Centrafrique : Chroniques douces-amères – 11

  « Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »

                 (Beaumarchais)

 

 

La RCA fête son 54ème anniversaire.

 

Ce mercredi 13 août 2014, la République centrafricaine fêtera le 54ème anniversaire de son accession à l’indépendance. Cependant cette date n’est pas la celle de la fête nationale du pays.

La Fête nationale de la RCA est fixée officiellement le 1er décembre de chaque année, en souvenir de la proclamation de la République de l’Oubangui-Chari dans le cadre de la communauté française, à l’issue du référendum de 1958. Il faut en convenir, les choix symboliques ont des fois une forte résonnance. Il faut donc voir dans le choix du 1er décembre la propension du pays à l’assistanat et à la dépendance-association à la France.

 Les paradigmes nouveaux qui doivent désormais gouverner le devenir de la RCA devront retenir le 13 août de chaque année comme la date officielle de la Fête nationale centrafricaine. On tournera ainsi définitivement la page du passé.

 

Défilés, banderoles et autres slogans.

 

Après avoir fait silence depuis le 11 janvier 2013, les partis politiques centrafricains commencent à donner de la voix, par manifestations interposées.

Le mercredi 6 août 2014, une manifestation de l’Association des femmes centrafricaines battait le pavé pour s’opposer à l’entrée supposée des représentants des rebelles ex-Séléka et milices anti-Balaka dans le gouvernement.

Le lendemain jeudi, une fois acquise la démission forcée du premier-ministre André Nzapayéké, une autre manifestation se transportait devant le siège du Conseil national de la Transition pour protester contre les influences extérieures. Aux cris de « Pensez aux victimes », la centaine de personnes présentes devant le CNT rejetait par avance tout remaniement gouvernemental fondé sur des critères d’appartenance confessionnelle.

 

A l’évidence, les uns et les autres n’ont pas été entendus ; le Palais de la Renaissance n’a pas d’oreilles !

 

A Batangafo, désarmement et cantonnement comme seule alternative.

 

Après les violents accrochages qui ont eu lieu à Batangafo dans la semaine du 4 au 9 août, des discussions ont eu lieu entre le commandant de la Misca et le responsable local de l’ex-rébellion, un certain « colonel » Yaya.

A l’issue de cette rencontre, les membres de l’opération Sangaris se sont retirés de quelques kilomètres du centre-ville, afin de permettre aux éléments de l’ex-coalition Séléka de s’organiser en prévision de leur désarmement et cantonnement.

 

Il faut en effet les persuader qu’il n’y a pas d’autre alternative, sauf se rendre ou disparaître.

 

L’échec d’André Nzapayéké.

 

Ce n’est pas tant la transition que le premier-ministre André Nzapayéké qui a échoué. Parmi les raisons de cet échec, nous en retiendrons trois :

-         la personnalité du premier-ministre a d’emblée posée problème : hâbleur, fanfaron et maladroit, il a suscité autant les quolibets que les irritations ; il s’est ainsi montré ingrat vis-à-vis du Médiateur de la crise, le président congolais Sassou Nguesso, en prétextant que tout Brazzaville était concocté depuis Bangui par ses services ;

-         ses propres initiatives se sont souvent révélées inefficaces, pour ne pas dire puériles ; l’épisode du « désarmement volontaire » de la ville de Bangui participe de ce manque de crédibilité ;

-         enfin, la feuille de route de son gouvernement n’a été présentée devant le CNT qu’au mois de mai 2014, soit quelques jours seulement avant les 100 premiers jours de Catherine Samba-Panza à la tête de l’Etat.

 

Ainsi, à la primature, André Nzapayéké s’est comporté en madragueur : il est allé à la pêche aux sardines avec un filet de pêche aux thons !

 

L’ex-Séléka joue à qui gagne perd…

 

Auréolée par les Accords de Brazzaville, l’ex-alliance rebelle Séléka aurait pu tirer profit de la cessation des hostilités pour se refaire une virginité politique aux yeux des Centrafricains, peut-être, mais devant la communauté internationale, assurément.

