En RCA :
Sangaris tente de ramener le calme à l’est du pays
par RFI
16-04-2014
En RCA des accrochages se sont produits ces deux derniers jours entre les forces françaises
et africaines d'un côté et les groupes armés sur l'axe qui mène de Sibut à
Bambari. La force Sangaris a notamment ramené le calme dans la ville de Grimari
où les anti-balaka et les ex-Selekas s'affrontaient.
C'est un scénario auquel Sangaris s'était préparé.
A mesure que les forces françaises et les forces africaines de la Misca allaient
se déployer à l'Est et au Nord, les milices anti-balaka en profiteraient pour
s'engouffrer dans la brèche. C'est manifestement ce qui s'est passé dimanche et
lundi à Grimari, localité située à mi-chemin entre Sibut et
Bambari.
Des miliciens ex-Seleka et des groupes
d'anti-balaka, venus de Sibut, se sont affrontés violemment dans la journée de
lundi, avant que la force Sanagris n'intervienne pour séparer les belligérants.
Mardi, la situation était redevenue calme, mais le problème n'est pas réglé. Les
habitants de Grimari terrorisés par les détonations d'armes lourdes et de
kalachnikov sont réfugiés à l'église.
Pour la force internationale, la situation est
complexe. Les anti-balaka, persuadés que Sangaris va désarmer les ex-Selekas,
veulent profiter de la situation. Comment les empêcher d'avancer ? Comment
instaurer la sécurité tout en appliquant les mesures de confiance, c'est-à-dire
le désarmement ? Voilà l'équation.
Pour l'instant, la force Sangaris montre ses
muscles et occupe le terrain. Une stratégie efficace, mais qui nécessite
beaucoup d'hommes et de moyens. Il faut en effet être présent dans toutes les
localités sous peine de voir les anti-balaka s'infiltrer depuis la
brousse.
■ ZOOM sur Bria :
après la tension, la situation est sous contrôle
En Centrafrique, nouvelle réunion
de haut niveau à Bria, mardi. Le général Soriano, patron de Sangaris, le général
Kararuza, commandant en second de la Misca, et le ministre de l'Administration
territoriale Aristide Sokambi, sont venus de Bangui pour dialoguer avec les notables, les
sages et les officiers Seleka.
A Bria, la Seleka et les troupes internationales
sont en passe d'enterrer la hache de guerre. Après plusieurs heures de
négociations, les deux camps se sont mis d'accord. Les Selekas doivent désormais
rester cantonnés à la préfecture. Ils n'ont pas le droit de sortir avec leurs
armes, seuls ceux qui gardent le bâtiment ont le droit d'en porter une. Mais les
parties ont décidé de pousser plus loin leur entente. Une dizaine de rebelles
vont être choisis pour accompagner les patrouilles de Sangaris et Misca. Ils
devront servir de guide.
Ils aideront aussi au maintien de la sécurité,
comme l’explique Amat Amadine, porte-parole de la Seleka à Bria :
« Nous avons
certains éléments incontrôlés. Si nos éléments commettent des fautes, ce sont
nos hommes qui vont donc les désarmer et les détenir pour leur infliger des
corrections ».
Une bonne mesure de confiance estime un membre du
comité des sages qui dit attendre le lancement d'un processus clair de
désarmement. En attendant, il demande aux habitants ayant fui en brousse de
revenir en ville. Le ministre de l'Administration territoriale se veut lui
prudent. Même s'il voit Bria comme une ville où la médiation a réussi, Aristide
Sokambi reconnaît que la situation reste fragile et que la confiance doit être
consolidée.
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RFI, Publié le
15-04-2014
Alors que les Tchadiens ont retiré
leur contingent de la Misca et ont quitté le nord et l'est de la Centrafrique où
ils étaient déployés ; alors que Sangaris se déploie à son tour dans cette zone,
bastion de l'ex-Seleka, l'ancienne rébellion connaît des remous en son sein. Les
événements de Bria ces derniers jours en sont une illustration. Il semble que
les deux branches, militaire et politique, de la Seleka aient du mal à se
parler.
