Fausses pistes et bons stratagèmes
« C'est à nous de fonder
notre société oubanguienne.
Pour fonder une société solide
et durable, quatre éléments sont indispensables :
-
L'élément matériel, c'est le
travail,
-
L'élément social : c'est le respect
de la personne humaine et du bien d'autrui,
-
L'élément intellectuel : c'est
l'instruction,
-
L'élément moral : c'est la religion
catholique, protestante ou musulmane.
Lorsqu’il manque à une société
un de ces éléments, elle devient de plus en plus boiteuse
et finit par tomber ;
c'est la décadence. »
Barthélémy Boganda, « La
voie du progrès »,
L'Harmattan, 1995.
Faute de pouvoir organiser les élections comme prévu
au mois de février dernier, la transition a été prolongée de 6 mois, jusqu'au
mois d'août 2015. Dans cet intervalle de temps, les autorités de la transition
sont tenues de prendre un certain nombre de dispositions dont la liste
exhaustive, dressée par le Groupe international de contact sur la RCA (GIC-RCA)
laisse à penser que rien n'a été fait depuis le 20 janvier
2014.
Enumérant la liste de ses préconisations et
recommandations, le GIC-RCA fait aussi appel à la communauté internationale, aux
amis et partenaires de la RCA et les enjoint à assurer la couverture des besoins
de financement pour 2015.
La prochaine réunion du GIC étant programmé pour le
mois de février 2015, on peut parier que la plupart de ces recommandations ne
seront pas tenues, tant le gouvernement de transition tâtonne et
godille.
En effet, en ayant mis ses pas dans ceux de ses
prédécesseurs, en les imitant jusqu'à la caricature, le chef de l'Etat de la
transition navigue à vue. Elle subit les évènements plus qu'elle ne les maîtrise
ou les commande. C'est ainsi qu'il lui aura fallu un an pour comprendre que la
sécurité était un impératif préalable à la paix !
Sans sécurité, les ministres résidents – une
institution vieille de 30 ans qui a largement démontré son inefficacité – ne
pourront pas se rendre dans les préfectures et sous-préfectures pour organiser
les consultations à la base, préludes au Forum inter-centrafricain de Bangui.
Déjà, la plupart de ceux qui s'y sont risqués ont été pris en otages par les
anti-Balaka ou les ex-Séléka.
Comme le gouvernement travaille par ailleurs dans la
plus totale opacité, ne suscitant que la participation de ses familiers et
obligés, il ne peut soulever ni la confiance ni la considération du
citoyen.
Le dialogue inclusif qui se prépare est voué à l’échec
s’il reste dans un quant-à-soi entre professionnels de la combine politique. Il
doit inclure toute personne, morale ou physique, qui souhaite être entendue.
L’appel émis par le chef de l’Etat de la transition de se regrouper en
association ou parti politique pour être entendu est un mauvais signal. Les
consultations à la base ne doivent pas être caporalisées et vidées de leur
substance par des procès-verbaux rédigés à l’avance et prêts à
l’emploi.
Le Conseil national de la résistance centrafricaine
entend y prendre toute sa part et demande à être entendu, afin de dénoncer les
fausses pistes et proposer les bons stratagèmes pour une vraie sortie de
crise.
I – Critique du programme de Nairobi.
Commencé fin décembre 2014, à l’initiative du
Médiateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou
Nguesso, la rencontre de Nairobi, la capitale kenyane, a débouché sur un
protocole d’accord pour le moins susprenant. Outre qu’elle a permis aux
présidents déchu et démissionnaire, François Bozizé et Michel Djotodia, de se
parler en vis-à-vis, cette rencontre met en avant des points d’accord
irréalistes :
-
cessation des
hostilités entre groupes rebelles anti-Balaka et
ex-Séléka ;
-
le
cantonnement des forces belligérantes ;
-
la
délimitation de leur territoire respectif et la détermination d’une ligne de
démarcation ;
-
le
désarmement des forces armées centrafricaines loyalistes et leur
casernement ;
-
le
désarmement, démobilisation et réinsertion de leurs propres
troupes ;
-
la
constitution d’un nouveau gouvernement national de
transition ;
-
l’élargissement de l’actuel Conseil national de la
transition ;
-
la révision
de la Charte constututionnelle de la transition ;
-
la
programmation d’une troisième transition !
On ne discutera pas ici du bien fondé de chacune de
ces propositions ci-dessus prises séparément. Tout ceci relève d’un processus de
délirium tremens pour des addicts du pouvoir. Ils font peu de cas du peuple, de
sa situation et de ses attentes.
