Centrafrique : Chroniques
douces-amères – 18
Transition : Clap de fin le 15 février
2015 ?
A vouloir ne pas respecter la lettre et l’esprit
des textes, on condamne la RCA aux tâtonnements inutiles et à la prolongation de
la crise.
Au sortir d’une consultation avec les différents
acteurs politiques centrafricains, le chef de l’Etat de la transition a accepté
de respecter la fin de la transition en cours du 15 février 2015. Il y a
quelques jours, elle était persuadée du contraire et tentait de nous en
convaincre.
Au lieu de lancer un appel salutaire au sursaut
national en appelant tous les postulants à la candidature présidentielle à
l’aider à pacifier le pays, elle choisit un acte d’autorité puérile et expose
notre pays au suicide collectif ; après moi le déluge… C’est
ingrat !
Le proverbe dit : « Tout a une fin, sauf
la banane qui en a deux ».
Le milliard évaporé déclenche une enquête
parlementaire.
Jeudi 16 octobre 2014, le président du Conseil
national de la transition a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête
parlementaire charger de faire la lumière sur la destination donnée à la somme
d’un milliard de francs CFA distraite d’un don angolais d’un montant global de
10 millions de dollars américains, conformément à l’article 23 du règlement
intérieur de l’institution parlementaire.
Le plaidoyer du premier-ministre ne semble pas
avoir convaincu son auditoire, et sa suggestion de recourir à la saisine de la
Cour des comptes – disposition inscrite dans la Charte constitutionnelle de la
transition - a fait long feu.
Le proverbe dit : « Celui qui vit près
de l’eau sait nager ».
Milliard évaporé : le conte de Bouki va à la
mer.
Trop d’explications tuent l’explication !
Dans un plaidoyer long et touffu, le premier-ministre du gouvernement de
transition a tenté de justifier la destination du milliard de francs CFA . Il
aura commis une erreur d’appréciation et de jugement.
Dans son propos liminaire, il a inutilement braqué
son auditoire en laissant à penser que l’interpellation des conseillers était
une « polémique inutile », un contre-feu allumé par les ennemis de la
transition pour torpiller sa « Déclaration de Réengagement en vue de la
mise en œuvre de la feuille de route » adoptée par la communauté
internationale et le CNT ! Ce serait donc un complot, un de
plus !
L’erreur de jugement a consisté à détailler la
destination supposée de ces « fonds spéciaux », au mois le mois, en
arguant d’appellations trop générales ou trop vagues pour convaincre, ou en
tentant d’éclabousser tout le monde. Le premier-ministre a tort de persévérer
dans la suffisance : dans les grandes démocraties, les fonds spéciaux, qui
étaient utilisés à des fins privées (compléments de rémunération des ministres
et de leurs collaborateurs) et pour le financement illégal des partis
politiques, ont été supprimés (France en 2001). Ils ne servent plus que
pour couvrir les opérations des services de renseignements, sous le contrôle,
sur pièces justificatives, d’une Commission parlementaire.
En faisant appel aux exemples étrangers, Mahamat
Kamoun a tout faux ; ce n’est pas parce que ton voisin bat sa femme que tu
dois en faire autant.
Comme dirait le livre de Leuk-le-lièvre :
« le conte de l’oncle Bouki-l’hyène va à la
mer »!
Le proverbe dit : « Quand on enterre un
cadavre, on ne laisse pas ses pieds dehors ».
Le voyage macabre des ex-Séléka et anti-Balaka à
Kouango.
Des informations de bonne source en provenance de
Bambari, « des individus armés se réclamant des anti-Balaka, partis de
Bambari en direction de Kouango, ont froidement assassiné cinq personnes à
Bangao et Bombella, les accusant de collaborer avec les ex-Séléka et d’avoir
divulguer la position de leurs troupes ». A l’inverse, dans un autre
village situé sur la route menant à Kouango, les éléments des ex-Séléka basés
dans cette ville, et supposés appartenir au clan du « général Ali Darass,
auraient exécuté en public deux jeunes hommes sous l’accusation de trahison et
d’appartenance supposée à la milice anti-Balaka ».
Kouango étant une sous-préfecture de la Ouaka dont
Bambari, le chef-lieu, est le siège de l’état-major des ex-Séléka, le
« général » Joseph Zoundéko, ancien bourreau de la région de
l’Ouham-Pendé sous le régime de Michel Djotodia, doit assumer la responsabilité
de ces forfaits devant le tribunal spécial ou le CPI.
