Un
premier ministre musulman pour la Centrafrique
Par Tanguy Berthemet - lefigaro.fr,
le 11/08/2014 à 21:25
Le choix de Mahamat Kamoun, qui vise à rassurer cette communauté persécutée, est contesté. La Séléka, la rébellion à dominante islamique, réfute cette nomination d'un homme politique qu'elle juge trop proche de la présidente, Catherine Samba Panza
La
nomination dimanche d'un nouveau premier ministre en Centrafrique n'a pour
l'heure pas apporté l'apaisement espéré. Lundi, le choix de Mahamat Kamoun était
même jugé «risqué», selon un observateur européen, voire «dangereux» pour un
homme politique africain. L'homme est pourtant musulman, une demande pressante
de la communauté internationale. Les pays qui conduisent depuis décembre
L'inquiétude
vient de sa proximité avec la présidente Catherine Samba Panza, nommée en
février dernier et dont il fut l'un des très proches conseillers. Il est
aussi le compagnon de Rachelle Ngakola, une amie de la chef de l'État, propulsée
à la tête des douanes, première source de revenus du pays. «C'est un mauvais
signal. On reprochait à la présidente de diriger avec un clan. En nommant
Kamoun, elle va renforcer ce sentiment», regrette un diplomate africain qui
souligne «le peu de réseau politique» de Kamoun. «Attendons de voir le
gouvernement», remarque, matois, Martin Ziguélé.
Intenses
combats fratricides
Cette
méfiance ne va pas faciliter la tâche de Mahamat Kamoun. Son premier objectif
est officiellement d'appliquer les accords de Brazzaville signés le
23 juillet. Le texte prévoit la mise en place d'un gouvernement d'union
nationale et un cessez-le-feu. L'ex-Séléka, une coalition à majorité musulmane
qui s'est rendue coupable de nombre d'exactions avant d'être chassée du pouvoir
en décembre 2013, est censée déposer les armes. Les Anti-Balaka, des milices
chrétiennes qui ont lynché des milliers de musulmans, y sont aussi contraints.
Or ces accords, obtenus à l'arraché après des heures de discussions, sont des
plus vacillants.
Paradoxalement,
la contestation ne vient pas des rangs des Anti-Balaka. Même si Mahamat Kamoun
fut un temps le directeur de cabinet du président de la Séléka, avant d'être
écarté, une partie des miliciens semble s'en accommoder. «On peut travailler à
la paix avec lui», dit l'un d'eux qui veut rester prudemment anonyme. Il est
vrai que le week-end a illustré jusqu'à la caricature les divisions qui minent
ces groupes qui n'ont jamais été hiérarchisés. Samedi et dimanche, d'intenses
combats fratricides ont déchiré le quartier de Boye-Rabe, le fief des
Anti-Balaka, et ont nécessité une intervention des troupes
françaises.
Le vrai
danger vient de la Séléka, qui a clairement rejeté le choix de Kamoun et l'idée
de participer à un gouvernement. «Nous avons été surpris. C'est une décision qui
a été prise sans concertation et qui ne montre aucun sens du compromis», assène
le général Mohammed Dhaffane, négociateur de la Séléka à Brazzaville. La Séléka,
qui contrôle toujours plus d'un tiers du pays, exige depuis des mois le poste de
premier ministre. S'il n'obtient pas gain de cause, le général Dhaffane menace,
à demi-mot, de demander la démission de la présidente et surtout de prononcer la
sécession du nord de la Centrafrique. «Ce sont des cartes que nous pouvons
jouer», remarque-t-il. Sur le terrain, les combattants Séléka ont déjà manifesté
leur mauvaise humeur. La semaine dernière, de violents combats les ont opposés
aux soldats français à Batangafo, au nord du pays.