Il suffit d’avoir toujours présent à l’esprit
l’interview accordée par Michel Djotodia au journaliste du quotidien l’Est
Républicain, Sébastien Michaux : « Mon retour se fera, et par des
moyens pacifiques, au moment opportun, en accord avec la communauté
internationale, afin de favoriser la paix et de rassembler le peuple
centrafricain », avait-il déclaré alors, s’estimant « injustement
chassé du pouvoir ».
Il faudra également se rappeler les termes de
l’entretien accordé par François Bozizé à l’un de ses thuriféraires, journaliste
au magazine français Le Point, dans lequel il ne doutait pas de son retour au
pouvoir, lui qui est resté 10 ans à la tête de l’Etat centrafricain et en a fait
litière.
Après tant de sang versé, la rencontre de Nairobi et
ses conclusions relèvent d’une messe noire entre vampires ! Ce n’est plus
la conjuration des imbéciles, ni le protocole des assoiffés, elle rivaliserait
plutôt avec « Les Désaxés » le film de John Huston, avec, dans le
rôle de Rosalyn, le Pouvoir !
Passe encore que deux anciens « présidents »
tiennent leur successeur pour négligeable, s’agissant par ailleurs d’une femme.
Mais qu’ils en viennent à prendre l’organisation des Nations Unies et le Conseil
de sécurité comme des chambres notariales de leurs désidérata respectifs est
sidérant. A leur décharge, soyons bon prince, il faut bien noter que les
résolutions de l’Onu ou ses menaces de sanctions ne les affectent ni les
impressionnent, pour le moment ; le « Machin » se faisant si peu
respecté par les grandes puissances !
On voudra simplement, pour conclure ce chapitre glaude
de la crise centrafricaine, rappeler les attendus de l’accord de Nairobi :
« Suite à une analyse approfondie des causes
historiques du conflit en République Centrafricaine durant les périodes
précoloniale, coloniale et post-coloniale, et conclu que les origines et les
causes profondes des conflits politiques et armées sévissant en RCA, émanent des
injustices historiques non contestées liées à la mauvaise gouvernance, à la
répartition inéquitable du développement, et à la manipulation des dirigeants et
des populations de la République Centrafricaine par des acteurs étatiques et non
étatiques externes en quête de leurs propres
intérêts. »
Ainsi, nos dirigeants ne sont responsables de rien,
ils n’ont fait qu’obéir à des forces externes qu’ils n’ont pas vu
venir !
II - Les fausses pistes.
La répétition séquentielle et à intervalles quasi
réguliers des crises politiques en Centrafrique laisse à penser que les
différents chemins empruntés jusque-là pour les résoudre n’étaient pas les
meilleurs. D’où la tentation de
recourir au concept de résilience pour rendre compte de la situation
actuelle ; la résilience étant ici définie comme « la capacité de
résister à un choc pour se reconstruire », qu’il s’agisse d’une personne
physique ou une société. La réponse au choc consiste soit au déni, le clivage ou
la rationalisation de la crise ou du phénomène. La démarche s’articule autour de
trois notions :
-
le lien,
quelle est la nature des liens qui unissent les Centrafricains entre
eux ;
-
la loi,
quelles sont les règles qui président à la rétribution de ces liens lorsqu’ils
sont respectés ou violés ;
-
le sens, quel
type de sanctions sont attachées à ces règles.
Il ressort de ces considérations que de fausses pistes
peuvent induire en erreur les protagonistes du futur Forum inter-centrafricain
de Bangui dit de dialogue inclusif et de réconciliation nationale, si les
procédures et méthodes de son organisation ne prennent pas en compte les notions
ci-dessus.
1 – La première fausse piste consiste à
admettre, sans examen préalable, que tout se vaut, c’est-à-dire avancer l’idée
que la RCA est en crise depuis sa création. Une telle considération met sur le
même plan les différents régimes politiques qui se sont succédés à la tête de
l’Etat ; ils partageraient les mêmes tares. Or ceci est faux. Certains
régimes politiques ou présidents de la République sont plus fautifs que
d’autres, en particulier ceux qui ont fait appel à des forces étrangères,
conventionnelles ou non conventionnelles, pour imposer leur domination ou
conforter leur pouvoir, procédant par la terreur, les exactions de toute sorte
ou des crimes de masse. Chaque régime mérite examen et ne doit être jugé que sur
ses propres tares ou sa réussite.
