Les amis de la République Centrafricaine se sont de nouveau réunis samedi 15 mars à Paris

 

Le bureauTogolais, Béninois, Ivoiriens, Haïtiens, Congolais, Français etc. composent l’association des Amis de la République Centrafricaine. Celle-ci est présidée par des Centrafricains et existe depuis peu. Cette interaction nationaux/étrangers montre combien la question centrafricaine suscite compassions et solidarités...

Une minute de silence, une exécution a cappella de l’hymne national : c’est sur ces symboles que l’association des Amis de la République Centrafricaine ouvre, samedi 15 mars 2014, à partir de 10 h, la réunion à la Maison de L’Afrique. Thème de la réunion : la situation qui prévaut actuellement en Centrafrique.

Les débats animés par Me Michel Langa, Jean-Claude Yambo (porte-parole / modérateur, Victor Bisséngué et Prosper Indo en disent long sur l’imbroglio centrafriain. La logistique est assurée par Pascaline, militante de la première heure. Elle est de tous les combats, y compris sur le plan linguistique quant il a été question d’ajuster quelque inadéquation entre la version française et la version sango de l’hymne national.

 

Ouverture

 

Le président de l’association, l’avocat Me Michel Langa, a ouvert la rencontre par un mot de circonstance au cours duquel il a remis le climat politique centrafricain dans son contexte national et international fort dramatique.

« Nous sommes les objecteurs qui alertent l’opinion chaque fois qu’il se passe quelque chose en Centrafrique  » souligne l’avocat.

Dire qu’il se passe quelque chose en Centrafrique est un euphémisme. C’est le moins qu’on puisse dire, notamment avec un gouvernement en surnombre alors que les salaires son rares, une Présidente de la République constamment en voyage et avec, ce samedi 15 mars, une marche des Antibalaka annoncée à Bangui, avec tout ce que ce genre de mouvement social peut comporter comme risques de trouble à l’ordre public. Non, rien ne va en République Centrafricaine, avant et après la destitution de Michel Djotodia.

 

La question ukrainienne

 

Et, là où le bât blesse c’est que, champ de tensions manifestes, La République Centrafricaine semble éclipsée par la question ukrainienne qui focalise toute l’attention européenne voire mondiale. Comme quoi, dans le concert des Nations, il n’est pas bon d’être un petit pays, africain et, de surcroit, en guerre.

Pire, ce samedi-même où les Amis de la République Centrafricaine tentent de proposer des solutions à la crise, deux journaux locaux annoncent que, sur invitation de la milice Antibalaka, une marche était sur le point d’être organisée à Bangui, zone de tous les risques. « La situation est déjà assez précaire pour qu’on y jette encore de l’huile sur le feu » déplore tout le monde.

Mais quid des Antibalaka et des Séléka, violentes structures qui sèment troubles et désolations sur le terrain ?

En 1968 De Gaulle parle de la chienlit (désordre ?). En 2014 en Centrafrique c’est la chienlit. « Les assassinats se poursuivent » déplore Prosper Indo, économiste. Un exemple : l’adjoint-au-maire de Mbaïki a été égorgé parce que musulman.

Séléka et Antibalaka sont au gouvernement. C’est le mariage de la carpe et du lapin. Nous sommes en plein dans la théorie de René Thom : le désordre. Ce n’est bon pour personne. mais, Nietzschéen Bedel Baouna, un ami de la Centrafrique dit, à ce sujet, qu’il faut un « chaos pour que naissent les étoiles » Mais lorsqu’on peut éviter désordre et/ou chienlit, c’est tout bénef pour l’émergence d’une société.

Le bureau, ce samedi, déplorera d’ailleurs que le couvre-feu en vigueur jusqu’alors à Bangui ait été levé ces jours-ci. « C’est trop tôt. Au contraire, il devrait être renforcé » regrette Victor Iké.

 

Mobilisation

 

La réunion a constaté le paradoxe suivant dans la crise politique centrafricaine : plus la situation est grave, moins la diaspora se mobilise. Ou alors (ce qui est pire) elle se mobilise en rangs dispersés. Ce qui étonne un participant ivoirien qui compare avec les formes fructueuses et parfois violentes de la mobilisation chez ses compatriotes.

« Aujourd’hui, il se tient trois réunions dans la diaspora centrafricaine de Paris sur le même sujet, à des heures et plus ou moins des endroits différents » soupire amèrement Manuel, métis centrafricain. Ceci expliquant cela, ce samedi matin, le nombre remarquable de chaises vides dans cette Maison d’Afrique qui tient lieu d’agora au milieu intellectuel africain de Paris fait soupirer. Mario, un ami Italien de la République Centrafricaine, dira, philosophe, « ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité des débats. » Mario a eu raison car les débats furent de très haut vol.