A Bria, pour faire entendre raison
aux ex-rebelles rétifs au désarmement, Mohamed Dhaffane, président par intérim
de la Seleka, fait le voyage le mercredi 9 avril. Mais le lendemain, les
tensions repartent de plus belle. Trois jours plus tard, c’est un autre Seleka,
le général Issa Issaka, se rend sur place à son tour. Issa Issaka est le
coordinateur d'un « comité militaire de crise » constitué d'une
douzaine de hauts responsables Seleka, cantonnés à Bangui. Des généraux qui se
sentent oubliés par leur branche politique et par le
gouvernement
Signe du divorce, quand il y a
quelques jours ces généraux signent un communiqué soutenant le désarmement,
Mohamed Dhaffane n'est pas au courant. « J'ai commencé à perdre des
officiers », explique-t-il. Des officiers lassés, selon lui, de
devoir se soumettre au cantonnement alors que les anti-balaka sont toujours
libres de leur mouvement.
A ces deux tendances, il faut
ajouter les francs-tireurs. C'est le cas d'Arda Hakouma, opposé au processus
politique, partisan d'un départ des soldats français, et qui affirme protéger
les populations musulmanes dans une zone située entre Kaga Bandoro et
Ndélé.
Il y a aussi Abakar Sabone, ancien
proche conseiller de Djotodia, celui qui le premier avait évoqué une possible
partition du pays. Il revendique 5 000 hommes dans la Vakaga et rejette
l'initiative du « comité militaire » en faveur d'un processus de paix.
« Ces généraux comme Issa Issaka ne
commandent rien », déclarait-il à Jeune Afrique il y a quelques jours.
« Il n'y a pas un seul homme à lui
dans la Vakaga », lui répond Moustapha Abakar, le porte-parole
du comité.
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Abakar Sabone : "La guerre avec
les anti-balaka commence" en Centrafrique
10/04/2014
à 12:33
Par Vincent Duhem – Jeune Afrique
Abakar
Sabone, en décembre 2013 à Bangui. © AFP/Miguel
Medina
Ex-conseiller spécial de
l'ancien président Michel Djotodia, Abakar Sabone a créé un nouveau mouvement
sur les ruines de l'ancienne rébellion Séléka, l'Organisation de la résistance
musulmane centrafricaine (ORMC). Interrogé par "Jeune Afrique", il met en garde
la France contre toute tentative de désarmer ses hommes. Interview
exclusive.
Cofondateur du mouvement
rebelle UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement), Abakar
Sabone fut l'un des premiers cadres de la Séléka à évoquer les risques d'une
partition de la Centrafrique. Depuis la région de la Vakaga (Nord-Est) où il se
trouve, celui qui fut le conseiller spécial de l'ancien président Michel
Djotodia réitère ses menaces et annonce à Jeune Afrique la création de
l'Organisation de la résistance musulmane centrafricaine (ORMC), un mouvement
érigé sur les ruines de l'ex-rébellion.
Jeune
Afrique : Que s'est-il passé à Dékoa, où des ex-Séléka ont affronté des
anti-balaka, le 8 avril ?
Abakar
Sabone :
Les anti-balaka ont attaqué nos positions alors que nous étions cantonnés. Nous
avons ripostés. La guerre avec les anti-balaka
commence.
L'armée
française a annoncé vouloir se déployer dans le Nord-Est. Le redoutez-vous ?
Les soldats français sont
venus à Bambari il y a une semaine, puis à N'Délé et Bria le 6 avril. Ils ont
tenté de désarmer nos combattants, mais nous avons refusé. Les Français sont
ensuite repartis avec certains de nos généraux qui ont accepté de faire la paix
avec les anti-balaka. Mais ces généraux, comme Issa Issaka, ne commandent
rien.
Pourquoi
refusez-vous d'être désarmé ?
