Général Babacar Gaye: «La sécurisation de Bangui nécessite une approche globale». Le résultat auquel les rencontres de Nairobi sont parvenues ne peut pas aider la République centrafricaine (Dixit Idriss Déby)

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Général Babacar Gaye: «La sécurisation de Bangui nécessite une approche globale».

 

Par Christophe Boisbouvier  - RFI, Diffusion : samedi 31 janvier 2015

 

Général Babacar Guaye, chef de la MINUSCA. radiookapi.net

Général Babacar Guaye, chef de la MINUSCA. radiookapi.net

En Centrafrique, beaucoup se demandent si la transition conduite par Catherine Samba Panza n'est pas en danger après l'accord conclu à Nairobi entre les anciens présidents Bozizé et Djotodia. D'autant que ces discussions de Nairobi avaient reçu l'aval du médiateur congolais Denis Sassou Nguesso. Le général sénégalais Babacar Gaye est le représentant spécial de l'ONU à Bangui et commande les 7500 casques bleus de la Minusca. Présent à Addis Abeba pour le 24° sommet de l'UA, vendredi 30 janvier, le général Babacar Gaye répond aux questions de RFI et il n'hésite pas à s'exprimer sur la démarche du médiateur congolais.

RFI : Général Babacar Gaye, voilà près de cinq mois que la Minusca est née. Mais le problème, mon général, c’est que beaucoup de Banguissois reprochent à la Minusca de laisser les anti-balaka continuer à agir dans Bangui et notamment dans leur fief de Boy Rabe.

Général Babacar Gaye : Vous savez que nous avons procédé à des arrestations dont certaines ont eu un impact sur la sécurité. Je crois donc que la mission est en progrès au moins aux yeux des gens. Il serait illusoire de penser que c’est par de simples patrouilles de policiers que l’on va sécuriser Bangui. La sécurisation nécessite une approche globale.

A la suite de l’arrestation par vos forces du général anti-balaka Andilo, il y a eu plusieurs prises d’otages dont celle d’un ministre du gouvernement centrafricain. Est-ce que vous regrettez d’avoir arrêté ce chef anti-Balaka ?

Ce dont nous nous félicitons c’est de l’attitude de fermeté du gouvernement ! Lorsqu’on est face à l’impunité, lorsqu’on veut rétablir l’état de droit, il y a des moments très difficiles ! Il est heureux que le gouvernement l'affronte avec la fermeté dont je viens de parler.

Donc, vous vous félicitez du fait que Madame Catherine Samba- Panza n’ait pas fait libérer ce général anti-balaka ?

Je crois que la libération du « général » – comme vous l’appelez – Andilo, qui est un jeune homme d’une vingtaine d’années, aurait été au lendemain de l’arrestation du transfert à la CPI de Dominic Ongwen de la LRA, un signe difficile à comprendre.

La moitié est sous contrôle des anciens rebelles seleka. Est-ce qu’un jour vous pourrez vous déployer dans cette partie du territoire ?

Nous sommes déjà déployés ! Dans une ville comme Bria, nous sommes en train actuellement d’avoir un véritable bras de fer avec les groupes armés qui sont à Bria ! Ce qui est aujourd’hui en cause à Bria c’est l’ascendant moral. Et il n’est pas exclu qu’à Bria nous soyons contraints d’aller à l’affrontement. Donc c’est vous dire que nous sommes présents !

Qu’est-ce que vous pensez de cet accord conclu il y a quelques jours à Nairobi entre notamment Noureddine Adam et les anciens présidents Djotodia et Bozize ?

Le médiateur lui-même vient de dire, d’après ce que j’en sais, que le seul processus qui est reconnu par la communauté internationale est celui qui a été lancé à Brazzaville et qui doit se poursuivre par le Forum de Bangui. Maintenant, s’il y a une volonté de la part des groupes armés d’entrer dans ce processus, très bien ! Mais tout autre processus, tout autre accord, est pour nous une diversion.

Ce qui est étonnant c’est que les gens qui étaient à Nairobi, pour un certain nombre d’entre eux – je pense à François Bozizé et Noureddine Adam – n’avaient pas le droit officiellement de voyager, puisqu’ils étaient sous sanction de l’ONU !

Ce que je sais c’est que le Comité des sanctions va très certainement, s’il ne l’a pas déjà fait, demander des explications à qui de droit.

A l’initiative de ces discussions de Nairobi il y avait notamment le médiateur congolais. Est-ce vous comprenez la démarche de vos partenaires de Brazzaville ?

