La Seleka et les anti-balaka se réorganisent. Et sous quel commandement ?

 

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I. En Centrafrique, la guerre des chefs des milices anti-balaka

la-croix.com – 19 mai 2014 - 16 H 22

 

Au cours d’un entretien accordé à RFI et à « La Croix », Sébastien Wenezoui, s’est présenté comme le nouveau coordinateur général de cette milice, alors que d’autres chefs le contestent.

Rencontré par RFI et La Croix le 18 mai au camp de M’Poko, près de l’aéroport de Bangui Sébastien Wenezaoui s’est présenté comme le nouveau coordinateur général des milices chrétiennes anti-balaka.

 

Quel rôle joue Sébastien Wenezoui ?

 

Jusqu’alors porte-parole des anti-balaka, Sébastien Wenezaoui, 34 ans, se présente comme un ingénieur « ayant tout perdu » l’année dernière, à la suite des exactions commises par la milice musulmane Séléka, alors au pouvoir à Bangui.

 

Jeudi 15 mai, au cours d’une réunion de responsables d’anti-balaka, à Zila, au PK9, sur la route de Mbaïki, Sébastien Wenezaoui affirme avoir été « élu » coordinateur général de cette milice. « J’ai été élu à la majorité par les 300 principaux chefs anti-balaka de République centrafricaine », assure-t-il.

 

Sébastien Wenezaoui succèderait donc à Édouard Patrice Ngaïssona, 42 ans, l’ancien ministre de la jeunesse et des sports de l’ancien président François Bozizé, renversé en mars 2013. Un poids lourd du mouvement. « Il fallait en finir avec ceux qui politisent et instrumentalisent les anti-balaka», déclare Sébastien Wenezaoui. Il assure que les anti-balaka, accusés de très graves exactions depuis le début de l’intervention française Sangaris, seraient décidés à redevenir « un mouvement populaire d’auto-défense ».

Une déclaration d’intention

Si l’on en croit Sébastien Wenezaoui, les anti-balaka poursuivraient désormais deux objectifs: « Le premier est la réconciliation entre chrétiens et musulmans », promet-il. Des actions seront conduites en ce sens, dit-il. Lesquelles ? « Nous allons faire une conférence de presse avec les responsables de la Séléka afin d’annoncer la fin des hostilités». Mais aucune date n’est avancée pour ce rendez-vous.

« Nous allons aller à Boda » ( une ville connue pour sa division profonde et violente entre les deux communautés, ndlr), « pour parler avec les anti-balaka afin qu’ils laissent les musulmans tranquilles», assure-t-il aussi.

Autre déclaration d’intention : « Nous allons dire aux anti-balaka du camp de M’Poko de laisser les musulmans se rendre à leur cimetière [qui se trouve à proximité du camp, ndlr] pour y enterrer leurs morts ».

Tenir ses troupes

Sébastien Wenezaoui affiche l’objectif de tenir ses troupes. « Chaque chef doit contrôler ses éléments sur le terrain », il doit veiller à « arrêter les dérapages, les exactions », déclare-t-il. « Un anti-balaka qui commettra une agression contre un musulman, on le remettra à la justice », annonce-t-il. « Nous le faisons déjà », poursuit-il. Peut-on le croire ? Interrogé sur le nombre de « fauteurs de troubles » que les anti-balaka auraient remis à la justice, Sébastien Wenezaoui cesse d’être clair, et répond à côté de la question.

Une guerre des chefs

Sébastien Wenezoui n’a aucune légitimité aux yeux d’une partie des miliciens anti-balaka. Dimanche 18 mai, Édouard Patrice Ngaïssona ne cachait pas son mépris et sa colère contre lui. « La réunion de jeudi n’a aucune valeur juridique. Avec les principaux chefs des anti-balaka, nous l’avons destitué ce matin», a déclaré ce dernier à La Croix.

Et de présenter un communiqué qui annonce cette destitution, signée par une trentaine de personnes. Pour Edouard Patrice Ngaïssona, « ce que dit Sébastien Wenezaoui n’engage que lui et non les anti-balaka. Je suis toujours le coordinateur général des anti-balaka ».

Quels sont les risques de ces divisions ?

Les principaux chefs des anti-balaka parlent tous à la presse étrangère de réconciliation, de dialogue entre les communautés et de cohésion sociale, tout en se déchirant entre eux, et sans que les violences ne cessent. Hier, pendant que les chefs des anti-balaka s’excluaient les uns les autres, un musulman ayant tenté de franchir le pont Jakson, au kilomètre 5 où sont reclus les derniers musulmans de Bangui, était lynché avant d’être décapité.

