Un premier ministre musulman pour la Centrafrique

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Le choix de Mahamat Kamoun, qui vise à rassurer cette communauté persécutée, est contesté. La Séléka, la rébellion à dominante islamique, réfute cette nomination d'un homme politique qu'elle juge trop proche de la présidente, Catherine Samba Panza


 

La nomination dimanche d'un nouveau premier ministre en Centrafrique n'a pour l'heure pas apporté l'apaisement espéré. Lundi, le choix de Mahamat Kamoun était même jugé «risqué», selon un observateur européen, voire «dangereux» pour un homme politique africain. L'homme est pourtant musulman, une demande pressante de la communauté internationale. Les pays qui conduisent depuis décembre 2013 l'intervention militaire pour mettre un terme à la guerre en Centrafrique, la France en tête, espèrent ainsi rassurer la communauté islamique. Persécutés depuis des mois, ses membres ont dû massivement fuir dans les pays voisins pour éviter les massacres. Mais curieusement, à Bangui, cette croyance n'a fait l'objet que de peu de commentaires. «Ma confession n'a pas pesé dans le choix de me retenir», assure même Mahamat Kamoun. La compétence du nouveau premier ministre, un spécialiste des finances, n'est pas non plus mise en doute. «Il a les capacités», assure Martin Ziguélé, un ancien premier ministre.

 

L'inquiétude vient de sa proximité avec la présidente Catherine Samba Panza, nommée en février dernier et dont il fut l'un des très proches conseillers. Il est aussi le compagnon de Rachelle Ngakola, une amie de la chef de l'État, propulsée à la tête des douanes, première source de revenus du pays. «C'est un mauvais signal. On reprochait à la présidente de diriger avec un clan. En nommant Kamoun, elle va renforcer ce sentiment», regrette un diplomate africain qui souligne «le peu de réseau politique» de Kamoun. «Attendons de voir le gouvernement», remarque, matois, Martin Ziguélé.


Intenses combats fratricides


Cette méfiance ne va pas faciliter la tâche de Mahamat Kamoun. Son premier objectif est officiellement d'appliquer les accords de Brazzaville signés le 23 juillet. Le texte prévoit la mise en place d'un gouvernement d'union nationale et un cessez-le-feu. L'ex-Séléka, une coalition à majorité musulmane qui s'est rendue coupable de nombre d'exactions avant d'être chassée du pouvoir en décembre 2013, est censée déposer les armes. Les Anti-Balaka, des milices chrétiennes qui ont lynché des milliers de musulmans, y sont aussi contraints. Or ces accords, obtenus à l'arraché après des heures de discussions, sont des plus vacillants.

 

Paradoxalement, la contestation ne vient pas des rangs des Anti-Balaka. Même si Mahamat Kamoun fut un temps le directeur de cabinet du président de la Séléka, avant d'être écarté, une partie des miliciens semble s'en accommoder. «On peut travailler à la paix avec lui», dit l'un d'eux qui veut rester prudemment anonyme. Il est vrai que le week-end a illustré jusqu'à la caricature les divisions qui minent ces groupes qui n'ont jamais été hiérarchisés. Samedi et dimanche, d'intenses combats fratricides ont déchiré le quartier de Boye-Rabe, le fief des Anti-Balaka, et ont nécessité une intervention des troupes françaises.

 

Le vrai danger vient de la Séléka, qui a clairement rejeté le choix de Kamoun et l'idée de participer à un gouvernement. «Nous avons été surpris. C'est une décision qui a été prise sans concertation et qui ne montre aucun sens du compromis», assène le général Mohammed Dhaffane, négociateur de la Séléka à Brazzaville. La Séléka, qui contrôle toujours plus d'un tiers du pays, exige depuis des mois le poste de premier ministre. S'il n'obtient pas gain de cause, le général Dhaffane menace, à demi-mot, de demander la démission de la présidente et surtout de prononcer la sécession du nord de la Centrafrique. «Ce sont des cartes que nous pouvons jouer», remarque-t-il. Sur le terrain, les combattants Séléka ont déjà manifesté leur mauvaise humeur. La semaine dernière, de violents combats les ont opposés aux soldats français à Batangafo, au nord du pays.