Centrafrique : Chroniques douces-amères – 10

                            « Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »

                                                             (Beaumarchais)

 

 

Le général Martin Chomu Tumenta à la tête des Casques bleus.

 

Alors que l’opération Sangaris a changé de patron en juin dernier pour s’adapter aux évolutions tactiques sur le terrain, le secrétariat général de l’Onu a choisi de désigner le général camerounais Martin Chomu Tumenta, comme futur commandant en chef de la Minusca (mission des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique).

Le maintien du général Tumenta sur place et sa promotion à la tête des Casques bleus est une mauvaise idée.

On ne peut pas dire en effet que sous son commandement la Misca, dont il est l’actuel chef d’état-major, se soit montrée très combative et dissuasive vis-à-vis des ennemis de la paix ; le général préférant ostensiblement les assemblées générales des rebelles de l’ex-séléka ou les conciliabules avec les « coordinateurs » des milices anti-balaka.

 

Attention, danger : un nouveau Rwanda en Centrafrique ferait très grand désordre !

 

Catherine Samba-Panza en Dame de fer.

 

Dans une adresse à la Nation prononcée mercredi dernier 30 juillet à Bangui, au retour du Forum de Brazzaville qui a vu la signature d’un accord de cessation des hostilités entre ex-séléka et anti-balaka, le Chef de l’Etat de la transition a pris des accents guerriers :

« Il ne sera plus possible de tolérer les entorses aux efforts de la paix pour des intérêts égoïstes. Les responsabilités individuelles et collectives seront établies et traitées comme telles ».

 

Après des mois d’atermoiements et de jérémiades, Madame la Présidente de la transition se la joue Margaret Thatcher. On en tremble encore !

 

L’écho de Brazzaville n’est pas arrivé jusqu’à Bambari.

 

Comme en écho au discours du Chef de l’Etat de la transition, le « chef d’état-major » de l’ex-alliance dissoute séléka a répondu par un péremptoire : « Circulez, il n’y a rien à voir » !

Selon le « général » Joseph Zoundéko, « l’état-major de la séléka ne se reconnait pas dans l’accord » de cessation des hostilités signé à Brazzaville. A l’entendre, « personne n’a été mandaté pour apposer sa signature au bas de l’accord de cessation des hostilités au nom de la séléka ».

Il faudrait que quelqu’un se dévoue et explique au sieur Joseph Zoundéko que la séléka est dissoute depuis septembre 2013 et, depuis l’assemblée générale de N’Délé, remplacée par le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique.

 

Dans l’intervalle, on attend avec impatience la réaction de la Dame de fer de Bangui !

 

Alexandre-Ferdinand N’Guendet n’a rien compris au film.

 

Le président du Conseil national de la transition s’est rendu à Bambari, ville dont il est originaire et où il fut naguère le député, pour rendre visites aux déplacés internes de cette localité. A l’issue de sa visite, le président du CNT a remis une enveloppe de trois millions de francs CFA aux 500 ménages présents sur ces sites.

Alexandre-Ferdinand N’Guendet n’a rien compris à la tragédie centrafricaine : ce sont ces pratiques d’enveloppes et d’achat des consciences, dont ont abusé les politiciens centrafricains, qui ont coulé le pays.

 

Les déplacés et réfugiés ont besoin d’une politique nationale de solidarité, pas de pourboires ou de pots de vin distribués au compte-goutte pour s’attacher une reconnaissance.

 

Un processus de paix toujours brinquebalant.

 

Malgré la signature du cessez-le-feu le 23 juillet dernier à Brazzaville, la ville de Batangafo, au nord-ouest du Centrafrique, a été le théâtre d’affrontements meurtriers entre rebelles et milices. Alors que le « colonel » ex-séléka Narkoyo, ancien gendarme de deuxième classe, accuse les miliciens anti-balaka comme auteurs de cette agression, ces derniers rejettent la responsabilité de l’incident sur un ancien milicien exfiltré, un nommé Engoulou, « une brebis galeuse ». Ce serait dans le caractère de l’homme : « dès qu’il est saoûl, il est comme ça » !

Mais Batangafo est sur la ligne de fracture entre le nord-ouest et le nord-est du pays. Elle court de Batangafo à   Sibut, au sud, en passant par Bouca.

 

Il s’agit donc d’une stratégie bien pensée de la partition et de la délimitation des frontières intérieures de la RCA. On n’a donc pas fini d’entendre parler des brigands du genre d’Engoulou.

 

Dissolution ou démobilisation ?

 

Si l’on en croit l’Union africaine, les « coordonnateurs » des milices anti-balaka auraient lancé un appel à la dissolution de leur nébuleuse. Après Patrice Edouard  N’Guaïssona, Sébastien Wénézoui et Brice Emotion Namsio, un quatrième larron s’est fait connaître ; il s’agit d’un nommé Gilbert Kamezoulaï, qui se déclare capitaine dans les forces armées centrafricaines.