2 – La seconde fausse piste vise à établir la
règle selon laquelle chaque région doit être représentée au gouvernement. C’est
la théorie de l’équilibre régional ou ethnique. Poussée à sa limite, cette piste
aboutie à la création d’autant de ministères que de régions ou, plus encore,
autant de partis politiques que de tribus. Cette considération est la base du
concept de tribu-classe, laquelle est considérée comme un tout insécable au même
titre qu’on parle de classe ouvrière. La thèse de l’équilibre régional est la
négation même de l’idée de Nation, une et indivisible. Que l’on soit du nord ou
du sud, de l’est ou de l’ouest, on est le représentant de toute la nation
lorsqu’on accède au gouvernement. C’est pour donner naissance à ce sentiment
d’appartenance à une seule et même communauté que le régime du président David
Dacko, dès 1963-
3 – La troisième fausse piste repose sur la
théorie de l’équilibre « sociologique » des forces armées. Si on
reprend la proposition n° 16 issue de la réunion de Nairobi, cette fausse piste
s’énonce comme il suit : « la réhabilitation et la restructuration de
nouvelles Forces de sécurité nationales de la République Centrafricaine, dotées
d’une nouvelle structure de commandement et de contrôle, et composées
d’effectifs équitables des ex-combattants éligibles des Parties au présent
accord, des membres de l’actuelle armée de la RCA, ainsi que de nouvelles
recrues qualifiées à partir des populations civiles de la République
Centrafricaine, ayant l’aptitude et les qualifications requises ». Derrière
ce jargon, il s’agit de créer une armée de métier où les protagonistes de la
crise actuelle éliront leurs ayant-droits.
Cela ne se peut : l’engagement dans l’armée doit
rester un acte individuel et volontaire, qui peut intervenir soit directement en
sortant d’une école militaire (EMET, ESFOA), soit indirectement à l’issue d’un
service national obligatoire ouvert à tous les jeunes en fin de scolarité,
garçons ou filles.
4 – Quatrième fausse piste, elle est
représentée par l’exigence totémique de consultations électorales au suffrage
universel direct : un Homme, une voix. C’est l’idéal lorsque toutes les
conditions (sécurité, identification, instruction…) requises pour solliciter la
participation du peuple sont réunies ou consolidées. Telle n’est pas la
situation actuelle en RCA où l’Etat est en faillite. Les autorités de la
transition sont les premières à le reconnaître ou à le proclamer :
destructions des registres d’état civil, absence de listes électorales fiables,
non réintégration des déplacés ou des réfugiés, etc.
Dès lors, à circonstances exceptionnelles, mesures
exceptionnelles : il faut créer et faire voter un collège de grands
électeurs, composé des chefs de terre, chef de village ou maires de communes.
Ils sont 10.000 environs et constituent un échantillon parfaitement
représentatif de la population civile du pays. Ils éliront en connaissance de
cause un nouveau Président de la République dont l’installation, au plus tard en
août 2015, mettra fin à l’actuelle transition, sans que l’on soit obligé à une
troisième.
5 – Cinquième et dernière fausse piste – les
exigences du temps nous poussent à aller à l’essentiel – la menace de la
partition de la RCA ou la tentation du séparatisme. Elle s’exprime, soit
directement par la prise de position des représentants de l’ex-Séléka au forum
de Brazzaville, soit indirectement par le refus d’admettre les fonctionnaires de
l’Etat nommés par le gouvernement de transition dans telle ou telle province,
voire l’interdiction faite aux hommes ou femmes politiques de se rendre dans les
localités contrôlées par l’un ou l’autre des mouvements rebelles en activités.
Cette propension à « faire bande à part » a été évoquée par Michel
Djotodia dans l’interview téléphonique citée plus haut : « Au moment
où je vous parle, si on organisait un référendum d’autodétermination dans le
nord-est du pays le « oui » à la partition l’emporterait ». La
tentation est de rejeter cette proposition en s’abritant derrière les
résolutions de l’OUA de 1963, selon laquelle les frontières héritées de la
colonisation sont intangibles. Certes ! mais une frontière, c’est comme un
peau, dirait Régis Debray. Elle permet de respirer, de permettre la circulation.
L’occasion est donnée de soumettre de notre pays au référendum. Que ceux qui ne
souhaitent pas rester s’en aillent, si c’est la solution qu’ils ont trouvé pour
prétendre et accéder à un poste ministériel ! On ne peut contraindre au
vivre ensemble.
II – Les bons stratagèmes.
