Seconde
Grande Interview de Faustin ZAMETO MANDOKO, Président de l’UDECA
GLV -
Monsieur
le Président, vous venez de réaliser une grande interview sur la problématique
de la sécurisation et la paix en Centrafrique qui a suscité beaucoup de
réactions des Centrafricains et surtout de la Jeunesse au niveau du pays et de
la diaspora. Simultanément vous lancez un appel à la mobilisation générale.
Qu’attendez-vous de cet appel à la mobilisation et particulièrement de la
Jeunesse qui constitue 70% de la population centrafricaine
?
F.Z :
– La parenthèse historique de la Transition politique, qui a débuté après le
départ forcé de Michel Djotodjia Am Nondroko, s’est illustrée par un cafouillage
monstre, un cocktail d’immobilisme et d’irréalisme sans précédent des Autorités
légales de cette Transition à trouver une réponse à la situation que traverse la
République. L’objectif de l’appel à la mobilisation est double d'une part,
inviter les Centrafricaines et les Centrafricains à une prise de conscience de
cette situation chaotique, dramatique et inédite et d'autre part, demander au
peuple de prendre en main son destin et surtout à la Jeunesse de ne pas attendre
que cela vienne d’une seule personne c’est à elle et à elle seule d'imposer le
renouveau, de renverser la situation. Au jour d’aujourd’hui personne et personne
d’autre que la jeunesse ne pourra changer la donne. Cette longue marche vers le
changement, le vrai changement est en route.
GLV –
Est-ce
que votre message a impacté sur la famille politique centrafricaine dont l’UDECA
fait partie depuis que votre formation politique a vu le jour
?
F.Z –
Notre préoccupation est la situation actuelle de la République Centrafricaine
que je crois doit aussi préoccuper tous les Partis Politiques qui souhaitent un
véritable changement dans notre République. L’UDECA ne cherche pas à séduire, ni
à plaire. L’UDECA cherche à mobiliser tous les Centrafricaines et les
Centrafricains de toute opinion, de toutes confessions religieuses autour de la
question SAUVER LA REPUBLIQUE. Ceux qui estiment que notre démarche est la bonne
peuvent nous rejoindre pour SAUVER LA REPUBLIQUE : ce bien précieux que nous ont
légué nos ancêtres et les pères de l’indépendance.
LGV –
Votre
message de mobilisation à la population centrafricaine meurtrie coïncide avec la
prise de fonction officielle de la MINUSCA en Centrafrique. Est-ce qu’on peut
dire que c’est une opération coup de poker ?
F.Z –
Je vous en prie, ne minimisons surtout pas ce qui se passe en République
Centrafricaine en parlant de coup de poker. Ne sous-estimons pas non plus ce
désordre qui est voulu, qui est structuré, qui est devenu un système politique
que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis un quart de siècle dans ce
pays ont cherché à le maintenir et à l’entretenir à tous les prix, pour employer
ce terme de coup de Poker. Nous sommes meurtris face à l’incapacité de tout le
monde je dis bien de tout le monde (Partis Politique, et Autorités de
Transition) dont le silence en dit long face aux Centrafricaines et aux
Centrafricains qui ne cessent de souffrir, de pleurer, de compter leurs morts
dans un contexte ou l’État n’existe plus, ou l’Administration ne fonctionne plus
sur toute l’étendue du territoire et que même les Autorités actuelles de
Transition ont démissionné de leur mission ou alors elles l’ignorent royalement
pour ne rien faire. L’UDECA veut seulement briser ce silence et en appelle aux
Centrafricaines et aux Centrafricains à prendre conscience de leur avenir et
leur destin, l’avenir de la République dépend désormais du peuple, rien que du
peuple centrafricain.
GLV –
Monsieur le Président, nous sommes à presque 60 partis politiques en
Centrafrique pour 4 millions d’électeurs seulement. Et l’expérience a prouvé que
bon nombre de ces partis politiques centrafricains qui n’ont pas de siège et qui
ne se limitent qu’à leur famille respective sont à perpétuelle recherche des
postes au sein du gouvernement. Est-ce que l’UDECA a été créé pour chercher des
postes ou pour la conquête du pouvoir ?
