Centrafrique : Catherine Samba-Panza, dos Santos et les mallettes. La communauté internationale promet son aide mais veut des avancées.

 

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Centrafrique : la communauté internationale promet son aide mais veut des avancées

27/09/2014 à 10:29 Par AFP

 


Catherine Samba Panza, le 23 septembre 2014 à New York. © AFP

La présidente de transition centrafricaine Catherine Samba Panza est venue s'assurer vendredi à l'ONU du soutien de la communauté internationale, qui laisse percer quelques signes d'impatience face à la lenteur des progrès dans ce pays toujours déliquescent.

Élue en janvier 2014 à la tête d'un pays plongé dans le chaos et les violences, Mme Samba Panza, dont c'était la première visite à l'ONU, a d'emblée insisté sur la difficulté de sa tâche. "Je suis dans une situation compliquée sur le terrain, avec une armée absente, des forces de défense et de sécurité complètement démantelées et sans moyen pour ramener la sécurité", a-t-elle dit.

"Je suis obligée de m'en remettre aux forces internationales pour m'accompagner dans la recherche de la paix et de la stabilisation de mon pays", a ajouté la présidente centrafricaine, qui s'est engagée depuis son élection à œuvrer pour la paix, la réconciliation et la restauration de l'Etat, dans un pays sous perfusion de l'aide internationale.

La Centrafrique, ancienne colonie française riche en diamants et en uranium, à l'histoire jalonnée de coups d’État, a plongé dans un chaos sans précédent début 2013 avec l'arrivée au pouvoir d'une coalition de rebelles à majorité musulmane, qui ont pillé et placé le pays en coupe réglée jusqu'à leur départ, en janvier 2014. Mais les violences se sont poursuivies avec la constitution de milices à dominante chrétienne, qui ont massacré ou poussé à l'exode les populations musulmanes, assimilées aux rebelles. Les violences inter-communautaires ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés et réfugiés.

Une force onusienne de maintien de la paix de 7.600 hommes a commencé à se déployer le 15 septembre dans le pays. Quelque 2.000 militaires français sont également déployés en Centrafrique depuis décembre 2013 et ont permis, selon Paris, d'éviter "un génocide". 

"Encore beaucoup à faire" 

"Le peuple centrafricain a encore besoin de la communauté internationale", a lancé Mme Samba Panza lors d'une réunion de haut niveau en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Elle a cependant fait valoir des "résultats palpables" de son action: "retour progressif de la sécurité, réduction du nombre de réfugiés et déplacés, reprise timide des activités socio-économiques, redéploiement progressif de l'administration en province".

A ce plaidoyer, la communauté internationale a répondu par l'assurance de son soutien, mais également par des exhortations répétées à "aller de l'avant" et à "faire redémarrer la machine".

Les soutiens de la Centrafrique manifestent en effet une certaine frustration concernant l'absence d'avancée concrète depuis la signature d'un accord de cessation des hostilités entre toutes les parties, le 23 juillet à Brazzaville.

"Depuis Brazzaville, il ne s'est pas passé grand-chose", a déploré une source diplomatique, s'interrogeant sur "la volonté politique" de l'équipe au pouvoir. "Il est crucial d'appliquer intégralement l'accord de Brazzaville", a déclaré de son côté le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon en ouvrant la réunion, avant d'engager toutes les parties à s'entendre rapidement sur "la gouvernance et les questions d'Etat de droit".

"Pour que la paix revienne, il est indispensable que les crimes atroces qui ont été commis en Centrafrique soient punis", a-t-il aussi insisté. Médiateur dans la crise centrafricaine, et l'un des principaux bailleurs de fonds, le Congo a également énuméré des demandes pressantes: "le désarmement, la mise en place de forces armées représentatives, un processus électoral incontestable, sont autant de questions qui attendent des réponses", a déclaré le président congolais Denis Sassou-Nguesso.

Le Tchad et le Cameroun, qui accueillent sur leur sol des centaines de milliers de réfugiés centrafricains, ont aussi demandé des "actes concrets" à la présidente et à la communauté internationale pour avancer.

