MEMORANDUM FINI KODE POUR LA RECONCILIATION NATIONALE ET LE VIVRE ENSEMBLE

 

Le 24 mars 2013, la coalition séléka qui est composé en majorité de rebelles tchadiens et soudanais parmi lesquels quelques centrafricains égarés se sont accaparés par coup d’état les rênes du pouvoir de l’Etat en mettant fin, après dix années de règne au régime moribond des ex-rebelles « libérateurs ». Rapidement, les nobles et légitimes revendications citoyennes affichées au départ par les nouveaux maîtres de Bangui ont pris une tournure  tragi-dramatique. Aux soubassements d’une stratégie planifiée font échos les rumeurs grandissantes d’un discours sous-jacent, dogmatique au relent islamiste qui prône la partition  du pays est véhiculé. Désormais, ce sont des actes de barbarie qui sont perpétrés à l’encontre de la majorité de la population de confession non musulmane sur l’ensemble du territoire national, lesquels actes ont suscité incompréhension, émois et traumatismes. Ils ont fait l’objet de condamnations de la part aussi bien de la communauté internationale que des organisations non gouvernementales en leur temps.

 

Face à l’incapacité des dirigeants de la coalition  séléka de mettre un terme aux exactions de sa frange radicale sur la population civile non musulmane livrée à elle-même, le groupe des antibalakas dont les origines remontent à la lutte contre les zaraguinas «  coupeurs de route ou bandits de grands chemins » a pris avec courage ses responsabilités pour se réorganiser et s’ériger en défenseur de la veuve et de l’orphelin. Plus-tard, une partie de ces valeureux patriotes a dérapé elle-même pour s’en prendre aveuglément à tous nos concitoyens de confessions musulmanes, reproduisant  dans l’autre sens les dérapages des radicaux de la coalition séléka lorsqu’elle était au pouvoir contre les non musulmans. Un acte gratuit aussi répréhensible que le premier.

 

Ce face à face entre le défunt régime des rebelles libérateurs, légitimité par des élections générales controversées de 2011 et les rebelles de la coalition séléka a produit la plus grave crise politique jamais vécue dans l’histoire de notre jeune pays dont les seules victimes restent la majorité silencieuse. Ceux qui ont opté pour l’accession au pouvoir de l’Etat par les armes ont pris en otage notre population en multipliant impunément sur celle-ci des exactions de tout ordre tantôt au nom de la liberté, tantôt au nom de la religion. Ainsi, des crimes de sang et des crimes économiques qui resteront imprescriptibles dans la mémoire collective ont été commis. Seule une véritable justice au nom du peuple  souverain de Centrafrique pourra les absoudre afin que le processus de réconciliation soit amorcé efficacement et qu’il ait enfin… un sens.

 

 

Les mêmes partis politiques, les mêmes acteurs politiques qui ont échoué avec des méthodes rétrogrades depuis l’accession de notre pays à l’indépendance et qui sont à l’origine de la descente en enfer de celui-ci continuent d’entretenir, de perpétuer leur manœuvre de destruction nationale. Incompétents et corruptibles à volonté, ces irresponsables sont solidaires, redevables les uns envers les autres. Eux, qui ont fini par se compromettre à jamais pour des raisons inavouées en vendant leurs âmes impures de collaborateurs, en se mettant définitivement au service de l’étranger contre leur patrie respective  sont devenus de facto les traitres de la nation. Ils s’allient, se séparent pour se rallier à nouveau,  se cooptent dans un réflexe de survie entres eux pour faire perdurer vitam aeternam la souffrance, l’agonie du bon peuple de Centrafrique, lequel est victime de sa générosité, de sa naïve et légendaire hospitalité.

 

Ni les caduques accords de Libreville, ni les virtuels et grotesques accords de Ndjamena ou encore la déclaration forcée de Brazzaville n’ont ramené une once de résolutions de paix. Ils sont à l’image de ce que peut produire notre misérable et obligée classe politique déclassée. Contre la volonté de nos concitoyens, malgré la volonté résolument affichée de la communauté internationale pour trouver une solution idoine à la situation combien chaotique qui prévaut dans notre pays, fidèle au fonctionnement des m’gbèrès kodé, la cheffe de l’Etat de la transition a décidé toute seule, sans tenir compte du consensus réclamé par les différentes entités politiques du pays et de la société civile  pour imposer un premier ministre de son choix. L’espérance tant suscitée naguère par son élection a viré à la grande désillusion. Le caractère péremptoire, unilatéral, inopportun et injustifiable de cette décision au regard de la situation exceptionnelle qui prévaut vient fragiliser davantage le processus de transition.

 

Le Mouvement Citoyen Fini Kodé rappelle que les prérogatives d’un chef d’Etat de la transition dont la légitimité est tiré de la controverse et des intrigues des conseillers nationaux, ce, à un moment particulier de notre pays ne sauraient êtres les mêmes que celles d’un président de la république qui est élu au suffrage universel direct en temps de paix. Aussi, le Mouvement Citoyen Fini Kodé exprime son profond regret et condamne cette décision qui constitue une faute hautement politique et diplomatiquement préjudiciable, laquelle est de nature à diviser les centrafricains et à isoler de plus en plus notre pays.

