Centrafrique : Chroniques
douces-amères – 16
« Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges
flatteurs »
(Beaumarchais)
Comme un air de coup d’Etat.
Les anti-Balakas n’ont pas renoncé à leur propension
naturelle à la violence insurrectionnelle, acquise sous le précédent régime du
président François Bozizé. Prenant prétexte, avec raison, du climat délétère
entretenu par les autorités de la transition en Centrafrique, les responsables
anti-Balakas demandent le retrait immédiat du gouvernement de leurs
représentants, donnent 48 heures de délai à la présidente de la transition pour
plier bagages et « laisser la place à un Centrafricain qui viendra
déterminer la durée de la transition ».
Si sur le fonds de l’affaire les reproches semblent
légitimes, la forme surprend : on voit mal les anti-Balakas prendre
d’assaut le Palais de la Renaissance et dégager les mallettes de Catherine
Samba-Panza.
Le proverbe africain dit : Toi dans la forêt, moi
dans la forêt, et tu me demandes où est le soleil ?
Entre Marie de Médicis et Marie-Antoinette, il faudra
choisir.
Le chef de l’Etat de la transition se raidit et se
barricade, comme tout prévenu qui se sait en sursis. Après avoir sollicité le
retour des militaires tchadiens pour assurer sa protection rapprochée, on la
découvre mendiante itinérante par l’entremise de son ministre-conseiller
chargé du monde arabe et de l’organisation de la coopération islamique, un
certain Mahamat Gamar Ahmat. Ce dernier
fait le siège des émirs du golfe persique avec pour thèmes :
« vos dons et subsides iront directement aux populations démunies et à la
reconstruction de l’infrastructure et de la foi islamiques » (sic). Et de
réclamer 35 millions d’euros, soit 25 milliards de francs CFA, somme destinée à
acquérir, entre autres dépenses, pas moins de 100 véhicules Toyota
4X4 !
Ce n’est plus de la mendicité, c’est la République
Centrafricaine que l’on prostitue pour « permettre aux fidèles d’accomplir
le rituel du mouton pour la Tabaski » (resic). La RCA étant un Etat laïc,
sauf à se faire la complice d’une escroquerie à grande échelle ou d’une
association en bande organisée en vue d’une action terroriste, la présidente de
la transition doit mettre un terme à ces dérives et divagations, en sortant le
ministre-conseiller quémandeur de l’organigramme officiel de la République et de
le renvoyer à ses chères études, au risque, pour elle, de finir comme
Marie-Antoinette.
Le proverbe togolais dit : Là où est le cœur, les
pieds n’hésitent pas à y aller.
RCA : les Français sont
fatigués !
Faut-il le croire, les visites officielles en
Centrafrique fatiguent énormément. Après avoir épuisé François Hollande (2
fois), Laurent Fabius (3 fois) et Jean-Yves Le Drian (4 fois), c’est au tour
d’Hélène Légal de s’attaquer à ce qu’il faut bien convenir d’appeler « le
pèlerinage de Bangui ».
La conseillère pour l’Afrique du président français
est venue faire le point de la situation politique.
A l’entendre, elle s’est entretenue avec le chef de
l’Etat de la transition, « en particulier sur le chantier que doit mener
l’équipe de transition c’est-à-dire la préparation des élections, le dialogue
national dans tout le pays, également l’économie et développement ».
Concernant les élections, elle souhaite qu’un chronogramme puisse être établi et
dit-elle, « nous souhaitons que cela soit fait le plus rapidement
possible ». En clair, la France s’impatiente ! On me dit que les Pays
amis de la Centrafrique et la communauté internationale s’impatientent
aussi.
Madame Légal aura parcouru un marathon de
On a beau dire, la foi soulève les
montagnes !
La métastase Séléka : la RCA toujours entre le
rêve et la réalité.
En ce début du mois de septembre 2014, le journal
Centrafrique-Matin de Bangui titrait : « La Séléka dans un état
comateux. Dans deux jours nous ne parlerons plus
d’elle ».
