Comme au plus beau jour

de la personnalisation du pouvoir !

 

A l'occasion de la fête des mères, si régulièrement célébrée en République centrafricaine depuis 1966 à l'initiative du président Jean-Bedel Bokassa, Madame Catherine Samba-Panza, la présidente de la transition, a fait éditer un pagne à son effigie, comme au plus beau jour de la personnalisation du pouvoir sous Nikita Khroutchev en URSS !

L'initiative prêterait à sourire si la présidente n'y avait ajouté une déclaration d'une naïveté brutale. Depuis Brazzaville où elle était en visite de travail, ce mercredi 28 mai 2014, elle a osé un pronostic sur la sécurité en Centrafrique : « des avancées ont été observées depuis que je suis à la tête de l'Etat centrafricain ». Patatras !

 

Dans l'après-midi du même jour, un attentat dirigé contre l'église catholique Notre-Dame de Fatima faisait 17 morts dont le prêtre, le révérend père Nzalé, et des dizaines de blessés. Cette attaque faisait sans doute suite à l'enlèvement et à l'assassinat de trois jeunes musulmans qui se rendaient à un match de football organisé pour appeler à la réconciliation des communautés.

Dans la foulée de l'attentat de Fatima, la mosquée de Lakouanga, quartier jusqu'alors épargné par les exactions et violences interconfessionnelles, était la proie d'un incendie. Le cycle des représailles était ainsi relancé, culminant ce vendredi par des barricades et manifestations de rue appelant à la démission de la présidente de transition.

 

Au lieu d'exercer son magistère par des déplacements budgétivores et des déclarations inutiles à l'extérieur du pays, Madame Samba-Panza devrait mieux utiliser son énergie à rassurer et à encourager son peuple sur le chemin de la cohésion et de la concorde nationale.

 

En matière de sérieux, elle devrait surtout convaincre son Premier-ministre à plus de discernement et d'esprit d'à-propos. Déjà épinglé d'amateurisme lorsqu'il attribua le cambriolage du ministère de la communication – institution dépourvue de toute mesure de protection et de tout dispositif de surveillance, même statique – de « sabotage de l'action du gouvernement », M. André Nzapayéké récidive en qualifiant l'attentat de Fatima de « complot planifié » par des « hommes politiques très proches du pouvoir, qui sont autour du cabinet de madame la présidente et autour de mon cabinet » !

 

La rumeur populaire voyait en la personne du Premier-ministre un hédoniste impénitent. L'intéressé en rajoute ici dans le genre paltoquet dangereux. Soit M. André Nzapakyéké a des informations précises sur ce personnages et il doit les communiquer à la police pour que ces individus soient interpellés et interrogés par la justice, soit il s'agit de simples spéculations intellectuelles, d'élucubrations et de manœuvres dilatoires de sa part. Dans cette deuxième hypothèse, l'intéressé n'a plus sa place à la tête du gouvernement de transition, lequel gouvernement devait d'ailleurs être remanié depuis le 6 mai 2014,  parole de la présidente !

 

Or pendant que les autorités de transition rivalisent de naïveté et d'inconséquence, d'insensés hurluberlus prennent la parole, qui au nom de la coordination des anti-Balaka, qui comme porte-parole des rebelles de l'ex-Séléka, pour appeler à la haine raciale. Ces usurpateurs attisent les tensions, bafouent l'autorité de l'Etat, violent délibérément les lois de la République en toute impunité.

Ni le ministre de la sécurité publique, ni son collègue chargé de la défense nationale, n'y voient malice.

 

 

 

 

Un aveu d'impuissance.

 

Regagnant Bangui la capitale centrafricaine jeudi 29 mai, sous la protection des forces internationales, la présidente de la transition a appelé au calme et décrété trois jours de deuil national en mémoire des victimes de Fatima. C'est le service minimum en pareilles circonstances, alors que les manifestations de rue réclament désormais sa démission.

 

Jusqu'alors Catherine Samba-Panza bénéficiait d'une bienveillante immunité populaire. Devant l'inanité des hommes politiques centrafricains, tout un peuple avait placé son espérance de paix en elle, était prêt à l'encourager, à l'aider et à lui laisser sa chance. En tardant à prendre le tournant du changement promis depuis un mois, la présidente de la transition fait aveu d'impuissance.

 

Pis ! Ce sont les habitants de Lakouanga qui désormais la pousse vers la sortie. Lakouanga, c'est le  berceau de son enfance, le quartier où elle a grandi et où la plupart de ses ministres ont fait leurs classes primaires, joué au football sur un terrain de latérite à peine délimité avant d'aller plonger une tête dans la rivière Sahévoir tout proche. Le nom de ce marigot est symbolique. Il vient d'un défi que se lançaient les petits du quartier, « Essayez voir ». Il s'agissait de plonger dans l'eau, la tête la première, depuis le parapet du pont qui dominait l'onde, au risque de se rompre le cou, surtout pendant la saison sèche !

En s'aliénant le peuple de Lakouanga, Catherine Samba-Panza vient de brûler son dernier vaisseau.