« Notre but est de
regrouper tous les musulmans centrafricains dans la Vakaga où ils doivent élire
domicile. »
Si la France nous désarme, les anti-balaka
nous massacreront. Cela doit intervenir dans un processus précis, celui du DDR
(Désarmement, démobilisation, réintégration). Dans le cas contraire, nous
répondrons par la force et la France en sera responsable. C'est la consigne que
nous avons donnée à nos combattants. Si "Sangaris" cherche à favoriser les
anti-balaka en désarmant les combattants musulmans pour qu'ils se fassent
massacrer, nous rendrons la Centrafrique ingouvernable. Ce sera alors la
"somalisation" de la RCA. Dans Bangui, les anti-balaka sont armés au vu et au su
des militaires français de l'opération Sangaris. À Boda (située dans la
préfecture du Lobaye), ils encerclent 15 000 musulmans. Nous ne comprenons pas
ce "deux poids deux mesures".
Où se
trouvent les combattants de l'ex-Séléka ?
Il en reste quelques-uns
cantonnés dans Bangui. D'autres sont à Kaga-Bandoro, à Sidot, à Kabo. La grande
majorité se trouve dans le Nord-Est, précisément dans la région de la Vakaga.
Mais, aujourd'hui, la Séléka n'existe plus. Nous nous sommes regroupés au sein
de l'Organisation de la résistance musulmane
centrafricaine (ORMC). Nous avons organisé notre congrès il y a un mois à
Boromata (localité du Nord-Est où se trouve l'un des gisements pétroliers,
NDLR). Notre but est de regrouper tous les musulmans centrafricains dans la
Vakaga où ils doivent élire domicile.
« Aujourd'hui, le
conflit est confessionnel. La partition de la RCA dépend de la
France. »
Vous
réitérez donc les menaces de
partition que vous aviez proférées il y a quelques mois…
Mais la partition existe déjà
de fait. Les musulmans ne peuvent plus vivre dans le sud du pays. Le conflit
centrafricain n'est plus entre anti-balaka et Séléka mais entre anti-balaka et
musulmans. Les données ont changé depuis la démission de Michel Djotodia. Si
certains ne veulent plus de musulmans en RCA, c'est notre droit de résister par
les armes. C'est pourquoi nous avons créé l'ORMC. Aujourd'hui, le conflit est
confessionnel.
La partition de la RCA dépend
de la France. Si Paris joue un franc jeu avec toutes les entités de la
population centrafricaine, alors nous jouerons le jeu de l'unité de la RCA. Mais
dans le cas contraire, la partition sera
inévitable.
Respectez-vous
le choix des quelques membres de la Séléka qui sont restés à Bangui et/ou sont
membres du gouvernement ?
Ce choix n'engage qu'eux, nous
n'avons rien à leur reprocher. Mais ils ne représentent ni l'ORMC, ni la
communauté musulmane.
De
combien d'hommes armés disposez-vous ?
Entre 4 et 5 000 hommes. Mais
tous les musulmans, de 18 à 60 ans, sont appelés à se joindre à nous pour que
nous imposions notre droit.
Vous
avez évoqué un risque de somalisation. Êtes-vous prêt à vous allier à des
groupes extrémistes comme les Shebab ou Boko Haram ?
Nous n'avons aucun lien avec
ces organisations. Nous sommes aujourd'hui capables de résister sans elles.
Jusqu'à aujourd'hui, aucune force armée musulmane n'a affronté les anti-balaka.
Mais d'ici un mois, si la conférence nationale n'est pas organisée, si les
anti-balaka ne sont pas désarmés, nous prendrons nos
responsabilités.
« Dans ce contexte,
c'est désormais la politique du talion qui prévaut : œil pour œil, dent pour
dent. »
C'est-à-dire
?
Nous descendrons vers Bangui
et nous nous imposerons par les armes. Nous avons laissé le temps à la
communauté internationale de trouver une solution pacifique. Maintenant, nous
allons trouver une solution à la centrafricaine. Dans ce contexte, c'est
désormais la politique du talion qui prévaut : œil pour œil, dent pour
dent.
Selon
certaines sources, vous vous seriez rendu dans le nord du Nigeria, il y quelques
semaines, pour rencontrer Nourredine Adam...
Absolument pas. Je n'y suis
jamais allé.
Que pensez-vous du départ des forces tchadiennes
?
C'est une très mauvaise
nouvelle pour la Centrafrique et pour la communauté internationale. Le Tchad est
au chevet de la RCA depuis
Par
Vincent DUHEM
Source :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140407175152/