Des musulmans de Centrafrique prônent une partition du pays

 

Par  Emmanuel Braun | Reuters, Jeudi 24 avril 21h 31 CEST

BAMBARI République centrafricaine (Reuters) - Chassés de Bangui par les milices chrétiennes, les musulmans réfugiés dans la ville de Bambari, dans le centre de la République centrafricaine, rêvent d'une partition du pays, seule solution selon eux de garantir leur sécurité.

La ville de Bambari, carrefour commercial de la région, se trouve à la limite du Sud chrétien et du Nord musulman, largement contrôlé par les ex-rebelles de la Séléka.

Au cours des dix mois où elle a été au pouvoir, entre mars 2013 et janvier dernier, la Séléka s'est signalée par des exactions contre les chrétiens dans le sud du pays.

A la suite de l'intervention militaire française en décembre dernier, les chrétiens "anti-Balaka" se sont livrés à de sanglantes représailles contre les musulmans, notamment dans plusieurs quartiers de Bangui, la capitale.

Ces violences ont contraint un million de personnes à fuir leurs maisons.

"La partition est déjà une réalité dans les faits. Il ne nous reste plus qu'à proclamer notre indépendance", affirme à Bambari Abdel Nasser Mahamat Youssouf, un jeune musulman. Un drapeau a déjà été imaginé pour ce futur Etat centrafricain "nordiste", qui sera une République laïque, dit-il.

Bambari accueille de nombreux réfugiés musulmans qui ont fui Bangui, à 300 km au sud-ouest. Des soldats français ont escorté lundi un convoi d'une centaine d'entre eux, chassés du quartier PK12 de la capitale.

Deux autres convois de réfugiés sont attendus dans les prochains jours, conséquence de ce qu'une organisation de défense des droits de l'homme a présenté comme un "nettoyage religieux" mené à PK12, l'un des quartiers musulmans de Bangui.

"QUE CEUX DE BANGUI NOUS IMITENT"

La ministre centrafricaine de la Réconciliation, Antoinette Montaigne, a critiqué ces opérations d'évacuation qui reviennent selon elle à accepter une partition du pays.

Mais pour de nombreux musulmans de Bambari, il n'y a en effet pas d'autre solution que la partition.

"Les chrétiens ne veulent pas des musulmans. Ce qu'ils veulent, c'est une République catholique centrafricaine", dit Oumar Tidiane, un ami de Youssouf.

Parmi les 65.000 habitants de Bambari, beaucoup soulignent toutefois l'harmonie qui règne traditionnellement entre chrétiens et musulmans dans la région, point de passage commercial vers le Tchad et le Cameroun.

"Il faudrait que les gens de Bangui prennent exemple sur Bambari, où chrétiens et musulmans vivent côte à côte. Nous ne comprenons pas ce qui se passe là-bas", explique Paulin Kossikako, un marchand chrétien.

L'idée d'une partition est rejetée par le gouvernement intérimaire à Bangui, ainsi que par la France et plusieurs pays africains. Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-Moon, a souligné les dangers d'une telle solution.

Au sein même de la Séléka, les avis sont partagés.

Certains, comme le général Abakar Sabone, qui contrôle la région de Vakaga, dans le Nord, affirme que c'est la seule issue possible si les musulmans sont effectivement exclus du pouvoir à Bangui.

A Bambari, le général Ali Darassa, lui aussi responsable de la Séléka, veut croire que le conflit actuel sera surmonté. "Ici, tout le monde est traité avec équité, les droits sont les mêmes pour tous, chrétiens comme musulmans", dit-il, en dénonçant l'extrémisme des miliciens chrétiens "anti-Balaka".

(Guy Kerivel pour le service français)

 


 

RCA: le gouvernement demande des comptes à l’ONU devant la presse

RFI - 24-04-2014,

 

En RCA, la ministre de la Réconciliation, Antoinette Montaigne a tenu à obtenir auprès des agences de l'ONU des explications sur la relocalisation des musulmans du quartier du PK12 de Bangui. Une centaine a déjà été évacuée dans la ville de Bambari, lundi. Une mise au point qui s'est déroulée devant la presse.

Les responsables des agences onusiennes s’attendaient à une réunion de travail à huis clos avec la ministre de la Réconciliation, Antoinette Montaigne. Mais c’est en présence de la presse que des représentantes du HCR et de l’OIM ont été invitées à s’expliquer sur le déplacement des populations musulmanes du PK12 vers Bombari.

La ministre a une nouvelle fois regretté de ne pas avoir été consultée sur le sujet. Mais pour la représentante du HCR à Bangui, le gouvernement avait été informé en haut lieu de ce départ et surtout la priorité reste la sécurité des personnes.

La ministre a dit comprendre l’indispensable besoin de protection des populations à risque, mais craint que leur relocalisation dans des villes de l’Est ou du Nord ne favorise la partition du pays. Antoinette Montaigne croit plus à un rétablissement de la sécurité à Bangui, grâce à un effort sur le désarmement et un appui plus fort de la communauté internationale, sur les actions menées en faveur de la réconciliation.