La métaphore de l’équipe de football veut qu’on
revienne aux fondamentaux dès lors que, après changement de joueurs,
renouvellement du capitanat, changement d’entraîneur, renouvellement de la
présidence, rien ne va. Il faut dès lors revenir aux fondamentaux,
c’est-à-dire : à une gestion rigoureuse, à une ligne hiérarchique simple
qui place les joueurs sous l’autorité exclusive de l’entraîneur, et un
entraînement basé sur l’apprentissage des gestes élémentaires tels que conduite
individuelle de balle, passe à deux avec course, passe à trois avec remise, etc.
La République Centrafricaine est à la croisée des chemins : la relégation
ou le rebond !
Les bons stratagèmes consistent donc à réunir les
propositions qui, en dehors de tout jugement de valeur sur les hommes,
permettront au pays de rebondir. Les discussions à venir au cours du Forum
inter-centrafricain de Bangui doivent se nouer autour de sujets précis et de
documents partagés.
En l’absence de tout audit commandé en son temps par
les autorités de la transition pour donner une idée précise de l’état des lieux
en Centrafrique, il faut recentrer les débats sur les seules questions du
moment : la sécurité, l’impunité et l’organisation de
l’Etat.
1 – De la sécurité. La problématique posée par
le rétablissement de la sécurité sur toute l’étendue du territoire centrafricain
exige en premier lieu, le démantèlement de tous les groupuscules armés.
Il ne s’agit point, pour les autorités de la
transition, de trier le bon grain de l’ivraie. Tout groupe armé, différent et
exclusif des forces de sécurité nationales doit être dissous, de manière
volontaire et unilatérale ou par la force armée, en application des résolutions
du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les autorités de la transition ont tort de tergiverser
avec le principe de l’unité du corps républicain des forces de sécurités
conventionnelles. Dans les jours qui viennent, et plus précisément à partir du
15 mars 2015, dès le retrait des forces opérationnelles françaises de
l’opération Sangaris, et des forces européennes de l’Eufor-RCA, les éléments
combattants des anti-Balaka et ex-Séléka se mettront en mouvement pour éprouver
l’Etat et prendre le pouvoir à Bangui. Leur stratégie se fonde sur un constat
immuable : les Casques bleus de l’Onu ne combattent pas, sauf agression
directe. Par définition, les Casques bleus sont une force d’interposition.
Les forces combattantes des milices et rébellions se
mettront en ordre de marche, en évitant soigneusement de croiser le fer avec les
forces de l’Onu.
Le chef de l’Etat de la transition, en sa qualité de
chef suprême des armées centrafricaines, devra se préparer à la confrontation.
C’est l’avertissement lancé par la proposition n° 19 de l’accord de Nairobi :
« Immédiatement après l’entrée en vigueur de l’Accord, et au plus tard à la
date du lancement du processus de désengagement et de désarmement des forces et
combattants des Parties, il doit être demandé au Conseil de Sécurité des Nations
Unies d’autoriser la Minusca à prendre le contrôle des opérations militaires de
la RCA, et que tous les éléments restants de l’actuelle Armée centrafricaine
soient consignés à leurs casernes, et leurs armes placées sous la garde
sécurisée des dépôts d’armes du gouvernement, jusqu’à la mise en service
officielle des Forces armées centrafricaines nouvellement réhabilitées et
reconstituées ». Cette exigence est un subterfuge qui doit appeler une fin
de non recevoir immédiate et claire !
L’ Armée nationale centrafricaine doit être
reconstituée autour des éléments loyaux et non déserteurs des FACA, de la
Gendarmerie nationale ou de la Police nationale. Ces éléments doivent être armés
dans les conditions définies par la loi et agir au nom de l’autorité de l’Etat,
en partenariat et sous le contrôle des forces internationales dépêchées en
Centrafrique.
2 – De l’impunité. On glose depuis un an au
moins, et les autorités de la transition ne sont pas en reste, sur le principe
de l’impunité. Or sur le terrain rien ne vient concrétiser ce discours. En
réalité, l’impunité est à la justice ce que la tolérance zéro est à l’ordre
public : une incantation !
