COMPTE-RENDU
DE L’AUDIENCE ACCORDEE PAR LA PRESIDENTE DE CENTRAFRIQUE A LA DELEGATION DE LA
COORDINATION DES CENTRAFRICAINS DE FRANCE A PARIS LE 04 AVRIL
2014
Après la rencontre avec les Centrafricains de
France dans la Salle de Conférence de l’Hôtel Intercontinental, Madame Catherine
SAMBA –PANZA, Présidente de Centrafrique a reçu en audience Monsieur Emmanuel
Olivier GABIRAULT, Coordonnateur des Centrafricains de France, accompagné d’une
délégation composée de Madame DAMBAGOA Marie Bernadette (cadre de santé), Léon
ODOUDOU (ancien Ministre) Christian MOROUBA (Secrétaire général intérimaire,
remplaçant le Secrétaire Général en déplacement), SOULEMANE ISMAEL, cadre (PNUD)
et Joseph GRELA (cadre).
Le Coordonnateur des Centrafricains de France
a tout d’abord remercié la Présidente pour cette audience malgré son programme
très chargé et a présenté les membres de la délégation qui l’accompagne ainsi
que les objectifs de l’organisation qu’il dirige.
Selon l’intéressé, la Coordination des
Centrafricains de France a été mise en place le 11 janvier 2014 par une
Assemblée Générale des compatriotes vivant en France, membres ou non
d’associations ou de partis politiques, sans distinction de croyances
religieuses, animés principalement par le souci d’efficacité de leurs actions,
de leurs réflexions sur les grandes questions nationales à partir d’une
plateforme commune qui les rassemble.
Son principal objectif est de permettre à
chaque membre, selon sa spécialité, de réfléchir et proposer des solutions pour
aider le pays, ce qui donne la possibilité à des cadres formés vivant à
l’extérieur d’être utiles pour le développement national sans attendre d’entrer
d’abord dans une structure officielle.
Trois de ses membres occupent actuellement de
hautes responsabilités au sein de l’Etat.
Les premières actions de la Coordination des
Centrafricains de France ont porté successivement sur la rédaction d’un
mémorandum proposant une série de mesures d’accompagnement de l’intervention de
la communauté internationale en Centrafrique, la publication de trois
déclarations suggérant également des solutions jugées appropriées à la crise en
cours afin de permettre le retour de la paix durable nécessaire à la
reconstruction nationale. . Elle vient par ailleurs de faire mettre en ligne une
pétition réfutant toute perspective de partition de la République
Centrafricaine, multiconfessionnelle, unie et indivisible.
Monsieur GABIRAULT a ensuite soumis à la
Présidente trois sujets parmi tant d’autres qui préoccupent la Coordination des
Centrafricains de France avec des propositions correspondantes, notamment :
A-L’AFFIRMATION DE L’AUTORITE DE L’ETAT ;
B- LES NECESSAIRES ACTIONS SOCIALES ET
HUMANITAIRES LIEES A LA CRISE ;
C-LA RECONCILIATION ET LA RECONSTRUCTION D’UNE
PAIX DURABLE.
En ce qui concerne l’affirmation de l’autorité
de l’Etat, M. GABIRAULT a dit qu’elle doit se réaliser à travers la lutte contre
l’insécurité, contre l’impunité à travers la justice et la reconstruction de
l’administration.
Concernant la lutte contre l’insécurité, tout
en se réjouissant du casernement des soldats centrafricains pour leur
utilisation, le Coordonnateur des Centrafricains de France a indiqué qu’il est
nécessaire de faire procéder préalablement à leur évaluation, leur recyclage
dans des centres d’instruction pour permettre à beaucoup d’entre eux de recevoir
une formation d’éthique militaire, de morale qui leur a cruellement fait défaut,
de manière à d’agir conformément aux valeurs et normes des forces républicaines.
