Centrafrique : Chroniques douces-amères – 15

« Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »

(Beaumarchais)

 

 

Un tête-à-tête PNUD-RCA au sujet des élections.

 

Le représentant du programme des Nations unies à Bangui, Aurélien Agbenonci, et le ministre centrafricain de l’Administration du territoire, Modibo Bachi Walidou, se sont rencontrés le mercredi 24 septembre 2014 pour évoquer l’avenir du dispositif électoral en Centrafrique.

« Nous nous sommes mis tous d’accord pour que le processus électoral puisse progresser dans des bonnes conditions », a affirmé M. Agbenonci.

De son côté, le ministre Walidou a également rencontré M. Claude Lenga, le président du Cadre de concertation pour les élections, une structure privée sensée accompagnée l’Autorité nationale des élections (ANE). Ce qui, si on le comprend bien, revient à dire que l’organe sensé superviser les élections nationales est, elle-même, cornaqué par un autre organisme superviseur !

 

Faut-il le croire, les chasseurs de primes ont élu domicile à Bangui.

 

Le nouveau monstre du Loch Ness.

 

Le monstre du Loch Ness n’existe pas, tout le monde en est convaincu. Et pourtant, chaque été, lorsque les nouvelles se font rares, la presse mondiale ressort la légende du pêcheur écossais qui aurait aperçu le monstre en plein mois d’août dans la brume du Loch Ness. En Centrafrique, le monstre du Loch Ness a un nom.

Ces supporteurs l’assurent : « la communauté internationale continue d’exhiber la candidature de Karim Meckassoua à la primature, pour éviter la mauvaise gouvernance » de ce pays. Mieux : « la communauté internationale ne rechignerait pas à débourser aux environs de 1.000 Milliards à la Centrafrique pour l’actuelle transition », s’il en était le premier-ministre. Mais on ne nous dit pas s’il s’agit de mille milliards de dollars, d’euros, de francs CFA ou de monnaie de singe. Cela sent l’arnaque !

La démocratie étant une affaire de choix du peuple, au lieu de courir pour le strapontin de premier-ministre, l’ami Karim ferait mieux de rassembler ses forces et mobiliser son intelligence pour la prochaine présidentielle, en se soumettant au verdict du peuple centrafricain.

 

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Mille milliards de mille sabords ! comme dirait l’autre.

 

Catherine Samba-Panza l’avoue : « Je suis dans une situation compliquée » !

 

Le chef de l’Etat de la transition en Centrafrique l’a reconnu vendredi 26 septembre 2014, en prélude à la réunion consacrée à son pays en marge de la 69ème assemblée générale des Nations Unies : «  Je suis dans une situation plutôt compliquée sur le terrain, avec une absence d’armée, des forces de défense et de sécurité complètement démantelées et sans moyen pour ramener la sécurité », a-t-elle indiqué.

La présidente de la transition a le diagnostic lucide, mais la mémoire courte et sélective. Elle oublie un détail : son ministre conseiller pour la sécurité et les relations avec la Minusca n’est autre que le ministre de la défense nationale qui aura naguère contribué au démantèlement et à la « maffiotisation » des forces armées centrafricaines sous les précédents régimes.

 

Lorsqu’un arbre porte des fruits rabougris, il faut le couper ou lui poser un greffon.

 

 

La présidente se hausse du col, la communauté internationale veut des avancées !

 

Dans le cadre de la réunion de haut niveau consacré à la situation en République centrafricaine qui s’est tenue le 26 septembre 2014 en marge de la 69ème session de l’assemblée générale des Nations Unies, la présidente de la transition s’est haussée du col lorsque, affirmant que « le peuple centrafricain a encore besoin de la communauté internationale », elle a fait valoir par ailleurs des « résultats palpables de son action ». Ses interlocuteurs sont restés dubitatifs :

« Il est crucial d’appliquer intégralement l’accord de Brazzaville » a déclaré Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies. Le Médiateur congolais dans la crise centrafricaine et principal bailleur de fonds de l’Etat centrafricain, Denis Sassou-Nguesso, a renchéri, « le désarmement, la mise en place de forces armées représentatives, un processus électoral incontestable, sont autant de questions qui attendent des réponses ». Au nom de la France, Laurent Fabius a été plus laconique, « le présidente de transition fait de son mieux ».