 

La Maison de L’Afrique

 

Bibliothèque croulant sous des tonnes de livres, La Maison d’Afrique est gérée par David, un Burundais, qui, ce weekend, l’a gracieusement mise à la disposition de L’Association des Amis de la Centrafrique outre le fait que lui-même participe aussi aux débats.

Ironie du sort, l’autre réunion centrafricaine sur la crise dans ce pays s’est tenue au même endroit, à la même date, immédiatement à partir de 13 h, heure à laquelle prendra fin celle des Amis de La République Centrafricaine.

 

Bozizé

 

Voici l’une des idées fortes qui se sont dégagées : en Centrafrique, contrairement aux apparences, il ne s’agit pas de guerre de religions ; l’islam et le christianisme sont manipulés par des leaders politiques malsains. Parmi ceux-ci, l’ancien Leader déchu, François Bozizé, qui voudrait « reprendre du service ». Au grand mécontentement des Amis de la République. « Bozizé n’a jamais caché ses intentions de revenir au pouvoir » souligne le bureau. D’ailleurs la marche annoncée de ce matin, c’est une « idée à lui  ».

Bozizé n’est pas le seul pêcheur en eau trouble. Michel Djotodia, l’éphémère chef de la transition centrafricaine (avant Catherine Samba Panza) n’est pas en reste. « Il aurait emporté avec lui les 25 milliards généreusement prêtés par Sassou pour payer les fonctionnaires centrafricains ». Selon Me Langa, il s’agit là d’une véritable « prime à l’impunité  ». Cette prime est un crime.

« Il appartient à l’Etat de bloquer les avoirs des anciens dignitaires qui continuent de manipuler le peuple » dit dans son mot liminaire Me Langa.

 

La Présidente Samba Panza

 

Comment s’étonner, qu’après cela, son successeur, la Présidente intérimaire, Mme Catherine Samba Panza, n’arrête pas de courir pour récolter des fonds afin de juguler les tensions sociales qui minent le pays. Peut-on le lui reprocher ? Certains n’hésitent pas ; d’autres estiment qu’elle a raison de courir les capitales africaines. « Normal que la dernière-née, rendent visite aux aînés » répond Victor Iké à ceux qui critiquent sa « bougeotte ».

François Hollande, échaudé par le succès mitigé de l’opération Sangaris où la durée de la présence des militaires est plus longue que prévue, a effectivement encouragé Mme Samba Panza d’aller frapper à la porte des pays voisins pour renflouer les caisses de l’Etat centrafricain ou, ce qu’il en reste. Un généreux voisin s’est fait remarquer ; Denis Sassou-Nguesso du Congo surnommé par ses détracteurs DAB « Distributeur automatique de billets. »

 

La chaîne pénale

 

Vous parlez de violence ? C’est que l’Etat, en Centrafrique, est quasi inexistant. C’est pour cette raison que le bureau des Amis de La République Centrafricaine (ARC), par la voix de son Président, l’avocat Me Michel Langa, a exigé que soit rétablie la chaîne pénale : juges, police, gendarmerie, maison d’arrêt. Autant dire les ARE (Appareils répressifs d’Etat) dont parle le philosophe Louis Althusser quand un Pouvoir entend exercer une violence sur ses sujets.

Mais il semble que Mme Catherine Samba Panza (nouvel « homme fort » du pays n’a pas assez de volonté (de violence ? ) pour neutraliser les différentes milices qui sèment terreur et désolation en Centrafrique. Faudra-t-il qu’elle en arrive à faire voter une loi d’exception afin de permettre aux forces françaises de l’opération « Sangari » de l’aider à démanteler les milices Seleka et Antibalaka (autrement dit « anti balles à kalachnikov »)

Un message fort doit être envoyé : bloquer les avoirs des anciens dignitaires qui continuent à manipuler le peuple. Délivrer des mandats d’arrêt. Le chantier est immense, les ouvriers manquent. Question de Bedel Baouna : étant donné l’état de désordre, d’où viendront ces ouvriers ? En tout cas pas des étudiants, aujourd’hui sans bourse, et qui se sont mis en grève...

 

Il jouait aux billes

 

Pour la petite histoire, un Centrafricain présent dans la salle joua au jeu de billes avec...Barthélémy Boganda. Rien que ça. Enfant, dit le témoin, Barthélémy Boganda qui rendait régulièrement « visite à mon père, me surprit en train de jouer aux billes. Il s’associa à notre jeu. » La morale de l’anecdote c’est que le jeu de bille est un jeu de précision et où il faut cogner fort : comme en politique.