La rivalité entre chefs anti-balaka complique encore un peu plus les possibilités pour les forces présentes sur le terrain de trouver des interlocuteurs crédibles afin de tenter de stabiliser la situation en Centrafrique.

Laurent Larcher, à Bangui

 

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II. Centrafrique : Communiqué de la coalition Séléka

 

La Séléka a décidé de se réunir en Congrès extraordinaire à Ndélé pour contribuer politiquement et militairement aux efforts déployés afin d'arrêter les violences dans le pays et sortir totalement de la crise qui perdure et qui n'a fait que trop de victimes.

 

 A la fin de ce congrès, il a été décidé de mettre en place un bureau provisoire de coordination dont le communiqué a été signé par le Chef d'Etat Major le 12 mai 2014 en présence de tous les chefs militaires de l'ex-coalition Séléka. Ce communiqué portant le N° 001/2014 indique clairement que "Cette coordination qui est composée de six membres est chargée de préparer et d'organiser UNIQUEMENT l'élection des membres du futur bureau politique dans un délai d'un mois".

 

 Ainsi, la coordination n'a nullement mandat de représenter la Séléka devant aucune instance nationale ou internationale que de préparer l'assemblée générale dans un mois à Bambari.

 

 Par conséquent, nous informons l'opinion publique quelle compte rendu signé par le Coordonateur Abdoulaye Issène en date du 11 mai 2014 est purement chimérique et revêt un caractère usurpateur de pouvoir.

 

 Nous demandons à Madame la Présidente de la République, à la MISCA et au Sangaris ainsi qu'à la Communauté internationale de rester vigilants jusqu'à la prochaine assemblée de la Séléka dans un mois à Bambari.

 

 Nous tenons à informer l'opinion publique de notre attachement au respect de l'Accord de N'Djamena ayant permis la démission du Président Michel DJOTODIA et l'élection de la Présidente Cathérine SAMBA-PANZA, et de notre farouche opposition à la partition de notre cher et beau la République Centrafricaine. A cet effet, il n'y a jamais eu d'ambiguïté dans nos propos.

 

 Nous demeurons disponibles à oeuvrer pour le retour de la paix en Centrafrique dans le respect mutuel de toutes les communautés.

 

 

 Fait à Bangui, le 16 mai 2014

 

Général Mohamed Moussa DHAFFANE,

Ancien Président intérimaire de la Séléka,

Ancien Ministre d'Etat

 

 

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III. Centrafrique : le nouvel état-major de la Séléka s’établit à Bambari

 

jeudi 15 mai 2014  par L’Agence de Presse © Xinhua

 

Près d’une semaine après sa formation, samedi dernier, à l’issue de deux jours de concertations à Ndélé (650 km au Nord de Bangui), le nouvel état- major de l’ex-rébellion centrafricaine de la Séléka dirigé par le général Joseph Zindeko annonce sa présence à Bambari, autre ville du nord où il décidé de s’établir, depuis mercredi, a déclaré à Xinhua son porte-parole, le colonel Djouma Narkoyo.

 

"Tout le monde est très content. Notre arrivée a rassuré la population pour le retour de la sécurité à Bambari. La ville est calme. Il y a les activités commerciales. Pour tout dire, toutes les activités sont en place", a laissé entendre dans un entretien téléphonique avec Xinhua l’ex-dirigeant rebelle, des informations qui sont cependant difficiles à vérifier.

 

Dans cette ville distante d’environ 400 km de la capitale centrafricaine, se trouvaient déjà présents depuis des mois, selon lui, des contingents de la Mission internationale de soutien à la Centrafricaine sous conduite africaine (MISCA) représentée par un bataillon gabonais et de la force française Sangaris, mandatée par les Nations Unies pour aider au retour de la paix et de la sécurité dans le pays.

 

Avec ces forces étrangères, l’ex-alliance rebelle promet la collaboration pour relever ce défi dans un contexte de persistance des violences, aujourd’hui principalement attribuées aux milices anti-Balakas (anti-machettes) fidèles au président déchu François Bozizé. "Ce sont des amis", assure le colonel Narkoyo.

 

Contrairement à de nombreuses autres villes centrafricaines secouées par les violences, l’administration s’est redéployée à Bambari. "Il y a le préfet, le sous-préfet et les gendarmes. On va travailler aux eux. On a pris déjà contact avec le préfet", rapporte l’ancien gendarme de deuxième classe qui, depuis la prise du pouvoir du 24 mars 2013, était chargée de la coordination des activités de la gendarmerie mobile à Bangui.

