Centrafrique : Chroniques douces-amères –
5
« Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges
flatteurs »
(Beaumarchais)
La révolution dévore
toujours ses enfants.
Chaque fois qu’une rébellion
parvient à ses fins, dès la prise de pouvoir, les appétits s’aiguisent et les
alliés d’hier se transforment en procureurs ennemis. L’ex-alliance Séléka
n’échappe pas à la règle.
C’est ainsi que l’ancien
numéro 2 de la coalition, Nourredine Adam, qui aurait investi la ville de Birao,
a convoqué une assemblée générale du mouvement. L’objectif est de reprendre le
contrôle de cette nébuleuse criminelle, désormais éclatée en plusieurs
tendances, dans la perspective d’un dialogue inclusif que certains appellent de
leurs vœux.
Qu’à cela ne tienne. Sauf à
exciper du paradoxe de Stockholm selon lequel les victimes sympathisent à un
moment donné avec leurs bourreaux, on voit mal les responsables de l’ex-Séléka
siégeant à Brazzaville. Aux Etats-Unis, la tête de Nourredine Adam aurait déjà
été mise à prix.
Le message d’espoir et de
courage des évêques centrafricains.
L’épiscopat catholique
centrafricain a fait bloc le 28 juin 2014 pour développer sa compréhension de la
crise et proposer une voie de sortie.
Dans un message œcuménique
adressé aux chrétiens, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, signé de tous
les évêques du pays, la conférence épiscopale centrafricaine dresse un constat
sincère mais accablant : « Tuer, incendier des maisons voire des
villages entiers, traquer des gens en brousse deviennent désormais des actes
anodins et sans poursuite judiciaire ».
Les dix prélats envoient
également un autre message, d’amour, de confiance et de fraternité :
« les défis sont réels, mais la sortie de crise est à la portée du peuple
centrafricain ». Et de détailler la chronologie, les étapes et les
séquences de leurs propositions ;
-
1° - neutraliser les groupes incontrôlés de
la Séléka et des anti-balaka ;
-
2° - réformer promptement les secteurs de
sécurité et réhabiliter dans les plus brefs délais les forces armées
centrafricaines ;
-
3° - redéployer l’administration partout pour
rétablir l’autorité de l’Etat ;
-
4° - dialoguer, sans verbiage inutile ni
petits calculs mesquins ;
-
5° - pardonner et réconcilier par la justice
et la réparation.
On serait tenter de crier,
ite missa est ! Dommage que
les autorités de la transition ont l’esprit obtus.
Les enseignants du
supérieur font grève au milieu de nulle part.
Les
enseignants membres du Synaes – le syndicat autonome de l’enseignement supérieur
- prolongent leur mouvement de grève de 21 jours.
Comme le
proclame le secrétaire exécutif adjoint, qui mériterait de rester anonyme,
« il est impossible que sur 552 millions, le gouvernement ait versé 70
millions. Nous sommes environ 2.000 enseignants. Comment voulez vous que cela
soit réparti » ?
« Elémentaire, mon cher
Watson », serions-nous tentés de répondre ; il suffit d’appliquer une
règle de trois ! Certes, entre 260 000 francs Cfa et 35.000 francs Cfa par
personne, la différence est très significative.
La ville de Bambari est devenu
l’épicentre d’un nouveau calvaire.
Après Bangui,
c’est au tour de la ville de Bambari de connaître le cycle tumultueux des
exactions et des représailles.
Les
affrontements survenus dans cette localité depuis deux semaines auront fait plus
de 80 personnes tuées et quelques 173 maisons détruites.
Bambari est
depuis la fin mai le chef-lieu des activités des ex-Séléka qui y ont installé
leur état-major militaire. Mais l’alliance rebelle se déclare étrangère à ces
évènements graves.
Selon les
autorités des forces internationales, depuis l’instauration des « mesures
de confiance » dans cette ville, les Séléka, anti-balaka et autres archers,
seraient mieux contrôlés !
Les tueries
seraient elles donc l’œuvre d’une main invisible ?
Les volontaires sont rares pour
épauler les Sangaris et Misca.
Invitée par
les Nations unies à fournir un contingent militaire dans le cadre du dispositif
de maintien de la paix en Centrafrique, la Namibie a décliné l’offre du
secrétaire général de l’institution internationale.
Le ministre de
la défense namibien estime qu’une telle opération est très coûteuse et, faute de
moyens, le pays ne peut honorer l’invitation qui lui est faite.
C’est l’un des
paradoxes de l’Union africaine, qui montre ainsi son incapacité à régler les
conflits sur le continent.
Le Tchad mise sur la
réconciliation.
