République
Centrafricaine :
Il ne faut
pas baisser les bras !
La persistance des assassinats et des
actes criminels de toute nature se perpétue en Centrafrique. Elle a le don de
provoquer la lassitude des bonnes volontés, si ce n’est la persévérance de nos
ecclésiastiques, monseigneur Dieudonné Nzapalainga, le révérend Nicolas
Guérékoyamé Gbangou et l’imam Omar Kobine Layama.
Dimanche dernier, 7 personnes auraient encore péri
à la frontière avec le Tchad. Mercredi 9 avril, 37 personnes au moins auraient
été tuées à Dékoa, dans la région centre du pays, au cours d'un affrontement
entre les milices anti-balaka et les rebelles de l'ex-séléka. Hier jeudi, ce
sont des éléments des forces internationales Sangaris et Misca qui étaient
prises à partie dans la ville de Bria, au nord de la RCA. Enfin, faut-il
rappeler le sort peu enviable des 19 000 musulmans de la ville de Boda, enfermés
dans le centre ville par un encerclement des milices anti-balaka, décidées à les
faire crever de faim ?
Tant de haine et de violence ne relèvent plus de
la politique mais d'une folie meurtrière extrême. A force, les Centrafricains
vont finir par écœurer plus d'un pays voisin et le monde
entier.
1 – La capacité de nuisance d’une logique
suicidaire.
Après le retrait décidé par le président Idriss
Déby des 800 à 1000 soldats tchadiens, c'est au tour du Gabon de se poser la
question de sa présence militaire en Centrafrique, où le pays dispose d'un
bataillon de 500 hommes. La question du retrait gabonais a été évoquée par le
président de la Commission des affaires étrangères, de la coopération
internationale et de la défense nationale de l'Assemblée nationale
gabonaise.
La question est légitime, si on prend la peine de
se souvenir que le Gabon accompagne la République Centrafricaine, hélas dans ses
dérives et pourtant dans ses espérances de renouveau, porte à bout de bras le pays de
Barthélémy Boganda depuis 1988, par la seule grâce du défunt président Omar
Bongo.
Si le Gabon venait à se désister, demain ce sera
au tour du Congo Brazzaville, qui a perdu nombre de ses militaires dans la
crise, de réfléchir à son retrait.
Quel intérêt en effet ont ces pays à venir au
secours d'une population dont certains membres prennent leurs soldats pour
cibles ?
Pour prendre la relève des soldats tchadiens, on
évoque la possibilité d'un renfort en provenance de Mauritanie, un autre pays
musulman. Dans le même temps, on apprenait la présence hier, jeudi 10 avril, du
Prince du Qatar au Soudan, pays limitrophe de la RCA. Pourquoi ? On se perd
en conjectures, sauf que le danger guette notre chère
RCA !
Une chose est sûre : les anti-balaka auront
démontré, dans leur logique suicidaire, leur capacité de nuisance et de
destruction. Chapeautées par l'ancien président déchu François Bozizé, ses fils
et ses hommes de main, elles auront réussi à épuiser les meilleures volontés
internationales. Elles auront contribué à enfoncer un peu plus le peuple
centrafricain dans la misère et la crise humanitaire, mais non à le
libérer.
Les voici désormais considérées par l'Union
africaine comme une organisation terroriste.
Dans un pays où les prétendus responsables
politiques se sont volatilisés, tous regroupés à Paris et sa banlieue, ou fui
ailleurs à l'étranger, au lieu d'encadrer la population et d'appeler à la
raison, il sera très difficile de reconstruire le tissu
social.
Et pourtant, il ne faut pas baisser les bras. Les
hommes et les femmes épris de liberté doivent multiplier les démarches,
expérimenter les rencontres, dédramatiser les craintes et savoir raison
garder.
A l'inverse, les créateurs de ce chaos, tous ceux
là qui ont participé ces trente dernières années, comme présidents,
premiers-ministres ou ministres, à la mal gouvernance de ce pays, ne doivent
plus prétendre à sa direction. Or, pendant que le peuple souffre, les voici
déambulant dans les couloirs des palais nationaux de Dakar, Abidjan, Brazzaville
ou Ouagadougou, à la recherche d'appui, d'aide ou de prébendes, en vue des
prochaines élections présidentielles, leur marotte. Peine perdue, le peuple se
souviendra de leur défection et, le moment venu, leur fera payer le prix de leur
égoïsme et trahison.
Les fortunes amassées ici ou là, pour prix de leur
veulerie, ne leur serviront plus à acheter les
consciences.
De son côté, le gouvernement de transition aurait
tort de se contenter des bons mots de souveraineté et d’indépendance, sans agir
concrètement sur les évènements.
