par Nathalie Amar - le 25-07-2014
Premier ministre
centrafricain André Nzapayéké.AFP PHOTO / STR
L'accord sur la
cessation des hostilités en République centrafricaine a été conclu le mercredi
23 juillet à Brazzaville. Un accord que certains accueillent déjà avec
scepticisme. André Nzapayéké, Premier ministre de la transition en République
centrafricaine, assure au contraire que cet accord est « accord est nécessairement viable
».
RFI :
Pensez-vous que l’accord conclu à Brazzaville soit
viable ?
André Nzapayéké
: Cet accord
est nécessairement viable parce que les personnes qui l’ont signé, ce sont les
personnes les plus élevées dans les hiérarchies des différents groupes
armés.
Mais le fait
que le porte-parole du bureau politique des Seleka dénonce cet accord au moment
même où Mohamed Moussa Dhaffane le signe, cela ne vous inquiète-t-il
pas ?
Le porte-parole
des Seleka n’est que le porte-parole. La personne habilitée réellement à signer
à Brazzaville, chez les Seleka, c’est Dhaffane. Et Dhaffane est la troisième
personnalité dans la hiérarchie actuelle des Seleka. S’il a accepté de signer,
nécessairement toute la hiérarchie Seleka, et même la base, l’a autorisé à
signer.
Donc, pour
vous, Mohamed Dhaffane engage l’ensemble du mouvement, et l’accord de
Brazzaville ne risque pas d’être démenti sur le terrain...
La question du
terrain, ça c’est autre chose. Il y a aura toujours certaines personnes qui
tenteront d’avoir un avis contraire et toujours des insatisfaits. Maintenant, il
nous revient à nous tous qui avons apposé nos signatures de se serrer les coudes
pour que l’on aille dans un même sens.
Comment, après
Brazzaville, comptez-vous reprendre la main ? Aujourd’hui, à Bangui, une
partie de la classe politique a dit ses réticences à voir l’avenir du pays
décider à l’étranger. Ils avaient même parlé d’« humiliation
»...
On donne
l’impression que c’est Brazzaville qui a piloté les choses. Non, la partie
centrafricaine, le gouvernement a mis en place une équipe qui a été la seule à
avoir produit tous les documents qui ont été mis en place. C’est nous qui avons
tout fait. Il y aura toujours des réticences de certaines personnes qui ne
veulent pas de la paix, ou qui veulent la paix sous leurs conditions. Le peuple
veut la paix tout court. Et j’ai été très déçu de voir certaines personnes qui
aspirent à être des dirigeants de ce pays refuser littéralement de donner cette
possibilité au peuple de retrouver la paix en refusant d’aller à
Brazzaville.
Brazzaville,
par exemple, ne dit rien du désarmement des combattants. Or, on sait que cette
question du Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est essentielle. Que
proposez-vous ?
Nous, nous
l’avons déjà trouvé en national. Le problème DDR est déjà là. La première phase
commence déjà dans les jours qui viennent. Nous sommes en train de travailler
avec les Nations unies sur les Seleka qui sont à Bangui, dont le cas est le plus
urgent. Ils sont quasiment enfermés dans des camps. On leur a donné la priorité
et nous allons petit à petit nous attaquer, dès que la cessation des hostilités
sera effective sur le terrain, au cantonnement des différents
combattants.
Le
cantonnement, c’est une chose. Mais pour le désarmement, qu’est-ce qui sera
proposé, par exemple, à ceux qui acceptent de déposer les
armes ?
Nous éviterons,
dans la mesure du possible, de jouer le jeu du désarmement
classique : argent contre armes. Parce que là, cela risque d’être
extrêmement dangereux. Les stocks d’armes en République démocratique du Congo,
ici, au Nord, vont se retrouver sur le territoire centrafricain pour gagner de
l’argent. Nous allons donc, dans la mesure du possible, mettre en place avec les
familles beaucoup plus de programmes de développement et de réinsertion
socio-professionnelle des personnes qui vont être désarmées, pour leur donner un
avenir sûr. On va essayer aussi de relancer le secteur minier en utilisant ces
personnes.
Qui financera
cette réinsertion et quelle est l’échéance que vous vous
fixez ?
D’ici
septembre, nous allons faire une grande conférence des bailleurs de fonds pour
présenter déjà un programme de développement économique. L’idée de lancer un
plan Marshall doit être relancée avec l’accord qui vient d’être signé à
Brazzaville, sur la cessation des hostilités. Nous ferons tout pour que ça dure,
pour que les forces onusiennes qui vont arriver à partir du 15 septembre nous
aident à jeter les bases de la reconstruction du pays. Nous sommes sur le bon
chemin.
Votre priorité,
quand vous êtes arrivé à ce poste, c’était l’arrêt des exactions. On a vu début
juillet à Bambari que les violences se poursuivent. Qu’est-ce qui n’a pas
fonctionné d’après vous ?
Je ne peux pas
dire que quelque chose n’a pas fonctionné. On ne peut pas s’attendre à ce que,
dans les conditions dans lesquelles nous avons retrouvé ce pays en janvier, tout
soit comme un robinet qu’on ferme.
Le moyen de
garantir le retour à la sécurité ne serait-il pas d’accélérer aussi le dialogue
politique, un dialogue national inclusif ?
C’est ce que
nous sommes en train de faire maintenant. Ce qui s’est passé à Brazzaville,
c’est la première grande étape. Maintenant, nous allons formaliser les choses.
Nous allons déjà penser à élargir le gouvernement pour pouvoir y inclure la
plupart de la classe politique et aussi les groupes armés, bien sûr. Parce que
c’est quand même un pas de géant et une véritable concession que certains ont
fait à Brazzaville. Donc, en contrepartie, il faut aussi quelque chose. Il faut
les associer.
C’est-à-dire
qu’il y aura des postes pour la Seleka dans le prochain
gouvernement ?
En tout cas,
pour ceux qui ont participé à Brazzaville, il y aura nécessairement une place
dans la gestion de la transition.
Ce remaniement,
qui était annoncé comme imminent début mai par la présidente Catherine
Samba-Panza, est donc toujours d’actualité ? Il est pour
bientôt ?
Ce remaniement,
après Brazzaville, sera pour très bientôt. Je ne peux pas vous dire exactement
quand. Dans les prochains jours, vous aurez des nouvelles.
Vous avez
l’assurance que c’est vous qui conduirez à son terme la
transition ?
Il n’y a aucune
raison pour que ce ne soit pas moi. Personne ne m’a dit que ce ne serait pas
moi. J’étais venu pour aider la présidente dans cette activité de la transition.
Nous essayons de faire de notre mieux. Les choses avancent dans le bon sens.
Mais il n’y a que madame la présidente qui décide de tout cela. Entre elle et
moi, vraiment il n’y a pas l’ombre de quoi que ce soit.
Le couple
exécutif fonctionne bien ?
Le couple
exécutif fonctionne à merveille !