Déjà en mars 2013, au plus fort de l’expédition
des troupes de l’alliance Séléka, Kouango avait souffert le martyr. En mai 2014,
un collectif villageois avait lancé un pathétique SOS resté lettre
morte.
Le chef de l’Etat de la transition devrait se
montrer plus attentif au triste sort de Kouango.
Le proverbe dit : « La poule n’a jamais
honte de son poulailler ».
Quand la Médiation internationale de la crise
centrafricaine se trompe d’interlocuteurs.
Une délégation de la médiation internationale
dépêchée par le président congolais Denis Sassou Nguesso a séjourné à Bangui ce
samedi 18 octobre 2014 pour rencontrer les signataires de l’accord de cessation
des hostilités issu du Forum de Brazzaville, et ramener le calme après la
flambée de violences des quinze derniers jours ayant entraîné une vingtaine de
morts, des centaines de blessés et des milliers de
déplacés.
« Nous condamnons ces évènements. Nous
voulons que les Centrafricains se remettent ensemble, se parlent, dialoguent.
C’est par le dialogue, le débat d’idées qu’on sortira de cette crise de manière
durable » a indiqué le ministre congolais des Affaires
étrangères.
L’erreur consiste à penser qu’en face, il y a des
oreilles qui écoutent et des responsables politiques qui ont une vision précise
de l’avenir de la RCA. La réalité est moins reluisante : des voyous, des
truands, des bandits et des mafieux ont pris possession du territoire et
n’entendent que le langage de la force et de la répression. Il faudra s’y
résoudre.
Le proverbe dit : « Quand on coupe les
oreilles, le cou s’inquiète » !
Les menaces aux sanctions de l’Onu sont
inaudibles.
L’émissaire du Médiateur de la crise
centrafricaine, le ministre congolais des Affaires étrangères, Basile Ikouébé
est formel : « il n’y aura pas de troisième transition. Il faut se
dire que nous allons aux urnes ». Autrement dit, il enjoint au gouvernement
de la transition d’élaborer le chronogramme des activités qui doivent conduire
les différentes étapes du processus électoral d’ici au 15 février
2015.
A l’adresse des fauteurs de troubles, le ministre
est moins explicite : « il y a des résolutions de l’Onu, il y a des
personnes ciblées et ces mesures n’ont pas été activées parce que nous
privilégions le dialogue politique ». Après neuf mois et demi de dialogue,
la communauté internationale devrait bien se rendre à l’évidence,
non ?
Le proverbe dit : « Celui qui demande
qu’on lui répète, n’est pas forcément sourd ».
La ville de Kaga-Bandoro ne voit venir aucun
miracle.
Aux dernières nouvelles, les éléments de
l’ex-rébellion Séléka, qui s’étaient mis en mouvement il y a quinze jours en
direction de Bambari, certainement pour assister à l’assemblée générale du parti
populaire pour la renaissance du Centrafrique (PPRC), convoquée par le premier
vice-président dudit mouvement, le « général » Nourredine Adam,
ont choisi de regagner leur base d’attache. Plusieurs convois de véhicules armés
sont rentrés dans la ville de Kaga-Bandoro, suscitant l’inquiétude de la
population qui commence à fuir en brousse.
Une autorité locale a qualifié cette entrée de
calvaire : « nous les autorités, nous ne pouvons pour le moment rien
faire. L’autorité de l’Etat n’existe pas dans la ville depuis que les groupes
armés se sont installés ici. Nous écoutons les pleurs et les doléances de la
population mais nous ne pouvons pas apporter des réponses comme au beau vieux
temps. Ce que nous faisons, c’est de rendre compte à Bangui et attendre les
miracles ».
Pour les ex-Séléka, placés ici sous la
responsabilité d’un certain « général »Alkhatime, il s’agit de cinq
véhicules seulement, pas plus, venus pour une réunion : « nous voulons
donner des consignes » !
Le proverbe dit : « Là où la hache va,
c’est pour couper du bois ».
La réponse de la bergère aux
bergers.