 

Aussi, le Forum inclusif ou le dialogue inclusif tel qu’il est annoncé n’est pas approprié à la situation exceptionnelle qui prévaut dans notre pays car il revêt un caractère général, minimaliste, vague et commun. Il s’inscrit dans la logique de la bonne gouvernance, de  la normalité des choses qui perpétue des valeurs démocratiques et républicaines en période plutôt ordinaire, or, la situation est d’une gravité incomparable qui nécessite célébration, solennité et réparation pour en graver les moments forts dans le socle de la nation. Les futurs gouvernants auront tout le loisir d’organiser des forums et des dialogues à leur guise. Il ne fait pas de doute car c’est un outil de gouvernement qui doit être utilisé en permanence et à bon escient pour entretenir la cohésion nationale, débattre et faire participer les citoyens. Dès lors, il ne correspond plus à ce jour aux attentes des centrafricains. En lieu et place du forum inclusif pour la réconciliation nationale qui est préconisé par le gouvernement de la transition, le Mouvement Citoyen Fini Kodé propose l’organisation des Assises Nationales Souveraines pour la réconciliation et le vivre ensemble qui seraient assorties obligatoirement de la mise en place d’un tribunal transitionnel ad-hoc. Voilà, ce à quoi nos concitoyens aspirent. 

 

Si les centrafricains ont besoin plus que jamais de se parler, il n’en demeure pas moins qu’il faudra absolument tenir compte des erreurs du passé en matière d’organisation de dialogue, du processus de suivi et de l’application des recommandations. Les différents dialogues qui étaient organisés par les régimes successifs avec la collaboration de multiples missions onusiennes ont souvent ignoré l’aspect structurel lié à la prédation comme mécanisme d’accession et de conservation du pouvoir de l’Etat. Ces omissions ont conduit à l’échec de toutes ces tentatives de règlement de ces crises à répétition. La classe politique centrafricaine a été toujours dans son ensemble aux antipodes des préoccupations de la population, elle n’est intéressée que par l’exercice jouissif, clientéliste et clanique du pouvoir comme une fin en soi.

 

Ce sont-là des pratiques surannées, indignes et dangereusement aliénantes contre lesquelles, le Mouvement Citoyen Fini kodé, à côté de la société civile, de la majorité silencieuse se doit de prendre ses responsabilités et combattre vaille que vaille. Ensembles, nous devrons éviter de nous en remettre à la seule volonté , aux diktats de ceux qui ont été nos bourreaux et qui ont pour seule ambition de participer aux prochaines échéances électorales précipitées dont le seul mérite serait de remettre en selle toute cette vieille et transhumante classe politique et autres militaro politiques qui ont participé au désastre actuel mais également de redonner une bonne conscience à nos amis de la communauté internationale. C’est pourquoi, le Mouvement Citoyen Fini Kodé, la majorité silencieuse, les mouvements et associations de la société civile centrafricaine doivent désormais êtres au centre des prochaines assises nationales souveraines.

 

Par ailleurs, les forces des nations unies dont on annonce le déploiement pour la mi-septembre doit nécessairement et pour être à la hauteur des enjeux s’appuyer sur un gouvernement fort et courageux à équidistance des acteurs politiques et militaires qui sont plus que jamais compromis. La nécessité de ressusciter un Etat centrafricain comme acteur privilégié, qui, devra poser des actes effectifs et audacieux aux yeux de la population est primordiale.

 

Au regard de ces éléments objectifs, le Mouvement Citoyen Fini Kodé réclame :

 

Des mesures urgentes pour une transition réussie, synonyme d’une véritable réconciliation.

 

La restauration  des Forces Armées Centrafricaines  pour une armée républicaine qui s’appuie dans le cadre de sa refondation et de son renforcement sur ses éléments actuels qui sont encore aptes et apolitiques, 

 

L’organisation sans délai des Assises Nationales Souveraines inclusives pour la réconciliation nationale et le vivre ensemble avec un rôle majeur et déterminant des sans-voix cette majorité silencieuse, des représentants de la société civile, des associations, de la diaspora,

 

L’instauration d’un Tribunal transitionnel ad-hoc justice et réconciliation pour juger les crimes de sang et les crimes économiques,

 

La création d’un organe d’assistance et d’indemnisation des victimes.

 

 II° La redéfinition d’un nouveau cadre de gouvernance à  l’issue des Assises Nationales Souveraines.

 

En préambule, les Assises nationales souveraines doivent se tenir sur le territoire centrafricain et doivent êtres assorties des mesures suivantes :

 

La redéfinition d’un nouveau cadre de gouvernance pour la transition,

 

La mise en place d’un comité de salut public (20 personnalités). Non participation des principaux acteurs politiques et militaires qui sont incriminés  dans la crise,

 

La mise en place d’un Conseil Exécutif (5 personnalités issues du comité de salut public). Prise de décision collégiale à la majorité relative,

 

Inscription dans la future constitution du principe de « dialogue permanent » entre gouvernants et gouvernés,

 

Et enfin, lorsque la sécurité sera rétablie sur l’ensemble du territoire national, les réfugiés internes et externes auront regagné leurs domiciles et villages respectifs que l’organisation des élections générales sans la participation bien entendu des acteurs politiques et militaires incriminés dans le conflit aura un sens. Alors ! Les résultats qui sortiront des urnes bénéficieront d’une aura de légitimité incontestable, condition sine qua non pour réconcilier les centrafricains et les inviter à vivre ensemble.

 

 

 

Fait à Bangui,                                                                                        Pour le Bureau Exécutif

Le 14/09/2014                                                                                            Franck SARAGBA