Il a ajouté que le rééquilibrage régional des
forces armées centrafricaines est à rechercher à travers de nouveaux
recrutements. Cependant, le rappel éventuel et exceptionnel pour un temps limité
des soldats mis à la retraite mais encore valides peut pour des opérations de
sécurisation être envisagé.
Quant au désarmement, il doit revêtir un
caractère volontaire pour un délai assez court, et forcé à l’issue de celui-ci
par un regroupement de forces avec la participation de gendarmes et policiers
pour leur connaissance du terrain.
2° LA JUSTICE ET LA SOLUTION POLITIQUE
A LA CRISE
Toujours dans le cadre de l’affirmation de l’autorité de
l’Etat, M. GABIRAULT a précisé à la Présidente que la Coordination avait certes
proposé la tenue d’une Table Ronde pour permettre aux Centrafricains de
redessiner l’avenir du pays, mais compte tenu du contexte de la crise, la
justice doit précéder toute concertation politique.
Il a pour cela déclaré que les lois d’amnistie
prises à l’occasion de précédents dialogues ont évité complaisamment aux auteurs
de graves crimes leur traduction en justice sans pour autant favoriser la paix
au sein de la nation en affirmant par ailleurs que la République Centrafricaine
ne doit pas demeurer un pays où on tue comme on veut pour espérer sur le pardon
et les mêmes mesures pour recommencer les mêmes actes.
Le Coordonnateur des Centrafricains de France
a déclaré pour cela qu’il est fondamental que les criminels, leurs coauteurs,
les instigateurs de la haine interreligieuse pour des motifs politiques ayant
occasionné le chaos généralisé du pays soient jugés de manière à éviter de
confondre tout un peuple aux auteurs d’actes abominables commis parfois à visage
découvert sur les chaines de télévision du monde entier.
3° LA RECONSTRUCTION DE
L’ADMINISTRATION
Sur ce point le Coordonnateur de
Centrafricains de France a attiré la très haute attention de la Présidente de
Centrafrique sur l’administration du pays devenue anachronique, inadaptée à une
société nouvelle et ne répondant plus aux exigences d’une nation moderne.
Etant également une condition essentielle pour
une paix durable et une réconciliation nationale, il a dit que sa reconstruction
doit prendre en compte non seulement des mesures de redéfinition des objectifs,
de rendement, de recherche d’éthique, de lutte contre sa tribalisation, mais
surtout des dispositions rigoureuses de neutralité dans un contexte de clivage
qui se dessine entre chrétiens et musulmans.
B-ACTIONS SOCIALES ET HUMANITAIRES LIEES A LA
CRISE
Ce deuxième important point développé par le
Coordonnateur, porte :
1° sur l’organisation et le retour des
réfugiés par la création de structures d’accueil tant à court terme qu’à long
terme pour assurer les conditions matérielles de leur rapatriement, mais aussi
globalement les conditions de leur réinsertion, en collaboration adéquate avec
le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), l’Office Mondial d’Immigration, les ONG
spécialisées ;
2° la mise en place programmes de formation
pour les mutilés et autres victimes des conflits armés afin de leur permettre
d’être autonomes et éviter d’être demain des mendiants, ce qui serait moralement
contraire à leur dignité ;
3°la réparation des préjudices d’ordre
matériel et moral de la population par la création d’un Fonds d’indemnisation
devant faire l’objet d’une recherche de financements sur le plan international
auprès des organisations étatiques et non
gouvernementales.