 

Pire encore ! A ceux qui lui reprochent de tergiverser dans le réaménagement du gouvernement, un de ses conseillers fait valoir que ce retard est dû aux consultations entreprises auprès des autres chefs d'Etat de la région, lesquels exigeraient quelques ajustements. On voit ici poindre la figure tutélaire du président tchadien et l'accord secret conclu à N'Djaména en décembre 2013, lequel réserverait les postes de Premier-ministre, et les ministères régaliens ou stratégiques de l'intérieur, de la défense, des mines, du pétrole, etc... à la rébellion Séléka !

Autrement dit, on opposerait au peuple centrafricain un accord secret, conclu à l'étranger et validé par un groupe de conseillers pris en otage, attribuant à 10% de la population tous les ministères régaliens et stratégiques, au mépris des dispositions de la Charte constitutionnelle de la transition, lesquelles  interdisent à quiconque de se prévaloir de considérations fondées sur la race, le sexe, la région ou la religion pour prétendre gouverner la RCA ?

Voilà pourquoi certains commencent à accuser Madame Samba-Panza d'être de parti pris, et voient en elle une émanation de la Séléka !

 

De bonne source, la présidente de la transition aurait déjà signifié au ministre de la défense nationale et à son collègue de la sécurité publique qu'ils ne seraient pas reconduits. La même source précise que le ministre de l'administration du territoire, un familier et très proche de Mme Samba-Panza, se serait vu proposer la primature mais l'intéressé aurait décliné cette promotion. Dans la foulée, la rumeur fait de l’ancien porte-parole de la Séléka, Eric Néris Massi, le prochain locataire de la Primature. Ce serait solder à vil prix la disparition du colonel Charles Massi !

L'attente continue donc.

 

Les rodomontades des forces internationales.

 

Les récentes violences de ces derniers jours interrogent sur le comportement des troupes internationales Sangaris et Misca.

 

Selon les témoignages, les agresseurs de l'église de Fatima se seraient rendus sur les lieux de leur forait aux alentours de 16H30, à bord de deux véhicules 4X4 hérissés d'armes, de lance-roquettes et de grenades. Un tel aéropage ne peut voyager incognito ! On peut s'interroger dès lors sur le dispositif de sécurité mis en place par les forces internationales pour contrôler la circulation sur les grandes artères de la capitale.

Apparemment, ce dispositif ne doit pas être très dissuasif. Qu'il s'agisse des check-points ou des modalités de patrouilles motorisées, le système manque singulièrement d'efficacité. Dès lors, il convient   de regretter ici la décision prise par les autorités de transition de lever le couvre-feu qui jusqu'alors garantissait un semblant de calme dans la capitale. 

 

En menaçant de réagir « avec la plus grande détermination à toute prise à partie » de leurs soldats, les responsables des forces internationales ajoutent à la confusion. Ainsi, les rodomontades du général camerounais Chomou n'y changent rien ; les manifestants sont convaincus que les soldats burundais étaient informés de l'attaque de Fatima et ont laissé faire. Ils reprochent aux forces internationales leur apathie à ne pas désarmer la poudrière du PK.5.

Ce reproche est d'autant plus fondé si l'on considère que les forces armées centrafricaines sont cantonnées et désarmées, alors que les troupes de l'ex-Séléka sont cantonnées mais armées ! Ces dernières jouissent par ailleurs d'une liberté de circulation qui confine à un permanent passe-droit.

 

Comme toujours en pareilles circonstances, c'est lorsqu'elle est face au mur que la présidente de la transition réagit. Elle s'est engagée à prendre « toutes les dispositions pour que le désarmement tant demandé se fasse partout, y compris dans le 3ème et le 5ème arrondissements ». On se demande pourquoi elle s'y opposait jusqu'alors.

La présidente de la transition ne serait pas une admirable mère de famille, on crierait au caprice de l'ingénue !

 

Il est temps en effet de désarmer partout, d'arrêter, de juger et de faire condamner tous ceux qui s'autoproclament coordinateurs, porte-paroles ou responsables d'entités dissoutes ou de groupes armés non déclarés. Il est temps de rechercher et de faire juger les meurtriers du juge Modeste Bria, les assassins du maire-adjoint de M’Baïki, M. Saleh Dido, ceux de l’ancien ministre Joseph Kalité ou du conseiller national de la transition Jean-Emmanuel N’Djaraoua, des journalistes Désiré Sayenga et René Padou, Camille Lepage, du révérend père André Nzalé, et de ces milliers de victimes anonymes qui ont trouvé la mort pour une cause qui n’est pas la leur. On pense à ce pauvre hère lynché à mort par les soldats centrafricains !

 

Il est temps de désarmer, madame la Présidente, et non plus comme vous le dites si bien : d’« instruire les Sangaris et la Misca d’apporter tout l’appui nécessaire à la police et à la gendarmerie pour faire aboutir rapidement les procédures déjà engagées » ! Cette déclaration est un salmigondis sans portée.

La vérité est simple à dire : il s’agit d’arrêter les tueurs et leurs commanditaires. Ces derniers sont connus, ils viennent d’être nommément désignés par le Conseil de sécurité de l’Onu et le président américain, Barak Obama.

 

Paris, le 31 mai 2014

 

Prosper INDO