A l’occasion
du 52ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du
Burundi, le premier-ministre tchadien, Kalzenbet Payimi Deubet, a souhaité voir
la RCA arriver rapidement à une situation de paix.
« La paix ne peut venir que des Centrafricains », reconnait-il en ajoutant, « je crois que la paix doit commencer par là, il faut se parler, il faut dialoguer, le dialogue est une vertu ».
On veut bien
le croire, mais pour l’instant, sur le terrain, l’un des participants putatifs
au dialogue a un canon de fusil appuyé sur la tempe. Les autorités de la
transition ne peuvent donc aller au dialogue dans ces conditions.
Désarmer
d’abord, dialoguer ensuite nous semble la meilleure séquence.
Le représentant du Secrétaire
général de l’Onu félicite Catherine Samba-Panza.
Le général
Babacar Gaye, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en
Centrafrique et chef de la Minusca, a félicité la présidente de la transition,
Catherine Samba-Panza « pour le renouvellement de la confiance dont elle
fût l’objet à Malabo ».
Après
l’humiliation infligée à cette dernière par le protocole équato-guinéen et les
chefs d’Etat de la CEAC en marge de la conférence de Malabo, il n’est pas très
difficile de faire aujourd’hui assaut de galanterie.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit l’adage.
Un présumé voleur enterré vivant
à Bambari.
Le samedi 5
juillet dernier, un homme soupçonné de vol aurait été capturé par des miliciens
anti-balaka et enterré vivant. Cette exécution sommaire et inhumaine se serait
produite à proximité de la paroisse Notre Dame des Victoires, à Bambari.
Cet acte, à la
limite de l’abjection, pose une fois encore le problème de l’humanité des
différents groupuscules armés en Centrafrique.
La barbarie
n’a plus de limite dans ce pays.
Plus personne ne sait qui est
qui.
Dimanche
dernier, jour de marché et de prière, des détonations ont éclaté au centre ville
de Dékoa, localité de la région centre du pays, à quelques cent kilomètres de
Bambari.
Un responsable
religieux prétend qu’il s’agit d’un affrontement armé entre ex-Séléka et
anti-Balaka.
Le responsable
local de la Séléka, un certain Youssouf, confirme l’incident, mais l’attribue à
une intervention des forces internationales de la Misca, venues mettre fin à un
braquage commis par des éléments anti-Balaka.
De son côté,
le porte-parole de la milice anti-Balaka, qui porte bien son nom, Emotion Brice
Namsio, dément. Il nie la présence des anti-Balaka dans la région de la
Kémo.
Pour sa part,
le porte-parole de la Misca confirme l’intervention des forces internationales
pour calmer une manifestation des ex-Séléka.
Autrement dit,
En Centrafrique, nul ne sait plus qui est qui.
Le ministre français de la
défense « saute » sur Bangui.
A la suite de
deux violents accrochages, l’un à Bambari et l’autre à Bangui, capitale
centrafricaine, le ministre français de la défense s’est rendu au chevet de la
dizaine de militaires français blessés. C’est son septième déplacement en
Centrafrique.
Au sortir
d’une rencontre avec la présidente de la transition, qui l’a reçu à son domicile
privé, M. Le Drian a indiqué : « il n’y a pas d’avenir pour la
Centrafrique, s’il n’y a pas de cessez-le-feu ». C’est dire l’impuissance
des forces internationales de l’opération Sangaris et de la Misca.
On voit en
effet mal les groupuscules armés des anti-Balaka et de l’ex-Séléka déposer
volontairement les armes.
Une conférence nationale
centrafricaine le 21 juillet 2014 à Brazzaville.
Le grand forum
prévu à Brazzaville, capitale de la République du Congo, pour un dialogue
inclusif inter centrafricain serait fixé au 21 juillet 2014. Souhaité en
particulier par la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, ce
dialogue viserait surtout à ramener l’opposition dite démocratique dans le jeu
politique, en supprimant l’article 101 de la Charte constitutionnelle de la
transition.
Or l’article
101 liste précisément tous les actes constitutionnels qui ne peuvent être soumis
à révision, en particulier « l’inégibilité du Chef de l’Etat de la
transition, du Premier Ministre de Transition, des membres du Gouvernement de
Transition et des membres du Bureau du Conseil National de Transition aux
élections présidentielles et législatives organisées durant la
Transition » !
Tous les
potentats africains, qui hésitent aujourd’hui à faire réviser les dispositions
constitutionnelles de leur pays respectifs, lesquelles dispositions leurs
interdisent de briguer plus de deux mandats présidentiels, vont être
contents.
Paris, le 9 juillet 2014
Prosper INDO