Centrafrique: LA VÉRITÉ SUR LE MASSACRE AU PK
12, 29 MARS 2014, BANGUI
Par Yaka
Maïde
La soif de vengeance a poussé les
soldats tchadiens à tirer sur la population civile au marché de Bégoua au
Pk12.
Il est un peu plus de 14
heures, ce samedi 29 mars. Le pk 12, jour du grand marché et de ravitaillement
de la capitale Bangui grouille du monde. Commerçants, soldats congolais (Rdc) de
la Misca, sangaris, antibalaka désarmés mais arborant fièrement leurs gris-gris
sans danger, se frottent et sympathisent. Quelques heures auparavant, une alerte
avait déjà annoncé l’arrivée imminente des troupes de l’Armée Nationale du Tchad
(ANT) venues rapatrier leurs compatriotes du Km5, de Bégoua et de Boda qui
désirent quitter le Centrafrique.
Alors que tout le monde lorgnait
du côté de la route nationale n°1, route de Damara, d’où devrait arriver ces
fameux scorpions de l’Ant, c’est du côté de la route nationale n° 2 qu’est
arrivé l’engin de mort. Une colonne de plusieurs véhicules (blindés légers, BJ
75) lourdement armés. Ces véhicules, portant des plaques d’immatriculation du
Tchad étaient estampillés Misca. Arrivés au niveau du pont bascule, la colonne
s’est divisée en deux, une est restée devant le pont bascule et l’autre est
partie s’arrêter devant la station Total du Pk 12, à peu près à trente mètres de
la barrière où sont postés les soldats de l’opération sangaris, les éléments des
eaux et forêts, la police municipale de Bégoua et les gendarmes centrafricains
en faction.
Près de vingt minutes de
tirs sans arrêt
Contre toute attente, les
éléments tchadiens stationnés près de la barrière sont descendus de leurs
véhicules et ont commencé à faire des tirs de sommation. Soudain, ceux des
blindés légers leur ont emboité le pas en tirant à l’arme lourde, Canon et 12/7,
pendant près d’une vingtaine de minutes sans arrêt. Les tirs étaient d’abord en
l’air, puis à ras-le sol. Commerçants, acheteurs, badauds, soldats de la Misca,
force française de sangaris, gendarmes ont commencé à se trouver un
refuge.
C’était la débandade totale. «
Nous avions été très surpris par la violence des tirs sur la foule », dira plus
tard un soldat de la Misca congolaise. Les étuis de balles trouvés sur place
étaient ceux des armes lourdes. Entretemps, d’après des témoignages, des seleka
cantonnés au camp Rdot et la milice peuhle de la mosquée de Pk13, route de
Damara exultaient de joie et effectuaient des tirs en l’air. Les soldats
tchadiens qui croyaient à une riposte des antibalaka tiraient de plus belle. Ils
ont envoyé également quelques roquettes en direction de la colline d’où
provenaient quelques tirs à l’AK 47, probablement des antibalaka du secteur
Sassara.
Découverte
macabre
Après leur forfait, ils sont
repartis en direction de Gobongo comme si de rien n’était. On entendait toujours
des tirs à l’arme lourde confirmant que dans leur progression, ils continuaient
de tirer. Les soldats congolais, très surpris par l’attaque, n’ayant pas eu le
temps de se préparer militairement, se sont terrés dans leur base, une villa
contigüe à la mairie de Begoua. La sangaris était dans la concession de la
gendarmerie et à l’école Begoua. Aussitôt, après que les tirs ont cessé, les
congolais sont sortis sécuriser les marchandises abandonnées contre d’éventuels
pilleurs. Quant aux forces sangaris, ils ont apporté secours aux nombreux
blessés.
Sur le sol jonchaient
plusieurs blessés et plusieurs morts, essentiellement composés de commerçants et
commerçantes. Un seul mort a été identifié comme antibalaka, à cause de son
accoutrement. Il sera récupéré par les siens et enterré dans les locaux de
l’OCRB de PK 13. Les blessés ont été récupérés par la sangaris qui a créé un
poste de soins d’urgence dans les locaux de la Gendarmerie. « L’urgence pour
nous, c’est de secourir les blessés, le reste nous verrons plus tard », a
indiqué un soldat français. D’autres blessés ont été conduits au dispensaire de
la paroisse Saint Charles Lwanga. « Six, blessés dont une femme et cinq hommes
conduits à la paroisse, ont été transférés dimanche, par Médecins du Monde pour
l’hôpital communautaire », a déclaré un volontaire du camp des déplacés de
Begoua. Une foule s’est acharnée sur ces soldats sangaris, les traitant de tous
les noms d’oiseaux. En effet, la population ne comprenait pas pourquoi la force
sangaris n’est pas intervenue pour stopper la barbarie tchadienne à quelques
mètres de leur check-point.
Soif de
vengeance
La fusillade du Pk 12 est une
soif de vengeance de la Misca tchadienne dont plusieurs soldats ont été
clairement identifiés comme appartenant à la seleka tchadienne qui opérait
auparavant au marché à bétails.
Selon plusieurs sources
concordantes, la colonne des véhicules tchadiens avait fait plusieurs escales.
D’abord, au Pk 17 au centre Ama (détruit), ensuite, devant la mosquée détruite
du Pk 15, pont de sôh et enfin, entre l’entrée du marché à bétails de Pk 13 et
l’Eglise du Christianisme céleste en Afrique (dite église de Bozize), constatant
avec amertume les dégâts causés par la population exaspérée sur les biens
meubles et immeubles de la seleka et des milices proseleka. Trois colonels
seleka, dont deux étaient des commerçants de bétails membres du bureau de
l’Association des commerçants de bétails de Centrafrique (ACBC) ont été
identifiés dans un de ces véhicules, un BJ 75 équipé d’une batterie d’arme à
canon. Ces colonels sont des ressortissants tchadiens acheteurs de bœufs qui
s’étaient reconvertis en militaires au moment de la prise de pouvoir de
Djotodia.
Martial Pabandji, chargé de
mission en communication au Ministère de la Communication affirmera sur son mur
facebook que « l'entrée fracassante et meurtrière des éléments Tchadiens non
identifiés à Bangui le 29 mars n'a pas été connu du Ministère Tchadien de la
Défense et moins encore du Ministère des Affaires étrangères. Des démarches sont
en cours pour sanctionner ces soldats qui auraient agi sous leurs hiérarchies
sans autorisation gouvernementale de leur pays. Les Autorités Centrafricaines
font tout pour arrêter définitivement avec cet épisode macabre des agissements
de certaines personnalités de défense tchadiennes qui nuisent à la coopération
entre les deux pays ».
Depuis dimanche, les quartiers
nord de Bangui enterrent leurs morts sans assistance morale des autorités
administratives, politiques ou bien des membres des organisations des droits de
l’homme. Il va sans dire que ces autorités enjambent ainsi le pas à Tumenta qui
considère nos morts comme un non-événement. Même au safari on verse quelques
droits pour abattre les animaux, écrivait un lecteur.
Par Yaka Maïde - Le Confident
N° 3414 du 02 Avril 2014