Les forces internationales présentes en
Centrafrique agissent dans le cadre des résolutions 2121, 2127 et 2130 de l’ONU,
certes. Mais elles ne sont pas une armée d’occupation qui dicterait ses quatre
volontés. Encore faut-il leur proposer un cadre de travail cohérent et les
associer aux objectifs politiques et pacificateurs du gouvernement. En
particulier, la réconciliation nationale ne doit pas se faire sur le dos des
victimes de tous bords, ex-séléka ou anti-balaka confondus ; sauf à vouloir
la réconciliation des hommes politiques sur le dos de la nation toute entière.
Au quel cas, on court à un échec certain.
3 – Ces attiseurs de haine mènent une guerre qui
n’est pas celle de notre peuple !
A écouter Abakar Sabone égrener les oukases de son
camp, on se surprend à entendre un mollah édictant une fatwa. L’ancien
conseiller politique du président démissionnaire Michel Djotodia vient de lancer
l’organisation de résistance musulmane centrafricaine, ORMC ! Il prend
ainsi acte de la partition de fait du pays, enjoignant à tous les musulmans
centrafricains d’émigrer dans la Vakaga. L’homme veut créer, à partir de cette
région adossée au Soudan et au Tchad, son petit Qatar africain et pronostique la
« somalisation » de la RCA.
Ce serait une erreur de prendre ces élucubrations
pour des sornettes et bailler aux corneilles ; les ex-séléka ne sont pas
des illuminés ignares et excentriques ou mal endoctrinés. Ils ont, pour
certains, fait des études supérieures en Arabie, Moscou, Londres ou New-York et
ont un objectif stratégique clair : créer au nord de l’équateur, une
Afrique noire acquise à l’islam, pour revenir aux frontières du 15ème
siècle lorsque le continent tout entier était tourné vers la Mer
rouge.
A cet égard, la crise centrafricaine est plus que
politique ; elle est géostratégique, pour ne pas dire civilisationnelle. Il
s’agit pour ses initiateurs de créer une entité, la Vakaga, qui se distinguerait
de manière autonome par une langue,
l’arabe, et par une religion, l’islam, et constituerait une identité
propre.
Ils oublient cependant que la Vakaga n’est pas une
entité culturelle différente de la RCA, ni par la langue ni par la religion.
Toute la population de la région ne parle pas l’arabe, et les Bandas Linda, les
Bandas N’Délé ou les Brotos ne sont pas des familiers des écoles
coraniques.
Bien entendu, le président déchu François Bozizé
et ses fils, au contraire des dirigeants de l’ex-séléka, cumulent les handicaps
de ne point avoir entrepris des études supérieures et de ne pas apprécier la
logique de leurs adversaires du moment. Ils participent au « nettoyage
ethnique » des musulmans par les milices anti-balaka interposées, sans se
poser la question de la pertinence de leur action. En s’en prenant exclusivement
aux musulmans, ceux-ci et ceux-là violent délibérément le droit international
des droits de l’homme et le droit international des minorités. Ils justifient,
de ce seul fait, l’exigence d’Abakar Sabone à disposer d’une enclave
territoriale protectrice pour les « siens ». Ils acculent la
communauté internationale à accéder par principe à une telle
exigence !
A l’aune de cette considération, ce type conflit
n’est plus la nôtre. En effet, la géopolitique du pétrole est déjà en branle.
Faute de réconciliation nationale, la multinationale française Total – implantée
au Tchad - sera en action pour négocier la neutralisation de ses concurrents
potentiels, chinois en l’occurrence, avec les responsables territoriaux du
moment, ex-séléka ou non. Dans cette perspective, la France envisagerait de
procéder, en dernier recourir, à l’exfiltration des musulmans de Boda ou
d’ailleurs vers une enclave spécifique, à l’étranger ou au nord de la RCA. La
Vakaga deviendrait ainsi une entité administrative autonome, du Tchad, de la RCA
ou du Soudan, selon les rapports de force sur le terrain. C’est la logique de la
Bosnie- Herzégovine qui serait dès lors en marche.
C’est pourquoi, en refusant aux forces
internationales de la Misca et de Sangaris de procéder au désarmement du
3ème arrondissement de Bangui, après le désarmement tumultueux du
5ème arrondissement, par crainte de représailles anti-balaka, la
Présidente de transition renforce la position des « partitionnistes »
de l’ex-séléka. Elle a tort car, demain, lorsqu’il faudra négocier, le prix à
payer pour ce renoncement sera lourd de conséquence pour la Nation. Il faudra,
ou faire la guerre ou concéder un référendum populaire sur l’autonomie de la
région pétrolifère centrafricaine !
Le paradoxe de cette situation est double :
les habitants de la Vakaga ne sont pas tous musulmans, et, tous les
Centrafricains convertis à l’islam par nécessité, opportunité ou conviction, ne
sont pas désireux de vivre dans un ghetto musulman.
Madame Catherine Samba-Panza s’est donnée
quatre-vingt dix jours pour juger de l’efficacité de son équipe. Il lui reste
dix jours d’état de grâce !
Notre pays, la belle Républicaine centrafricaine
est une et indivisible, telle qu’elle nous a été léguée par nos sages
ancêtres.
Paris, le 11 avril 2014
Prosper INDO