C-RECONCILIATION NATIONALE POUR UNE PAIX
DURABLE
Sur ce dernier point, Monsieur GABIRAULT a
également attiré la très haute attention de la Présidente de Centrafrique sur :
1°la lutte contre la vendetta : en expliquant
que des dispositions sont à prendre dès maintenant pour prévenir une immense et
inexpiable vendetta collective, à travers notamment un programme d’actions
d’envergure d’apaisement, d’éducation de la population au civisme pour dépolluer
les esprits grâce à des symboles communs pour assurer la cohésion nationale, la
réconciliation nationale, le retour à une vie harmonieuse entre chrétiens et
musulmans comme dans le passé ;
2°le problème préoccupant de la jeunesse :
M.GABIRAULT a déclaré à ce sujet que dans la situation actuelle, les jeunes ont
été utilisés toujours et comme toujours comme le fer de lance de la violence et
que des enfants de 15 ans ou même moins, ont du sang sur les mains, certains ont
dans les yeux le meurtre horrible de leurs parents, de leurs frères et sœurs, le
viol de leurs mères, d’autres sont surtout à naître, fruit du viol. Il a suggéré
pour cela la mise en place de perspectives dans une dynamique de projets afin de
les empêcher de succomber aux sirènes de la haine, tout en insistant sur la
réforme du système éducatif dont l’échec est patent, afin de construire un
nouveau pays avec la jeunesse ;
3°Le Coordonnateur a par ailleurs affirmé que
l’implication nécessaire des religieux dont le rôle a été fondamental au cours
de cette crise et de la société civile d’une manière générale dans le processus
de réconciliation et de la médiation nécessite d’être appuyée et consolidée ;
4°En e qui concerne les médias, le Coordonnateur a déclaré qu’ils ont également
un rôle essentiel à jouer, surtout comme vecteur de la paix pour dépolluer les
esprits en faveur de la tolérance, de la réconciliation, rôle majeur nécessitant
également un soutien approprié ; . 5°Pour terminer, Monsieur GABIRAULT a abordé
la perspective de la partition du pays en expliquant que ce problème préoccupe
fortement non seulement par les conséquences de plus en plus tragiques de la
crise dans notre pays, mais surtout par l’idée qui se développe à la suite de la
volonté de certains compatriotes, pour des raisons purement politiques, de voir
le pays divisé en deux Etats, ce qui signifierait incontestablement la fin de la
République Centrafricaine, nation multiconfessionnelle, unie, indivisible et
devant le rester.
Il a déclaré que cette perspective doit être
combattue très fermement car sa simple évocation constitue une très grave
incitation au clivage entre communautés chrétienne et musulmane qui ont pourtant
vécu depuis une époque millénaire en parfaite harmonie et dans un profond
brassage. . Le Coordonnateur a également signalé le caractère de plus en plus
préoccupant de cette question du fait qu’au moment où des auteurs d’actes
répulsifs n’en mesurent pas présentement les conséquences, des associations
centrafricaines de confession musulmane n’hésitent plus à l’évoquer dans des
correspondances adressées au gouvernement ou dans des déclarations publiques,
parallèlement aux discussions en coulisses dans des instances internationales. .
Il a attiré la très haute attention de la Présidente sur les graves conséquences
d’une telle partition, source de conflits plus profonds, voire permanents entre
musulmans et chrétiens. En terminant il a rappelé sur ce point les conséquences
vivaces dans les esprits, de la séparation récente d’une même nation en en
plusieurs Etats, partition qui ne constitue nullement un exemple à cautionner ou
à imposer à la République Centrafricaine par la communauté internationale à
cause d’une crise dont les causes, les instigateurs ou auteurs sont bien
connus.
Après avoir remercié la Coordination des
Centrafricains de France pour son importante contribution et Monsieur GABIRAULT
dont elle a rappelé le combat en sa compagnie pour la paix et la réconciliation
dans le cadre du Comité de Suivi du Dialogue National au sein duquel elle était
Présidente et lui Vice-président, la Présidente de Centrafrique a souhaité
vivement que cette participation au redressement du pays se
poursuive.
Sur ce point la Présidente a promis dès son
retour à BANGUI de faire communiquer son adresse mail au Coordonnateur et nommer
un responsable qui se chargerait des contributions des Centrafricains de la
diaspora qui y seront adressées pour les mettre à sa disposition. 1°Lutte contre
l’insécurité et problème des Forces armées centrafricaines : La Présidente a
expliqué que sa première préoccupation a été la sécurité, consciente que c’est
l’insécurité qui a engendré le déplacement massif de la population. Les
résolutions 21-21, 21-27 et 21-34 des nations unies ayant confié cette mission à
la MISCA et aux forces françaises, celles-ci sont confrontées à un problème
d’effectif, mais à une guérilla urbaine.
