26/11/2014 -
secours-catholique.org
Aude
Hadley, chargée de mission Centrafrique au Secours Catholique-Caritas France,
analyse la situation instable et fragile du pays et explique comment
l’association et ses partenaires répondent aux besoins de la
population.
Dans un camp de personnes déplacées qui ont fui
les violences dans certains quartiers de la capitale, Bangui.
© Arie
Kievit/Cordaid
Les tensions qui secouent la
Centrafrique depuis mars 2013 se sont-elles apaisées ?
Des éléments
de stabilisation permettent d’espérer un apaisement mais celui-ci reste
extrêmement fragile. La flambée de violences effrayante qui
s’est produite à Bangui en octobre est la preuve que le moindre petit accrochage
peut relancer la violence. Alors que tout le monde pensait à un retour au calme,
notamment dans la zone musulmane de Bangui, PK5, et que le commerce reprenait,
une attaque isolée a conduit à un regain de violence. Les Centrafricains sont à
fleur de peau. Il suffit d’une petite altercation pour que les affrontements
reprennent. Nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle flambée de
violences.
La situation sécuritaire du pays reste
très précaire malgré la mise en place de la
mission des Nations unies, la Minusca, dont les contingents peinent
encore à arriver. L’insécurité règne encore à Bangui et en
province
Pensez-vous que la présidente de
transition, Catherine Samba-Panza, peut
favoriser le processus de paix ?
Catherine Samba-Panza et son gouvernement sont
discrédités par leur manque d’autorité et de
moyens. De plus, l’implication d’acteurs extérieurs tels que la
médiation congolaise ne leur laisse pas beaucoup de marge de
manœuvre.
Par ailleurs,
ce discrédit a été renforcé par le scandale du don angolais (10
millions de dollars) dont 3 millions ont été détournés. Le pays est donc secoué
par un vide sécuritaire doublé d’une crise politique.
Ramener la
paix en Centrafrique passe aussi par la relance économique, or la Centrafrique
n’a aucun moyen financier. Malgré des efforts pour mobiliser des ressources
domestiques, le pays vit sous perfusion des aides de la communauté
internationale. Sans emploi, les jeunes sont donc tentés de rejoindre les rangs
des rebelles, ex-Sélékas ou anti-balakas.
Existe-t-il tout de même des avancées positives
dans le processus de paix engagé ?
Pour la
première fois, le groupe international de contact sur la Centrafrique s’est
réuni à Bangui, le 11 novembre. C’est un point important car jusqu’à présent
toutes les négociations se sont déroulées à l’extérieure du pays, donnant ainsi
la sensation aux Centrafricains de ne pas être impliqués dans leur
avenir.
Mgr Dieudonné
Nzapalainga avec l’imam Oumar Kobine Layama et le révérend pasteur Nicolas
Guerekoyame-Gbangou, ont insisté sur l’importance de la responsabilité des
acteurs centrafricains dans le retour de la stabilité. Une nécessité que le
Secours Catholique, avec d’autres associations, a rappelé dans une tribune publiée en mai
dernier.
Par ailleurs,
un forum sur la réconciliation et la
construction politique aura lieu en janvier et il abordera des thèmes tels que
le dialogue, la vérité, la justice, la lutte contre l’impunité, la
réconciliation mais aussi le processus de désarmement et les principes généraux
de la nouvelle constitution.
Nos
partenaires ont-ils des difficultés à réaliser leurs missions dans ce contexte
d’insécurité ?
Hormis le
braquage d’un camion rempli de matériel à destination des déplacés à Bambari,
nos partenaires ne rencontrent pas vraiment de difficultés à poursuivre leurs
activités. Même si Caritas est une organisation catholique, nos partenaires sont
identifiés par la population comme étant neutre. Par ailleurs, la population
commence à s’apercevoir que derrière les étiquettes des ex-sélékas et
anti-balakas, il ne s’agit que de banditisme et non d’idéaux. Toutefois la
fracture communautaire entre chrétiens et musulmans est tellement profonde en
Centrafrique qu’elle ne pourra pas s’effacer facilement. Il y a un grand travail
de réconciliation à mener.
Comment le Secours Catholique et ses partenaires
aident-ils les Centrafricains ?
Nos priorités
sont de répondre aux besoins d’urgence, d’encourager la sortie de crise avec des
actions qui permettent la reprise des activités scolaires, agricoles et
commerciales, être attentif aux enjeux de paix et de réconciliation, à la
cohésion sociale.
La majorité
des projets de développement que nous menions en Centrafrique ont été réorientés
vers une aide d’urgence dans les domaines de la santé, l’accès à l’eau,
l’éducation et la relance agricole.
Le Secours
Catholique souhaite également mettre l’accent sur la formation à la paix et la
citoyenneté. À Bangui, par exemple, avec ATD-Quart monde, nous travaillons avec
des jeunes de toutes confessions sur l’apaisement. Nous avons également lancé un
projet de gestion des traumatismes et de résilience car nous estimons qu’on ne
peut pas reconstruire une société apaisée si les gens restent traumatisés. Par
ailleurs, des sœurs seront envoyées en formation sur les techniques de gestion
des traumatismes à Montréal avec l’Institut de formation humaine
intégrale.
Propos recueillis par Clémence Véran-Richard