C’est mal connaître la logique interne des minorités activistes ou terroristes : par l’intermédiaire de son « chef d’état-major » installé à Bambari, la frange militaire du mouvement a renié les dit accords de Brazzaville.

Puis ce fut au tour du 1er vice-président du front populaire de renaissance de Centrafrique, le « général » Nourredine Adam, de suspendre le « général Moussa Dhaffane, le 2ème vice-président de l’aile politique et signataire desdits accords.

 

La logique séparatiste est donc en marche ; rien ne peut désormais l’enrayer, sauf la guerre totale et la défaite militaire des ex-Séléka.

 

Les Pieds-Nickelés de l’ex-rébellion commencent à nous fatiguer.

 

Dans un communiqué daté du 6 août 2014 à Kaga-Bandoro, et signé d’un susdit « général » Bachar Fadoul (apparemment ils sont tous généraux), chargé de mission de l’état-major de l’ex-coalition Séléka, on apprend que le dit mouvement ne soutiendra pas un premier-ministre qui ne serait pas issu de ses rangs, en vertu de l’accord de N’Djaména.

Ces pisse-froid nous fatiguent :

-         l’accord de N’Djaména n’a pas d’existence juridique légale ;

-         la coalition Séléka est dissoute par le président Michel Djotodia depuis septembre 2013 et toute personne se réclamant d’une organisation dissoute est passible de poursuite judiciaire ;

-         le « général » Bachar Fadoul n’est pas inscrit au registre des officiers supérieurs des forces armées centrafricaines, l’usurpation d’un grade ou d’un titre quelconque est un délit.

-         dans une armée régulière, un sous-fifre ne signe pas de communiqué officiel, fut-il chargé de mission, si ce n’est sur ordre !

 

On ne joue plus, c’est du sérieux.

 

A Batangafo, les militaires français de l’opération Sangaris, pris à partie par les éléments armés de l’ex-rébellion Séléka installés dans la localité, ont dû sortir les grands moyens. Le bilan des affrontements fait état d’une soixante de morts du côté de l’ex-rébellion et deux blessés, côté français.

En attendant l’arrivée des Casques bleus de l’Onu, il semble que la logique de l’affrontement l’emporte sur la résolution des mesures de confiance. Les responsables politiques et militaires de l’ex-coalition auraient tort de jouer les fauteurs de guerre jusqu’au-boutistes.

 

La communauté internationale ne semble plus disposée à l’atermoiement alors que le peuple centrafricain court un grave danger humanitaire.

 

Le docteur Hamat Mal-Mal Essène soigne le mal par le mal.

 

Le docteur Hamat Mal-Mal Essène, enseignant-chercheur de son état, propose de tirer profit de la présence future de la mission de maintien de la paix de l’Onu en RCA, à partir du 15 septembre prochain,  pour procéder « officiellement » à la partition de la RCA. Autant mettre un cautère sur une jambe de bois (Barthélémy Boganda).

A l’appui de sa démarche, notre tête chercheuse invoque « l’intégrisme religieux avec ses corollaires et le refus de la gouvernance musulmane (qui) compromettent ainsi la laïcité du pays consignée dans la Charte constitutionnelle ». Il fonde sa démonstration sur la carte des diocèses catholiques du pays !

L’analyse du docteur Hamat est frappée de partialité et de subjectivité : Michel Djotodia n’a pas été contraint à la démission parce qu’il était musulman, mais parce que sous sa responsabilité, les éléments de l’ex-Séléka se sont comportés de manière iniques : vols, viols, arrestations arbitraires, enlèvements, assassinats, meurtres en série, et autres crimes contre l’humanité.

Quant à la partition, je dis « Chiche » ! Appelons au vote du peuple centrafricain. Je ne connais aucun musulman centrafricain qui voterait pour l’ex-Séléka, sauf peut-être le docteur Hamat Mal-Mal Essène qui, tout musulman qu’il soit, est fonctionnaire de l’Etat centrafricain et jouit du statut de chef du département Elevage de l’ISDR à l’université de Bangui. Sa foi n’a pas fait obstacle ni à son recrutement ni à sa promotion.