 

Ce sont là des félicitations décernées à un cancre.

 

Un appel pour la dissolution et la refondation du Conseil national de transition.

 

Le mardi 23 septembre 2014, le professeur Marcel Diki-Kidiri a donné une conférence de presse au cours de laquelle il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle appuie le processus de dissolution et de la refondation du Conseil national de la transition (CNT), le parlement provisoire centrafricain, évoquant « l’anachronisme du CNT, institution désormais incapable non seulement de représenter le peuple centrafricain mais encore moins capable de le protéger ».

Marcel Diki-Kidiri a tort, dissoudre le Conseil national de transition revient à réclamer la destitution de la présidente de transition, qui tient son autorité de cette instance.

 

Le professeur peut se permettre cette entorse au droit, il est linguiste pas constitutionnaliste !

 

Le chef anti-Balaka meurt d’une balle dans la tête.

 

Le 23 septembre 2014, toujours, le nommé Albert Ngarama, responsable anti-Balaka de la commune de Tokia étrenne ses nouveaux gris-gris et veut en tester l’efficacité. Il demande à son adjoint de lui tirer une balle dans la tête. Ce dernier s’exécute et son chef reste à terre. Comme anti-Balaka, le malheureux ne devait pas être très catholique pour connaitre une fin si stupide. Mais le pire survint le lendemain : mécontents du nouveau produit ainsi livré, les compagnons du défunt se rendirent à la gendarmerie locale où était détenu l’adjoint du marabout tradi-praticien et le lynchèrent.

 

L’histoire ne dit pas si le chef de la maréchaussée  de Tokia a été sanctionné d’avoir livré à la vindicte populaire un prévenu présumé innocent confié à sa garde. C’est la différence avec un Etat de droit !

 

Les anti-Balaka continuent de se manifester.

 

Braquages, vols, viols, intimidations, rackets : les habitants de Bozoum, chef-lieu de la préfecture de l’Ouham-Pendé (Nord) n’en peuvent plus. Lors d’une rencontre élargie initiée par la Commission Justice et Paix de la paroisse Saint-Michel de Bozoum, leur représentant à livrer une liste interminable de griefs contre les anti-Balaka : « nous sommes confrontés à d’énormes difficultés occasionnées par les hommes en armes. Ils nous empêchent de travailler comme nous le désirons. Ils érigent des barrières dans la ville et nous obligent à leur verser des sommes d’argent qui nous dépassent ».

De son côté, le responsables des anti-Balaka de Bozoum, un certain Godlive Amoda, ne nie pas les faits, mais promet une structure conjointe « Antbalaka-gendarmerie-police » pour aider les forces de défense et de sécurité à retrouver les fauteurs de trouble.

 

La police et la gendarmerie qui pactisent avec les ennemis de la paix pour rétablir l’ordre ? Elliot Ness n’y a pas pensé, la RCA l’a fait. Quant à l’honorable Amoda, que Dieu lui prête longue vie !

 

Le commissaire Luis Miguel Carrilho s’impose.

 

Le commissaire portuguais Luis Miguel Carrilho, chef de la police de la Minusca en Centrafrique a pris les taureaux par les cornes. Lors de sa première conférence de presse, le 25 septembre 2014, il a développé son plan de déploiement et de surveillance de la ville de Bangui, la capitale centrafricaine. Cet ancien de la Bosnie-Herzégovine, du Timor oriental et d’Haïti a du pain sur la planche : redresser une police et une gendarmerie centrafricaines corrompues et totalement inféodées aux caprice du Prince.

Jusqu’alors, les Centrafricains ne connaissaient les Portuguais qu’à travers les enseignes des magasins Moura & Gouvéa.

 

Désormais, ils les découvrent incorruptibles ; la Révolution des Œillets est passée par là !

 

L’Angola participera à la Minusca.