F.Z –
Oui vous avez peut-être raison l’expérience à prouver que nos Partis Politiques
n’ont jamais fonctionné comme de véritables Partis Politiques d’opposition
(sources d’idées novatrices, forces de propositions alternatives, terreaux de
prospectives orientées vers la construction nationale), ils n’ont jamais pensé à
la République, ils n’ont jamais pensé à l’intérêt général. On peut le constater
au jour d’aujourd’hui où le pays connaît les pires périodes de son histoire,
personne ne lève le petit doigt pour dénoncer les viols, les tueries, les
massacres inter-communautaires à grande échelle et d’autres exactions dont les
images traduisent le degré d’animalité dans lequel est tombé la République et la
souffrance du peuple centrafricain. Face à cette situation, il devrait y avoir
un sursaut patriotique, national je veux dire. Rien de cela, tous, ne pensent
qu’aux élections bien que l’administration n’existe plus sur toute l’étendue du
territoire, les archives des états civils ont été complètement détruites par la
Séléka et les Anti-Balaka, bien que tout est en lambeaux, tous s’arque-boutent
sur leurs propres intérêts, ceux des Centrafricains ils s’en servent comme
tabouret. L’UDECA ne s’inscrit pas dans cette logique
profité-situationniste. L’UDECA veut mobiliser la Nation tout entière à
prendre son destin en main. Nous voulons inverser tout simplement l’ordre des
choses. La conquête du pouvoir doit désormais se faire avec les Centrafricaines
et les Centrafricains. C’est au peuple centrafricain que nous nous
adressons : le peuple centrafricain doit reprendre son
pouvoir.
GLV
– Le
peuple centrafricain a trop souffert de la haute trahison et de la médiocrité
notoire de l’ancienne classe politique. Si vous êtes candidat à la future
présidentielle et que vous avez la chance d’aller au deuxième tour. Êtes-vous
prêt pour l’alliance avec les jeunes partis politiques qui poussent à quelques
mois des élections comme des champignons ?
F.Z
- Je vous en prie, ne parlons pas des élections dans ce pays meurtri. Dans
ce pays ou la Séléka et les Anti-Balaka ont tout détruit, détruit ce qui
pourrait être un embryon de l’État. L’UDECA se demande comment organiser des
élections libres dans un tel contexte ou l’Administration ne fonctionne plus ou
les services des états civils n’existent plus, par ce que détruits par la Séléka
et les Anti-Balaka. Vous devriez vous en rendre compte avant de poser la
question des élections, bref. L’objectif de
l’UDECA est de remettre en marche les rouages du fonctionnement de l’État sur
toute l’étendue du territoire, faire renaître la République avant de penser aux
élections. L’UDECA ne cherche pas le pouvoir pour le
pouvoir. L’UDECA cherche à instaurer un nouveau paysage socio-politique en
Centrafrique, une politique de proximité, une politique proche des
Centrafricaines et des Centrafricains, une politique qui désormais partira des
villages. L’UDECA souhaite créer avec les Centrafricaines et
Centrafricains un espace démocratique moderne par la mise en place des
collectivités locales pour la défense des libertés individuelles et la
réconciliation du peuple centrafricain avec le politique.
GLV –
Monsieur
le Président, si on fait une comparaison des actions menées par l’ONU à Kosovo
quand elle avait déployé 50 000 hommes alors que plus petit en superficie
que la RCA qui fait 623 000 km². L’effectif des éléments de l’ONU avoisine
seulement 12 000 hommes en Centrafrique. Qu’en dites-vous ? N’y a-t-il pas
injustice ?
F.Z –
Non, il n'y a pas injustice. C'est une question de lecture des différentes
résolutions des Nations Unis. Le Kosovo a bénéficié du droit d’ingérence. La
communauté internationale ne souhaitant pas la répétition de l’histoire je veux
dire le déclenchement de la première guerre mondiale survenue après l’attentat
de Sarajevo bien que les causes de cette guerre étaient plus profondes liées
plutôt à une crise économique, elle a opté pour le droit d’ingérence pour
stopper cette crise, ce qui a nécessité de gros moyens pour le Kosovo. En
République Centrafricaine, les forces onusiennes viennent en appui pour
accompagner les Autorités légales de la Transition à créer les conditions d’une
normalisation. A partir de là, c'est aux Autorités de Transition de prouver
qu’elles sont capables de faire le maximum pour faciliter la tâche aux forces
onusiennes, et non pas le contraire. Cette situation est à mon avis, une chance
extraordinaire que les Autorités de cette Transition doivent saisir pour prouver
leur bonne volonté d’aller vers la PAIX.