Quant à la France, elle a estimé, par la voix du chef de la diplomatie Laurent Fabius, qu'il y avait "de gros efforts à accomplir". "Il faut faire redémarrer la machine", a-t-il dit, concédant que "la présidente de transition fait de son mieux". Si Paris semble s'être résigné à ce que le calendrier des élections - initialement fixées à février 2015 - ne soit pas tenu, M. Fabius a cependant mis en garde: "si on repousse trop loin l'échéance, elle risque de disparaître".

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Samba-Panza, dos Santos et les mallettes

 

Jeune Afrique N° 2803 du 28 septembre au 04 octobre 2014

 

En mars, le président angolais avait octroyé un don de 10 millions de dollars à son homologue centrafricaine afin de renflouer son pays en faillite. Un quart de cette somme n'est pas entré dans les caisses de l’État. Simple oubli ?

 

Quand on préside – ne serait-ce que par intérim- aux destinées d'un pays pauvre, sinistré, instable et entièrement dépendant de l'aide financière et militaire étrangère, on se doit d'être irréprochable côté gouvernance. Cette leçon, Catherine Samba Panza devrait la méditer alors que la Centrafrique vient de passer sous quasi-tutelle onusienne et que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale s'apprêtent à examiner son cas, début octobre, à Washington. Au cœur des préoccupations des grands argentiers de la planète, qui devront décider s'il accordent ou non un ballon d'oxygène aux finances exsangues du gouvernement centrafricain : la gestion, pour le moins opaque, d'une importante somme d'argent remise en main propre à la présidente Samba-Panza par son homologue angolais.

 

L'affaire date d'il y a sept mois. Le 4 mars 2014, Catherine Samba-Panza (CSP) se rend en urgence ç Luanda. À Bangui, les caisses du Trésor sont vides et la chef de l’État, étranglée, doit absolument assurer le salaire des fonctionnaires, conformément à ses engagements. Son hôte, le président José Edouardo dos Santos, est riche, et il ne lui déplaît pas de prendre la relève du Congolais Denis Sassou Nguesso, qui, jusqu'ici, comblait seul tel Sisyphe, les déficits sans fond de la Centrafrique. Il se montre donc compréhensif et, après avoir longuement reçu CSP, s'engage sur un don de 10 millions de dollars (7,8 millions d'euros), dont la moitié lui est remise sur-le-champ, en liquide, dans des valisettes. Pourquoi en liquide ? Parce que l'Angola n'est pas membre de la zone franc, qu'un virement via Paris prendrait trop de temps et que Mme Samba Panza est très pressée.

 

De retour à Bangui le lendemain, la présidente remet elle-même les 5 millions cash à trois personnes de confiance, avec pour consigne -aucune banque commerciale de Bangui ne disposant des liquidités nécessaires- d'aller les changer contre des CFA à Douala, au Cameroun.

 

Le 6 mars, Mahamat Kamoun, Conseiller spécial à la présidence (et actuel Premier ministre), Christelle Sappot, fille et chef de cabinet de CSP, et Robert Bokoyo, directeur adjoint du trésor se rendent dans la capitale économique du Cameroun et procèdent à l'opération de change auprès d'Ecobank. Le 8 mars, un peu plus de 2 milliards de FCFA (Ecobank empochant au passage une belle commission de 6%) sont transférés sur le compte du Trésor centrafricain auprès de la Banque des États de l'Afrique Centrale(BEAC). Jusqu'ici, tout va bien -si ce n'est que le ministre centrafricain des Finances, Rémi Yakoro, est curieusement tenu à l'écart de toute la transaction. Une bonne partie des fonctionnaires recevront, ce mois-là, leur salaire.

 

Quelques semaines plus tard – fin mars, début avril-,la deuxième tranche du don angolais, soit 5 millions de dollars cash, parvient à la présidence de Bangui via un émissaire. Et c'est là que le bât blesse. Le 28 avril, à la demande de Mahamat Kamoun, le directeur général du Trésor, Gabriel Madenga, se fait remettre par Christelle Sappot, la fille de CSP, la somme de 2,5 milions de dollars qu'il transfère aussitôt sur le compte centrafricain à la Beac, via Ecobank, dont l'agence banguissoise dispose, cette fois, des liquidités ,nécessaires en francs CFA.