 

Fédéralisme

 

La République Centrafricaine de Barthélémy Boganda est une, indivisible et laïque. Il ne demeure pas moins qu’avec ses tensions ethno-religieuses, L’Etat peut muter vers une République fédérale. Le fédéralisme est à une Nation ce qu’un coup fort est à une bille ; ça la brise.

Seize (16) préfectures composent la RCA. Avec ses 4 millions d’habitants, la gestion de l’équilibre des tensions semble difficile entre différents groupes ethniques et entre confessions religieuses (Chrétiens et Musulmans). Certes il y a l’instrumentalisation des groupes religieux par des hommes politiques en manque de légitimité. Certains ne verraient pas d’un mauvais œil un Etat islamique au Nord et un Etat chrétien au Sud.

La vérité est que les Centrafricains, dans leurs profondeurs, ne sont ni tribalistes ni islamophobes ni anti-chrétiens. Le fondateur de la République Centrafricaine, Barthélémy Boganda, est une icône légendaire qui prônait les Etats-Unis d’Afrique. On dit de son antithèse, Bedel Bokassa, qu’il a eu néanmoins le mérite d’unifier linguistiquement la République en répandant le sango (langue véhiculaire ) sur toute l’étendue du Territoire. Faut-il rendre l’Empereur comptable de cet exploit ? Pas si vite. Avant Bokassa, sous David Dacko, les Centrafricains possédaient déjà cet outil pacificateur.

 

Au Porto-Bello

 

Ayant pris fin à 13 h, la réunion a continué au restaurant Porto-Bello dans le 18ème, chez Mario, ami de la Centrafrique, histoire de peaufiner autour d’un repas les recommandations du 15 mars car elles doivent remonter en haut lieu, au sommet de l’actuel gouvernement de la Centrafrique qualifié (abusivement ?) de « technocrate » et critiqué pour sa composition pléthorique. En cela les Amis de la République Centrafricaine pourraient être définis, selon le mot de Gramsci comme des « intellectuels avec attaches », des « conseillers du prince » selon Machiavel.

Entre autres recommandations : établir un Etat de Droit, restaurer la chaîne pénale (juges, police, maison d’arrêt), voter une loi d’exception afin de permettre aux militaires de l’opération Sangaris d’intervenir dans des actes de police puisque la « chienlit » règne actuellement en République Centrafricaine ; geler les avoirs des dignitaires indignes puisque les caisses de l’Etat son vides. Cette traque financière est possible puisque, dit Me Langa, les biens mal acquis du maréchal Mobutu furent récupérés après sa mort. Enfin, établir un plan com. d’envergure.

 

La géographie de La Centrafrique

 

Pour prolonger la pensée d’un membre du bureau de l’Association, Victor Bissengué, à vrai dire, la République Centrafricaine n’est pas territoire central d’Afrique logé au cœur du continent noir par hasard. Géographiquement elle représente un point culminant qui gouverne le cours des fleuves. Les cours d’eau y prennent la source et coulent du sud au nord. Le Nil coule du Soudan vers la Méditerranée, du sud au nord. Le Congo remonte du sud vers le nord et repart vers le sud à son embouchure avec l’Oubangui (Charry). L’Uélé charrie ses eaux du Sud au Nord. Au bout du compte, La Méditerranée doit son existence aux eaux d’Afrique Centrale. De la mer Méditerranée à la civilisation égyptienne il n’y a qu’un pas. Cheick Anta Diop n’est pas loin. Nous sommes co-générateurs des Egyptiens des pyramides. L’intelligence du Centre de l’Afrique a roulé comme une bille de ses hauteurs vers la basse Egypte où s’est érigée la civilisation des bords du Nil, fleuron des merveilles du monde. Bedel Bokassa en s’auto-consacrant Empereur faisait-il parler ses ascendances égyptiennes ? Comme dans la Tragédie du Roi Christophe, Bokassa finit mal.

L’avenir de L’Afrique c’est son centre (?). Allez savoir pourquoi le Tchadien Idriss Déby et le Congolais Sassou ne ménagent aucun effort pour aider la Centrafrique. Ils ne le font pas de manière désintéressée.

Question de journaliste à Me Langa : Celui qui vous prête l’argent ne vous soumet-il pas ?

Réponse : Pas du tout. Le Président Sassou ne saurait faire ça à ses voisins.

Humm.. et pourtant Sassou le fait à ses compatriotes congolais...

Enfin, bonne nouvelle : la marche des Antibalaka n’a pas eu lieu. Il faut se méfier des rumeurs. L’info de ce matin en était une.

Simon Mavoula

 


La salle 


Les amis de la République Centrafricaine


Au Porto-Bello, restaurant Italien

Reportage : Congopage.com [http://www.congopage.com/Les-amis-de-la-Republique-Centrafricaine-se-sont-de-nouveau-reunis-samedi-15-mars-a-Paris]

mercredi 19 mars 2014