 

A vouloir mentir sous le manteau de la science, on s’expose à l’apostasie !

 

Regain de violences à Bangui ? Une question de butin !

 

Comme à l’habitude, le partage du butin est toujours cause de conflits et de règlements de compte chez les truands, malfrats et autres mercenaires. Les milices anti-balaka n’échappent pas à la règle. En effet, le regain de tensions et de violences constaté ce week-end dans le quatrième arrondissement de Bangui, ponctué par des coups de feu  et de détonations d’armes lourdes, serait provoqué par une altercation entre deux bandes rivales, au sujet du partage de l’argent que le « général »Andiyo doit avoir après le Forum de Brazzaville », pour le compte d’un certain Andiro.

On voit ainsi où se loge le patriotisme des anti-Balaka.

 

L’ACTED applique à la lettre la théorie du professeur Keynes.

 

« Employer du monde à creuser des trous, et les réembaucher pour les combler ». Cette prescription farfelue et humoristique de l’économiste anglais John Mayanard Keynes est appliqué au pied de la lettre, et sans doute avec succès, par l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (Acted).

C’est ainsi que 250 jeunes de la ville de Bozoum, à 330 km de Bangui, ont été embauchés pour lutter contre l’insalubrité de la localité. L’objectif de l’opération est de « permettre à la population d’avoir un peu de ressources et d’assainir la ville ».

 

Espérons que cette opération s’installe dans la durée pour la réhabilitation de l’environnement communautaire et la lutte contre le chômage et le sous-emploi des jeunes.

 

Les anti-Balaka font dans la surenchère inflationniste.

 

Sans doute portés par l’euphorie de leur reconnaissance par la communauté internationale à l’occasion du Forum de Brazzavile et la signature des accords de cessation des hostilités avec les ex-Séléka, les responsables des milices anti-Balaka se sentent pousser des ailes et … des effectifs.

Ils revendiquent désormais 52.000 combattants, soit dix fois plus d’éléments que les forces armées centrafricaines. A ce stade, ce sont tous les chômeurs du pays qui devront émarger au programme désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).

 

A quand la clôture des listes ?

 

Le FPRC livre son 620 millionième communiqué !

 

Le front populaire pour la renaissance de Centrafrique, le mouvement politique héritier de l’ex-coalition Séléka, a publié ce lundi son 620 141 009ème communiqué officiel. Le 1er vice-président de l’organisation, le « général » Nourredine Adam a choisi ce mode de communication pour présenter ses condoléances aux familles éplorées de Batangafo et s’associer à leur deuil. Il a profité de l’occasion pour « féliciter les forces républicaines » et parler de victoire. A l’évidence, le FPRC communique beaucoup, comme son ancêtre Séléka, mais pas toujours à bon escient.

 

Mais, pour ceux qui en doutent encore, le « général » Nourredine Adam poursuit son rêve d’un califat soumis à sa dévotion, aux confins nord de la République centrafricaine.

 

La victoire d’une manipulation narcissique.

 

On sait maintenant comment le nouveau premier-ministre centrafricain a été choisi. Lors de ses entretiens avec les différents signataires des Accords de Brazzaville, le Chef de l’Etat de la transition, Madame Catherine Samba-Panza aurait demandé à chaque entité de lui communiquer le nom d’une ou deux personnalités premier-ministrables. Le jackpot ainsi constitué comprenait dix noms. Au tirage au sort, c’est le nom du ministre d’Etat, conseiller spécial de la présidente de la transition qui apparût. Comme personne parmi les instances concernées n’a revendiqué la paternité de cette proposition, on se perd en conjecture. Et si les dix boules soumises au tirage contenaient un seul et même nom, celui du plus proche collaborateur de Catherine Samba-Panza ?

 

La présidente de la transition se révèlerait ainsi une formidable manipulatrice narcissique !

 

 

 

Paris, le 12 août 2014

 

Prosper INDO