Le problème de la République centrafricaine n’est pas
celui de l’impunité, celle des puissants qui échapperaient aux sanctions
pénales, au contraire du simple citoyen qui y serait assujetti. La problématique
est celle de la justice qui n’y est pas rendue, ni au puissant ni au faible,
parce que la justice a été « privatisée » : les avocats négocient
avec les juges, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les conditions du
règlement des différents contentieux, lorsque ce n’est pas le pouvoir qui
délivre des « lettres de cachet » contre de supposés fauteurs de
troubles. On a ainsi vu un avocat être poursuivi et recherché parce qu’un
incendie a détruit l’entrepôt d’un commerçant proche du président de la République
d’alors, mais en conflit avec un de ses clients. Faute de mettre la main sur le
conseil, le pouvoir a embastillé l’épouse de ce dernier et son clerc ! Ceci
n’est pas la justice.
La situation actuelle en République Centrafricaine
exige deux principes clairs et forts de la part des congressistes au Forum
inter-centrafricain de Bangui :
-
le rejet de
toute procédure d’amnistie générale – en Afrique du sud, ce principe n’a pas été
retenu : les personnes ont été jugées mais leurs peines ont été commuées ou
elles ont été dispensées de peine – et,
-
la création
d’un tribunal spécial pour juger des crimes de guerre ou des crimes contre
l’humanité au vu des exactions exercées par les milices et les rebellions à
l’encontre des populations civiles.
Tel doit être le début de la réforme de la justice.
Ces deux décisions, concomitantes, doivent être affirmées ou réaffirmées dès le
début du Forum de Bangui.
3 – De l’organisation administrative de l’Etat.
On aborde ici la question centrale de l’unité et de l’indivisibilité de la
République Centrafricaine. Nous l’avons vu plus haut, celles-ci sont remises en
causes par une partie de la classe politique et, pour tout dire, par la
rébellion fomentée par les ex-Séléka. La stratégie en la matière est
simple : ou bien le refus de toute sédition, dans le respect de la
résolution de l’OUA de 1963, ou bien l’ouverture d’un processus de consultation
populaire, un référendum. Ceux qui voteraient pour la partition prendraient leur
responsabilité de quitter l’enceinte de la RCA. Il ne faut pas avoir peur de
cette séparation et s’en faire l’esclave. Qui trahit trahira. En appelant à la
partition, les tenants de la République du Dar El Kouti, nostalgiques du sultan
Sénoussi, savent bien sous quel maître et férule ils préfèrent être administrés.
Il en sera de même pour les contempteurs de la République du Logone, admirateurs
de Karinou. Demain peut-être se lèveront les disciples de « l’apôtre »
Ngoutidé ou encore d’un adepte de la République des Azandé ! La République
peut faire la guerre à tous pour consolider son impérium. Elle peut tout aussi
bien faire preuve de générosité et d’intelligence en posant dès aujourd’hui la
question de l’unité nationale, par référendum.
Il ne reste pas moins qu’il faille se poser la
question de la gouvernance de l’Etat centrafricain. Dans sa configuration
actuelle, héritée de la colonisation et corrigée sous la présidence du général
André Kolingba, cette organisation reconstitue les pseudos limites des zones
tribales. Les 16 préfectures actuelles ne correspondent à aucune autre réalité,
et ne répondent pas aux exigences contemporaines de grands ensembles
susceptibles d’ « économies d’échelles ». L’organisation de la
RCA doit être revue sur la base de cinq grandes régions, et sa gouvernance
fondée sur des mécanismes de déconcentration budgétaire et de décentralisation
administrative.
Pour prendre un seul exemple, il est curieux et
totalement inefficient, que tous les passeports délivrés en RCA doivent être
signés du seul ministre de l’Intérieur ! Cela provoque engorgement,
arbitraire et corruption. Une règle doit être posée, et une seule, qui s’impose
à toutes les administrations habilitées à délivrer ces documents de voyage et à
en rendre compte au fin de centralisation et d’archivages.
Le référendum à venir sur la nouvelle constitution
centrafricaine, la septième sans doute depuis l’indépendance du pays, devra
poser ces questions et entériner les réponses qui y seront
données.
C’est pourquoi, rien ne sert de précipiter les choses,
il faut aller à point : d’abord l’élection au suffrage universel indirect
d’un nouveau président de la République, sur la base de l’actuelle Charte
constitutionnelle de la transition. A ce dernier, une fois installé, d’engager
les différentes réformes soulevées ci-dessus, à travers le référendum populaire
de la réconciliation nationale.
Nul besoin d’une troisième transition. C’est
d’ailleurs ce que vient de confirmer la lettre du Médiateur de la crise
centrafricaine, le président de la République du Congo Denis Sassou Nguesso, à
son collègue kenyan Uhuru Kenyatta, facilitateur de la réunion de
Nairobi.
Paris, le 30 janvier 2015.
Prosper INDO