Après avoir invité les « frères d’armes FACA-anti-balaka » à déposer les armes et à regagner les casernes sans exception » puis, après avoir demandé pardon au peuple centrafricain pour les abus dont il a fait l’objet de la part des anti-balaka véreux », le capitaine Kamezoulaï n’exprime aucun doute : « je me mets à la disposition du haut commandement de mon pays pour le servir ».

 

En bon militaire, le capitaine Kamezoulaï devrait pourtant le savoir : tout déserteur devant l’ennemi a sa place devant une Cour martiale.

 

Restitution du Forum de Brazzaville devant le Conseil national de transition.

 

Le président du Conseil national de la transition a convoqué une session extraordinaire d’une semaine pour débattre des conclusions du Forum de Brazzaville.

Pour Alexandre-Ferdinand N’Guendet, l’objectif de cette session est claire ; faire de tous les Conseillers nationaux les « porte-drapeaux d’une force de paix et de réconciliation dans tous les quartiers, villages et provinces pour qu’enfin le peuple centrafricain se réconcilie avec lui-même ».

Pour se faire, il envisage la modification de l’article 50 de la Charte nationale de la transition afin d’élargir le CNT aux représentants des milices et autres rébellions.

 

Une question reste en suspens : va-t-on conférer l’immunité parlementaire aux assassins et aux auteurs de crimes contre l’humanité ?

 

Les petites manœuvres politiques ont commencé.

 

On aurait pu s’attendre à un délai de décence après la signature de l’accord de Brazzaville sur la cessation des hostilités entre rebelles et milices. Sans attendre que l’encre noire de Brazzaville ne sèche, certains se sont lancés dans les manœuvres de basse politique. Accusant le médiateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou Nguesso, d’avoir enfanté une souris, ces ingrats philosophent désormais sur les probables successeurs de la présidente de la transition en Centrafrique.

Au jeu des forces et faiblesses des uns et des autres, ils dressent déjà le profil des prétendants au trône : Georges Anicet Doléguélé, Gaston Mandata N’Guérékata, Jean Willibyro Sako et Martin Ziguélé.

Mais la bande des quatre ci-dessus aurait tort de pavoiser aux augures des faux prophètes ; chacun devrait préférer la vérité populaire révélée par l’apôtre Saint Matthieu : « quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave ».

 

On voit mal ces quatre escobars jouer les serviteurs du peuple.

 

On les disait intelligents, intègres, compétents et modérés.

 

Les oracles ne manquent pas de prêtres pour l’invocation des dieux capables de sortir la RCA des ténèbres.

Le dernier oracle en date concerne l’ancien ministre d’Etat à la Communication, à la réconciliation nationale, à la culture démocratique et à la promotion des droits de l’Homme (je n’invente rien), Abdou Karim Meckassoua !

Ses propagandistes ne cessent de lui tresser des louanges laudateurs. C’est le nouveau César, « qui s’est imposé dans le paysage politique centrafricain grâce à ses références et son carnet d’adresses qui dépasse toutes les frontières » ! Ils le disent « intellectuel, homme intègre, compétent et musulman modéré ».

 

En ce temps-là, ils étaient tous intellectuels, intègres, compétents et modérés, et pourtant la Centrafrique est par terre. Cherchez l’erreur !

 

Un fauteuil pour deux … à la Primature.

 

Annoncé depuis trois mois déjà, le remaniement gouvernemental tarde à se concrétiser, et ce n’est pas faute de candidats.

Après la cabale sur le départ du premier-ministre actuel et son remplacement par un musulman modéré, une nouvelle architecture est désormais envisagée, avec la création de deux postes de vice-premier-ministres auprès d’André Nzapayéké : Eric Massi pour les rebelles de l’ex-séléka et Patrice Edouard N’Guaïssona pour les milices anti-balaka.

Le reste du gouvernement serait constitué sur les critères « objectifs » : la technocratie, la région, la compétence. Pour la technostructure et les compétences, on a déjà donné, avec les résultats que l’on sait.

 

Pour le recrutement régional des promus, faisons confiance à la présidente de la transition et croisons les doigts !

 

 

Le soixante-dixième élément.

 

Le paysage politique centrafricain « s’enrichit » d’un nouveau mouvement, le parti de l’unité et de la reconstruction (PUR). L’annonce de cette naissance a été faite par le président fondateur, Eddy Symphorien Kparékouti, ingénieur en génie civil diplômé de l’université de Khartoum, marié et père de trois enfants ?

Le PUR « a été créé pour participer à l’émergence d’une nouvelle société centrafricaine démocratique, décentralisée, solidaire, respectueuse des droits de l’Homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes vivant en harmonie avec tous les peuples ». Ouf !

 

Nos vœux accompagnent ce nouvel avatar !

 

 

Paris, le 05 août 2014

 

Prosper INDO