 

PACTOLE. À nouveau, le ministre des Finances, pourtant unique ordonnateur des finances de l'état, est mis de côté. Il ne sera informé qu'à posteriori, deux jours plus tard, par un courrier du DG du Trésor. Une anomalie et une question évidente : quid de la seconde moitié de la seconde tranche, soit l'équivalent de 1,132 milliard de F CFA, un pactole à l'échelon centrafricain ? Pressée de questions par le FMI, qui a eu vent du don, et par la présidence angolaise, qui apprécie peu cette « disparition » d'une partie du magot, Catherine Samba-Panza charge son directeur de cabinet, Joseph Mabingui, de réagir. En guise de réponse, ce dernier confectionne un tableau (reproduit ci-contre) daté du 14 juillet 2014, dans lequel il est « expliqué » que l'argent manquant a été utilisé sous forme de « fonds politiques » et réparti entre le Premier Ministre de l'époque, André Nzapayéké, ma présidente et des chapitres aux intitulés aussi vagues (« composantes de la société civile », «  actions gouvernementales »...) qu'incontrôlables.

 

BONNE FOI. Il va de soi que la procédure normale en la matière, qui veut que ces fonds de souveraineté doivent d'abord être inclus au sein du compte courant du Trésor à la Beac avant d'en ressortir n'a absolument pas été respectées. Face aux bailleurs de fonds internationaux, mais aussi à José Edouardo dos SANTOS ; qui l'a convoqué le 20 août à Luanda pour une brève séance d'explication, et Dénis SASSOU NGUESSO, qui ne cache plus l'agacement qu'elle lui inspire, la présidente par intérim a plaidé la bonne foi et (encore) l'urgence de la situation, sans lever pour autant les soupçons qui pèsent quant à l'utilisation des 2,5 millions de dollars. En visite à New York mi-septembre en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, Catherine Samba-Panza a décrit avec des mots justes et émouvants la situation catastrophique dans laquelle se trouve son pays. Elle ne parlait pas, on l'aura compris, de sa propre gestion.

 

François SOUDAN  -  Jeune Afrique N° 2803 du 28 septembre au 04 octobre 2014

 


 

COMMUNIQUE DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

 

 

Bangui, le 26 septembre 2014

 

La Présidence de la transition déplore la propagande acharnée avec laquelle des intérêts occultes cherchent à déstabiliser d’avantage, sous couvert d’allégations mensongères médiatisées, la République Centrafricaine, pays particulièrement fragilisé par une crise militaro politique profonde et confronté à un grand défi de mobilisation de ressources pour sortir la population de l’extrême vulnérabilité.

 

Le discrédit permanent, jeté sur les relations fortes d’amitié, de fraternité et de solidarité existantes entre la République de l’Angola et la République Centrafricaine, poursuit l’unique dessein de priver le peuple centrafricain, plongé dans la détresse humanitaire la plus grave de son histoire depuis décembre 2012, de toute assistance significative et durable de ses pays voisins membres de la CEEAC, qui se sentent concernés par le sort de l’Etat

 

Centrafricain et de sa population meurtrie.

 

La Présidence de la transition tient à informer l’opinion nationale et internationale que sur initiative de la Cheffe de l’Etat de la Transition, toute la lumière a été faite sur la gestion de l’assistance financière mise à la disposition de la République Centrafricaine par le gouvernement angolais avec les hautes autorités du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU à New-York.

 

Par conséquent, la Présidence de la transition demande instamment que cesse la campagne calomnieuse en cours, dont le peuple centrafricain n’a pas besoin, à un moment où des efforts sont déployés pour maintenir la République Centrafricaine en bonne place dans  l’agenda de la communauté internationale à coté des nombreuses urgences qui mobilisent l’attention des bailleurs de fonds.

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Pour la Présidence de la transition,

 

Antoinette Montaigne,

 

Porte parole de la Présidence.