GLV –
Les éléments des
Forces Armées Centrafricaines (FACA) sont dotés de brouettes, pelles et autres
outils des travaux de génie civil à la place des armes qu’il leur faut pour la
reconstruction de notre armée ? Ce n’est pas de l’humiliation ?
Comment voyez-vous cette nouvelle
formule ?
F.Z –
C’est une très bonne initiative pour encourager la paix et montrer à ceux qui
ont des armes que la bonne solution c’est de reconstruire le pays avec ce que
nous avons comme moyen. La Séléka et les Anti-Balaka devraient en faire autant
pour reconstruire ce qu’ils ont détruit comme les centres administratifs,
écoles, dispensaires, hôpitaux, etc., et là aussi, faire montre de leur bonne
volonté d’aller vers la Paix. Nous n’avons pas besoin des armes, ce que la
République a besoin c’est la Paix. C’est davantage de moyens pour la
reconstruction nationale.
GLV –
C’est
étonnant pour un pays comme le nôtre voisin au République Démocratique du Congo
(RDC), la Présidente n’a pas fait allusion à la fièvre hémorragique Ebola qui
continue de décimer les populations en Afrique de l’Ouest et au Congo
démocratique. Catherine Samba-Panza a ignoré cette préoccupation de l’heure qui
est mondiale. Elle n’est pas à jour avec l’actualité ou bien la République
Centrafrique a déjà trouvé sa propre solution à elle pour la lutte contre Ebola
?
F.Z -
Je vous le dis le plus simplement possible : Mme Catherine Samba-Panza
n’aime pas la République. Elle n’aime pas les Centrafricaines et les
Centrafricains qui souffrent, qui pleurent, qui n’arrêtent pas de compter leurs
morts. Une mère qui n’aime pas ses propres enfants les jette dans une fosse
septique. EBOLA va lui faciliter le travail, voilà pourquoi elle ne s’en
préoccupera jamais.
GLV –
la
Présidente de la Transition a aussi ignoré le rôle qu’ont joué les hautes
personnalités des confessions religieuses, tels que le Mgr Dieudonné
Nzapalainga, l’Imam Oumar Kobine Layama et le Pasteur Nicolas
Guerekoyame-Gbangou, pour ne pas dire qu’elle a trop personnalisé son séjour
onusien en l’écoutant prononcer son discours ?
F.Z –
Elle a évoqué les efforts des confessions religieuses, mais pas avec assez de
force, mais plutôt avec mépris, c’est comme si elle était obligée de le faire
c’est ce qu’on peut dire. Il suffit de lire toutes les interventions faites par
Mme Catherine Samba-Panza et de se rendre compte, à quel point elle n’aime pas
la République, à quel point elle méprise ce pays qui lui a tout donné, à quel
point elle tourne le dos au peuple Centrafricain.
GLV –
En
votre qualité de Président d’un parti politique, êtes-vous satisfait des textes
du nouveau Code électoral adopté à Bangui, le 13 novembre 2013
?
F.Z –
La question n’est pas d’être satisfait ou non. Si c’était le cas, la République
Centrafricaine ne serait pas dans cette situation. Il faut tout revoir dans ce
pays. Je dis bien tout refaire. Il nous faudra repenser une autre manière de
notre vivre ensemble avec les Centrafricaines et les Centrafricains. La
question du code électoral ne constitue nullement la priorité des
priorités. Elle se fera que lorsque la situation en Centrafrique redeviendra
normale. L'urgence reste l'objectif fondamental de l'UDECA à savoir la réussite
de la Transition avec comme corollaire la restauration de l’État sur l'ensemble
du territoire national.
GLV –
Monsieur
le Président, je vous remercie !
F.Z –
L’UDECA vous remercie.
Fait à
Douala (Cameroun) le 05 octobre 2014
Propos
recueilli par Pierre INZA, Directeur de publication du Journal Globe le
Visionnaire.