Nous avons eu l’occasion, le représentant spécial du secrétaire général pour l’Afrique Centrale, monsieur Bathily et moi-même, de nous rendre à plusieurs occasions à Brazzaville pour voir le médiateur, dont je dois saluer l’engagement et l’action inlassables. L’intention qui nous a été présentée est celle d’amener les différents groupes armés à mieux adhérer au processus qui a été lancé à Brazzaville. Cette intention est incontestablement louable. Les modalités, ce sont ces modalités qui posent problème et nous n’avons pas manqué de le dire aux médiateurs.

Et aujourd’hui il est encore temps pour que justement, tout le monde soit ramené dans le processus de Brazzaville. Donc aujourd’hui s’il y a un effort à faire – et je crois qu’une remobilisation de la CEEAC à cet égard serait la bienvenue – c’est de remettre tout le monde dans le processus de Brazzaville, de telle sorte que nous avancions, et je dirais presque à marche forcée, vers le Forum de Bangui et ensuite vers le désarmement, la réforme de l’armée et les élections.

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A lire :

Le Secrétaire général nomme M. Abdoulaye Bathily, du Sénégal, Représentant spécial pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional pour l’Afrique centrale

 

30 avril 2014 - SG/A/1461*-AFR/2875*-BIO/4584*

 

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a annoncé, aujourd’hui, la nomination de M. Abdoulaye Bathily, du Sénégal, comme son Représentant spécial pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional pour l’Afrique centrale (BRENUAC), basé à Libreville, au Gabon.

 

M. Bathily succèdera à M. Abou Moussa, du Tchad, à qui le Secrétaire général exprime sa gratitude pour son leadership et les réalisations importantes du Bureau régional au cours de son mandat.

 

M. Bathily possède une solide expérience politique, diplomatique et universitaire, acquise au sein de son propre gouvernement, d’institutions académiques et, plus récemment, dans le système des Nations Unies.  Il occupait le poste de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) depuis juillet 2013.

 

Auparavant, M. Bathily a assuré plusieurs portefeuilles ministériels au sein du Gouvernement sénégalais, notamment ceux des affaires africaines (2012-2013), de l’énergie (2000-2001) et de l’environnement et de la protection de la nature (1993-1998).  Élu à l’Assemblée nationale en 1998, il a été Vice-Président de l’Assemblée nationale de 2001 à 2006.

 

M. Bathily est titulaire d’un doctorat en histoire de l’Université de Birmingham, au Royaume-Uni, et d’un doctorat de l’Université Cheikh Anta Diop, au Sénégal, où il a enseigné l’histoire pendant plus de 30 ans.  Il a également fait des présentations dans plusieurs universités à travers le monde.

 

Né au Sénégal en 1947, il a quatre enfants.

 

*     Ce communiqué remplace celui du 8 juillet 2013 publié sous la cote SG/A/1421-BIO/4489-PKO/362.

 

 

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Centrafrique: les accords de Nairobi nuls et non avenus pour la CEEAC

 

Par RFI  - Publié le 31-01-2015 Modifié le 31-01-2015 à 14:46

 

Le président du Tchad, Idriss Deby (ici à N'Djamena en novembre 2014) a participé à une réunion des pays de la CEEAC sur la RCA, en marge du sommet de l'Union africaine.AFP/MIGUEL MEDINA

Le président du Tchad, Idriss Deby (ici à N'Djamena en novembre 2014) a participé à une réunion des pays de la CEEAC sur la RCA, en marge du sommet de l'Union africaine.AFP/MIGUEL MEDINA

En marge du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’union africaine, s’est tenue à l’ambassade du Tchad une réunion de la CEEAC. Etaient présents le Gabonais Ali Bongo, l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, le Congolais Denis Sassou Nguesso et le Tchadien Idriss Deby. Idriss Deby a été très clair : les conclusions des négociations de Nairobi, tant décriées par Bangui, ne seront pas retenues par la région.

« Il y a eu des rencontres informelles qui ont eu lieu à Nairobi, ce n’est pas une mauvaise chose en soi… [mais] le résultat auquel elles sont parvenues ne peut pas aider la République centrafricaine à parvenir à la stabilité et à la paix, a expliqué le président tchadien Idriss Deby à RFI.

Donc on revient à la case de départ et nous reprenons tout ce que nous avions arrêté à Brazzaville. Nous allons soutenir la médiation, nous allons soutenir les forces en présence qui sont onusiennes, et nous allons soutenir la transition. Apporter même un soutien financier de la CEEAC à la République centrafricaine : voilà les décisions que nous avions prises ».

Un nouveau soutien financier qui sera fixé lors d’une réunion qui aura lieu le 16 février. Réunion qui pourrait se tenir à Yaoundé.

Ce sera un « sommet extraordinaire de la CEEAC » ajoute le président tchadien. « Ce sommet nous permettra aussi d’évoquer la menace Boko Haram et le soutien que nous pourrons apporter à la République centrafricaine ».