Elle a informé la délégation de la
Coordination des Centrafricains de France que les forces militaires
centrafricaines sont actuellement casernées, dans le cadre d’un appel à une
solution nationale, mais celles-ci ne sont pas armées pour des raisons liées aux
deux résolutions des Nations Unies citées ci-dessus ayant fixé la mission de
l’intervention internationale en Centrafrique. . La seconde difficulté pour les
équiper provient selon elle, non seulement de l’embargo qui pèse encore sur le
pays, mais également de la réticence de la communauté internationale qui estime
que ces forces sont tribales, s’appuyant sur l’image du lynchage d’un soldat par
certains de ses collègues qui a fait le tour du monde lors du premier
rassemblement militaire à l’ENAM. . . Elle a néanmoins précisé que des
négociations sont en cours avec les Nations Unies au sujet de cette
préoccupation.
En ce qui concerne le désarmement, l’expérience
malheureuse du 5è arrondissement qui a été attaqué par la milice ANTIBALAKA dès
que cette opération y a été réalisée l’a amenée selon elle, à suspendre celle du
3è arrondissement en attendant des conditions plus appropriées.
2° Lutte contre l’impunité à travers la
justice : La Présidente partage la préoccupation de la Coordination pour ce qui
est de la traduction de tous les instigateurs, auteurs, coauteurs de crimes,
exactions, pillages, vols, viols dont a été victime la population centrafricaine
au cours de cette crise.
3°En ce qui concerne l’administration, tout en
prenant note des propositions de la Coordination, elle l’a informée de son
intention de faire recours à l’assistance technique pour la gestion des
décaissements qui viendraient du Fonds Monétaire International ou toute aide
financière de la communauté internationale afin d’éviter les dérives du
passé.
4° Au sujet des actions à caractère social et
humanitaire : La Présidente a promis de communiquer au Coordonnateur des
Centrafricains de France l’adresse d’organismes disposés à faire acheminer
gratuitement en Centrafrique par avion ou bateau à partir de sites bien précis
les biens à caractère humanitaire des différentes associations en provenance de
la France, destinés à la population centrafricaine ;
5° En ce qui concerne la perspective de partition
du pays, la Présidente a affirmé que tant qu’elle est à la tête du pays, cette
scission n’aura pas lieu même si elle est dans le contexte actuel quel que peu
naturelle, du fait que les Centrafricains musulmans, ressortissants du nord s’y
sont retirés à cause des violences dans la capitale. Elle compte néanmoins tout
mettre en œuvre pour les faire ramener dans leurs lieux habituels.
Dans l’ensemble et selon la Présidente, les
différentes actions ou décisions du gouvernement prises dans le cadre de la
gestion de la crise pour faire ramener la sécurité et la paix, font non
seulement l’objet d’une insuffisante compréhension, mais surtout de contre pied
par des manipulations diffuses.
Tout en informant la Coordination des
critiques au sujet de la composition de son gouvernement qui manquerait
d’équilibre géopolitique, elle promet procéder à une évaluation après ses 100
premiers jours à la tête du pays et en fonction des résultats, réaliser
l’équilibre régional.
Pour terminer, la Présidente a demandé aux
Centrafricains de France, de là où ils se trouvent, d’aider à une prise de
conscience collective et individuelle pour sortir le pays du chaos actuel et le
mettre sur la voie de la reconstruction, surtout que la mobilisation de la
communauté internationale pour le pays est exceptionnelle à l’heure actuelle.
L’audience s’est achevée par l’annonce de
l’arrivée du Secrétaire Général des Nations Unies, prévue le lendemain 05 avril
2014 à BANGUI.
Paris le 05 Avril 2014
Le Secrétaire
Général pi de la Coordination des Centrafricains de France
Christian
MOROUBA