 

L’Angola va participer pour la première fois à une mission de maintien de la paix des Nations Unies, en envoyant des troupes en Centrafrique : « Nous devons donner l’exemple et renforcer la présence de la mission afin d’assurer la paix dans le pays », a déclaré M. Joaquim do Espirito Santo, directeur Afrique au ministère des Relations extérieures.

Cet engagement militaire est un changement de cap dans la politique extérieure de l’Angola ces dernières années, après être intervenue en République démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, respectivement pour soutenir les troupes rebelles de Laurent-Désiré Kabila pour renverser le Maréchal Mobutu et les miliciens de Denis Sassou-Nguesso contre Pascal Lissouba.

Depuis lors, l’Angola, deuxième producteur africain de pétrole après le Nigéria, se limitait à des actions humanitaires, d’aides financières ou de formation militaire.

 

Une place de membre non-permanent au Conseil de sécurité n’a pas de prix.

 

L’assassin revient toujours sur les lieux de son crime.

 

La présidente de transition aurait formulé le vœu de voir des militaires tchadiens assurer sa sécurité personnelle, en remplacement des soldats rwandais qui, dans le cadre de la Minusca, effectuaient jusqu’à présent cette mission. La Minusca souhaiterait redéployer ces derniers à des tâches plus opérationnelles. Catherine Samba-Panza aurait jeté son dévolu sur l’armée tchadienne après avoir récusé la protection d’un peloton de Bérets bleus gabonais. Il est curieux que le chef de l’Etat de la transition ne fasse pas confiance à ses compatriotes, fussent-ils mal armés, de la police ou de la gendarmerie, pour assurer sa protection rapprochée.

Portés par cette sollicitation, le président Idriss Déby s’est enflammé : « Le Tchad est disposé à apporter sa contribution pour la constitution d’une nouvelle armée centrafricaine, dans le domaine de la formation et de l’encadrement ».

Le président Déby joue au pyromane pompier : l’armée tchadienne s’est déjà illustrée par deux fois en Centrafrique, auprès du général François Bozizé avec les « Libérateurs » et en soutenant Michel Djotodia dans le cadre de l’alliance Séléka.

 

Des militaires tchadiens à Bangui ? C’est une déclaration de guerre (article 20, alinéa 3 de la Charte constitutionnelle de transition) !

 

De l’argent jeté par la fenêtre.

 

Au retour d’une visite officielle en Angola, le Chef de l’Etat de la transition s’était vu promettre un prêt de 10 millions de dollars américains, dont 5 millions lui furent remis en mains propres sous la forme de mallettes de coupures de banque. Cette première tranche a fait l’objet d’une transaction compliquée de conversion en francs CFA, entre le Trésor public centrafricain et Ecobank de Yaoundé, là où un simple jeu d’écritures comptables aurait suffi.

La deuxième tranche de 5 millions de dollars fut versé en cash à la présidence centrafricaine via un émissaire, fin avril 2014. La moitié de cette somme est remis sur le compte public Trésor public à la BEAC, toujours via Ecobank. Le reste de la somme, soit 1,132 milliards de francs CFA, ce qui représente la moitié au moins de la masse salariale mensuelle des fonctionnaires centrafricains, a semble t’il été distrait à d’autres fins, au grand désappointement du FMI.

 

A entendre le directeur de cabinet de la présidente de transition, le ministre d’Etat Joseph Mabingui, cette somme aurait servi à subventionner différentes actions associatives ou humanitaires.  A ce compte, il ne reste plus au directeur de cabinet qu’à rendre public la liste des personnes morales et physiques bénéficiaires de ces libéralités, en précisant par ailleurs la nature des différentes actions ainsi financées. Les « mal bouches » prétendent que 50.000 euros auraient été envoyés à une association des femmes centrafricaines de Paris aux fins d’organiser un grand meeting en faveur de la présidente. Bah ! son image n’en sortira pas grandie.

 

Un bien mal acquis ne profite jamais !

 

 

Paris, le 30 septembre 2014

 

Prosper INDO