Las, un mois plus tard, l’ex-Séléka est partout :
à Kaga-Bandoro, à Bambari, à Bria, comme une métastase cancéreuse qui diffuse
ses cellules souches vénéneuses à travers le corps social centrafricain par
petites grappes, avec ses morts et ses suppliciés.
Et c’est le moment que choisit l’ancien
premier-ministre Martin Ziguélé, leader du mouvement de libération du peuple
centrafricain (MLPC), l’ex parti du président défunt Ange-Félix Patassé, pour
s’alarmer : « la fin de la transition n’est pas pour demain. Nous
devons nous atteler à apporter des réponses objectives aux graves manquements
qui nous ont conduit à cette faillite collective ». L’intéressé parle d’or.
Comme il n’est pas pour un peu dans cette faillite, il lui faut donc entrer au
gouvernement et apporter sa côte part.
Le proverbe malinké dit : Un seul doigt ne peut
prendre un caillou.
Michel Djotodia souffre d’une
fixation…
L’ancien président autoproclamé mais démissionnaire
Michel Djotodia n’en finit pas de faire une fixation sur le pouvoir. Sûr de son
bon droit et certainement de son destin, il reste convaincu de son retour :
« Mon retour se fera, et par des moyens pacifiques, au moment opportun, en
accord avec la communauté internationale, afin de favoriser la paix et de
rassembler le peuple centrafricain ». Conscient d’avoir été « mal
compris », le président mahométan délivre son diagnostic, « Je n’ai
pas échoué. Le bilan que je fais de mon court mandat est globalement positif. Si
on m’avait laissé le temps, j’aurai pu réussir à ramener la paix et la concorde
nationale à travers le pays. Au moment où je vous parle, si on organisait un
référendum d’autodétermination dans le nord-est du pays le « oui » à
la partition l’emporterait. Donc pour la paix, j’ai démissionné, pour la paix,
je demande pardon aux Centrafricains et les invite à m’accorder une seconde
chance… »
Ainsi, le président autoproclamé, qui souffrait
d’insomnies chroniques lorsqu’il était au pouvoir, rêve désormais les yeux
grands ouverts ! Sans doute la fréquentation des ministres du culte vaudou
béninois, son pays d’exil. C’est Napoléon à Sainte Hélène.
Le chanteur haïtien des Skah-Shah l’assure : Les
vivants ne peuvent connaître les mystères de la vie ! Jean-Claude Duvalier
qui vient de nous quitter ne saurait démentir.
… Et François Bozizé se rêve en étoile
polaire.
Le président déchu François Bozizé ne tient plus en
place depuis sa rencontre avec l’émissaire du chef de l’Etat de la transition,
le ministre conseiller politique Anicet Guiama-Massogo. Ce dernier, qui s’était
déjà rendu à Cotonou rencontrer le président démissionnaire Michel Djotodia au
mois d’août dernier, a fait cette fois ci le déplacement de Kampala, la capitale
de l’Ouganda, pour s’entretenir avec François Bozizé, l’autre exilé. Le but de
cette « mission spéciale » visait à convaincre l’hôte du président
Museveni de s’impliquer dans le processus de réconciliation nationale et d’aider
à la mise en œuvre des accords de Brazzaville de cessation des hostilités.
Catherine Samba-Panza est persuadée que les deux anciens présidents ont encore
de l’influence ; elle est la seule à y croire !
Pour toute réponse, l’exilé de Kampala se serait
plaint d’être assigné dans la capitale ougandaise avec, pour seuls visiteurs,
ses enfants qui se relaient à chacun son tour.
Après avoir vécu comme Icare lorsqu’il était au
pouvoir, voici François Bozizé frappé par la glaciation.
Sun Tse dit : Amène les dans un lieu où ils ne
pourront plus s’en aller, et ils mourront avant même de
s’enfuir.
Paris, le 7 septembre 2014
Prosper INDO