meurtrières.

Ces affrontements entre chrétiens (largement majoritaires) et musulmans sont du jamais vu dans le pays, où les deux communautés vivaient jusqu’ici en bonne intelligence. L’ONU s'inquiète désormais de voir le pays devenir le théâtre d'un «génocide», un terme que HRW juge toutefois «inadapté» à la situation actuelle

Drame humanitaire

Ces violences ont en tout cas accentué la crise humanitaire chronique dans laquelle vit la Centrafrique depuis des décennies. Des régions entières sont en proie à «une prévalence incroyable de la malaria, à la malnutrition» et «la santé maternelle y est dramatique», a souligné le responsable de HRW.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, ce pays détient la deuxième espérance de vie la plus faible du monde (48 ans) mais aussi des taux de mortalité trois fois plus élevés que le «seuil d’urgence» qui définit une crise humanitaire, d’après des études menées par Médecins sans frontières et d’autres organismes de recherche en RCA. Avec l’aggravation de la situation sécuritaire, c’est maintenant «l’ensemble de la population centrafricaine, soit 4,4 millions de personnes, qui se retrouvent sans soins médicaux et encore plus vulnérables», souligne MSF. Parmi elles, un million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire et 1,6 million en besoin d’une assistance humanitaire immédiate, selon l’ONU.