 

Cible, depuis leur désarmement lancé début décembre à Bangui par l’armée française, des attaques des miliciens anti-Balakas, les ex-rebelles de la Séléka qui avaient porté au pouvoir le 24 mars 2013 leur leader Michel Djotodia, contraint cette année à la démission par les dirigeants d’Afrique centrale et la France, ont décidé de se replier dans le Nord en menaçant de provoquer une partition du pays.

 

Ils ont choisi la localité de Bambari comme base de leur commandement opérationnel. "L’état-major n’est pas encore installé. Ce sera fait dans les jours à venir", a indiqué le colonel Narkoyo.

 

Dans un autre entretien téléphonique avec Xinhua deux jours auparavant, il avait fait état de la mise en place d’une " administration autonome" dans le Nord où, à l’en croire, 8 préfectures sont aujourd’hui sous le contrôle de l’ex-coalition rebelle hétéroclite. Peut-être le début de la mise à exécution du projet de partition de la Centrafrique en deux Etats, dont un musulman au Nord et l’autre chrétien au Sud.

 

 

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IV. Centrafrique: pourquoi réorganiser la Séléka maintenant?

Par RFI le 11-05-2014 à 22:36

Pendant trois jours les cadres de la Seleka se sont réunis à Ndélé dans le nord-est de la Centrafrique. Les responsables se sont entendus sur la création d'un nouvel état-major militaire et sur un organigramme politique. Les récentes attaques ou exactions commises par des éléments incontrôlés ont poussé les cadres du mouvement à agir, mais pas seulement.

Le tollé provoqué par l'attaque de l'hôpital de Médecins sans frontières à Boguila a fait bouger les lignes. Une quinzaine de personnes, dont trois employés de MSF, y avaient perdu la vie. Mais personne au sein de la Seleka ne reconnait savoir quoi que ce soit à propos de cet épisode se bornant à parler d'éléments incontrôlés.

La Seleka a-t-elle été mise au pied du mur à ce moment-là ? En tout cas, l'accrochage très violent avec les troupes françaises une dizaine de jours plus tard, toujours à Boguila, aura pu servir d'avertissement. Même si là encore, officiellement, personne ne sait si ces hommes étaient ou non des Seleka.

La Force Sangaris a-t-elle obtenu de la Seleka qu'elle mette de l'ordre dans ses rangs ?

Quoi qu'il en soit des militaires français ont assisté aux discussions de Ndélé, tout comme d'ailleurs des représentants du gouvernement de transition. « Nous avons tout intérêt à ce que ces groupes éparpillés se réunissent », explique à RFI un acteur du processus de réconciliation.

« Désormais, le nouveau chef d'état-major sera comptable des actes de ses hommes sur le terrain », estime pour sa part un responsable Seleka. La remise en ordre de la Seleka sur le plan militaire et la création d'une entité politique embryonnaire interviennent par ailleurs alors que la présidente Catherine Samba-Panza a annoncé un remaniement de son gouvernement. Gouvernement dans lequel la Seleka se plaint d'être sous représentée.

Restructuration militaire et politique

Ces dernières semaines les exactions commises par des éléments incontrôlés de la Seleka ont été particulièrement nombreuses. L'attaque de l'hôpital de Médecins sans frontières à Boguila le 26 avril est un sujet tabou parmi les cadres du mouvement qui ont même du mal à cacher leur honte. Il fallait donc agir. La Seleka s'est choisi un nouveau chef militaire pour tenir les hommes sur le terrain. Il s'agit du général Joseph Zoundeko : « Il y a certains éléments qui se disent Seleka et qui font des exactions, qu’ils arrêtent avec leurs exactions. A partir d’aujourd’hui, nommé chef d’état-major, je vais regrouper les hommes par site, comme cela ils seront contrôlés », explique-t-il.

Le tout nouveau chef d'état-major vient de la Vakaga dans l'extrême nord-est, mais il installera ses quartiers à Bambari dans le centre du pays, plus commode pour avoir l'emprise nécessaire sur les troupes. Il pourra compter sur un état-major composé d'une vingtaine d'officiers du mouvement élus par l'ensemble des cadres présents à Ndélé

Etablir une chaîne de commandement clair, recenser et cantonner les hommes. Tous les cadres Seleka contactés par RFI se félicitent de cette initiative.

Mais à Ndélé on n'a pas oublié non plus la politique. En attendant l'assemblée générale de la Seleka dont la date n'a pas été définie et qui élira un président et un bureau de la Seleka, une coordination politique provisoire a été créée. Elle compte cinq membres avec à leur tête le coordonnateur Abdoualye Hisseine. Cette structure travaillera avec les autorités et les acteurs internationaux à Bangui.