Le 7 octobre 2014 dernier, s’invitant devant le
Conseil national de la transition (CNT) pour restituer les conclusions du Forum
de Brazzaville tenu 3 mois plus tôt, le chef de l’Etat de la transition avait
laissé planer une menace voilée : rendre publique la liste des
bénéficiaires du 1,3 milliard distrait du don angolais. Le journal « Le
Citoyen » de Bangui a livré hier, mardi 21 octobre 2014, la liste des
premiers récipiendaires. Elle est renversante et comprend des noms qui devraient
être au dessus de tout soupçon. Hélas ! Parmi ces personnalités, la figure
la plus emblématique est celle de Joseph Bindoumi : ancien procureur de la
République près le TGI de Bangui, ancien ministre de la Justice et de la
Moralisation de la vie publique (cela ne s’invente pas) sous François Bozizé, et
aujourd’hui président en exercice de la Ligue centrafricaine des droits de
l’homme. Autre ripou, l’inévitable Cyriaque Gonda, président du minuscule parti
national pour un Centrafrique nouveau (PNCN), ancien ministre d’Etat à la
communication de François Bozizé, revenu en grâce sous Michel Djotodia en
qualité de directeur du Forum de Réconciliation nationale, un bidule censé
vanter les mérites du mahométan, qui se liera d’intérêts plus tard pour les
anti-Balaka de Patrice Ngaïssona. Tout le monde voit le
genre…
Après « Les 7 mercenaires » et
« Les 12 salopards », voici « Les 14
ripoux ».
Le proverbe dit : « C’est pas parce que
le chacal a mauvaise haleine qu’il faut l’empêcher de
bailler ».
L’ambassadeur de France au Congo-Brazzaville
préoccupé par la situation en RCA.
A l’issue d’un tête-à-tête avec le chef de l’Etat
congolais Denis Sassou N’Guesso, médiateur dans la crise centrafricaine, le
représentant français à Brazzaville, Jean-Pierre Vidon, s’est déclaré préoccupé
par les derniers développements de la situation sécuritaire en République
centrafricaine :
« Sans doute il faudra du temps pour parvenir
aux élections mais il faudra que cette période de temps soit aussi contenue que
possible. Il y aura encore beaucoup de négociations à ce sujet, l’essentiel
étant que l’on poursuive dans la transition, une transition qui ne doit pas
perdurer au-delà des limites qui ont été fixées. Ce que l’on peut souhaiter pour
la RCA, c’est que le plus vite possible la transition soit faite pour que les
élections puissent se tenir à une échéance aussi proche que possible ».
Une précision toutefois : l’ambassadeur de
France au Congo depuis mars 2014 connait bien la RCA ; il y a été premier
secrétaire d’ambassade puis ambassadeur. On connait la
suite !
Report de la conférence des maires
francophones.
La conférence des maires de Centrafrique qui
devait se tenir à Bangui vendredi dernier, 17 octobre 2014, à l’initiative de
l’association internationale des maires francophones (AIMF) en vue de faire un
état des lieux des municipalités de la République centrafricaine, a été reportée
à une date ultérieure en raison de l’insécurité qui règne à
Bangui.
L’édile de Bangui, Mme Hyacinthe Wodobodé a mis en
exergue le manque à gagner que devrait procurer la tenue de cette rencontre pour
la Centrafrique. Elle a appelé à la cessation des hostilités pour faciliter
« la reprise du cycle de développement de la
RCA ».
On rappelle qu’en vue de la préparation de cette
conférence, l’AIMF a octroyé une somme de 3 millions d’euros (2 milliards de
francs CFA) à la municipalité de Bangui.
Le proverbe africain dit : « On ne bat
pas le tambour dans l’eau ».
L’Euror-RCA joue les
prolongations.
La Force européenne en Centrafrique dénommée
Eufor-RCA a obtenu une prolongation de son mandat, lequel s’étendra jusuqu’à la
mi-mars 2015 : « Il est important que nous montrions à la population
et aux fauteurs de troubles que l’Eufor-RCA est là en permanence, à travers des
patrouilles nombreuses qui passent dans le même endroit et qui ne s’arrêtent pas
la nuit. Et nous continuerons de le faire, soit à pied soit en
véhicule ».
Pour le général Philippe Pontiès, commandant de
l’Eufor-RCA, « la position de l’Eufor-RCA dans cette affaire c’est de créer
des conditions du maintien ou du renforcement d’un environnement sécurisé pour
l’ensemble de la population pour permettre à celles-ci de s’adonner à des
activités normales. La population doit être en paix et avoir le droit d’espérer,
tout en permettant aux humanitaires de conduire leurs actions et de poursuivre
ceux qui n’ont pas intérêt à ce que lz paix s’installe durablement dans le
pays ».
Le proverbe africain dit : « Ne jette
pas la provision d’eau de ta jarre parce que la pluie
s’annonce ».
Paris, le 22 octobre 2014
Prosper INDO