Centrafrique : Chroniques
douces-amères – 20
« Sans la
liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges
flatteurs »
(Beaumarchais)
Le CNT renonce à sa commission d’enquête sur le
milliard évaporé.
Le conseil national de transition a renoncé à la
mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, décidée le 16 octobre
2014 dernier, pour retracer le circuit de plusieurs millions de dollars évaporés
d’un don accordé par le gouvernement angolais : « l’intervention de la
communauté internationale et plus particulièrement du médiateur international
dans la crise centrafricaine, et dans un souci d’apaisement, les conseillers
nationaux de transition ont décidé de surseoir à la mise en place de la
commission d’enquête prévue sur la gestion du don angolais », a déclaré
Patrick-Thierry Akozola, le rapporteur du CNT. Tout ça pour
ça.
A la vérité, les politiciens centrafricains ont un
problème avec le concept de responsabilité : avant-hier c’était la faute de
la France, hier c’était la faute du Tchad, aujourd’hui c’est la faute au
médiateur congolais !
Demain ? Ce sera un autre…
jour.
Une marche pour réclamer le départ des forces
internationales de Bambari.
Des milliers de personnes auraient marché mardi 28
octobre 2014 pour demander « le retrait immédiat et sans condition »
des soldats français et des forces internationales de la Minusca, accusés de
« soutenir les peulhs qui déciment les civils dans les périphéries de la
ville de Bambari.
Les manifestants exigent « le déploiement des
forces armées centrafricaines ».
Dans un communiqué de presse, le Collectif des
ressortissants de la Ouaka (CRUK) a dénoncé l’incapacité des forces
internationales basées à Bambari à assurer la protection des populations. Le
CRUK demande également le départ sans délai des deux coordinations des ex-Séléka
de la région.
Rappelons qu’il y a quelques années, sous le
régime du président déchu François Bozizé, les mêmes manifestants dénonçaient le
déploiement des forces armées centrafricaines dans la région, accusées de
pratiquer la politique de la terre brûlée.
Dans le malheur, on ne sait jamais à quel saint se
vouer.
Les femmes à la rescousse de Catherine
Samba-Panza.
L’association « Femmes debout » pour la
paix en Centrafrique déclare ce lundi 27 octobre 2014, un soutien ferme à la
présidente de la transition dans la mise en œuvre du programme de renaissance de
la Centrafrique. Les « Femmes debout » se sont réjouies
« de constater la vitalité retrouvée au sein de leurs structures notamment
régionales ; de nombreuses adhésions et des soutiens massifs aux actions de
la présidente de la République et du gouvernement ».
Au moins, le milliard évaporé n’aura pas été perdu
pour tout le monde. Bientôt on verra des « Femmes debout »,
endimanchées dans des pagnes à l’effigie du chef de l’Etat de la transition,
défiler en un Comité de Salut Public.
C’est le double effet « kiss cool » du
don angolais !
Le désarmement des milices a
commencé.
Le calme est revenu depuis deux jours à Bangui,
capitale de la RCA, qui aura connu tout au long du week-end dernier des
affrontements armés et échanges de tirs entre les forces internationales et des
groupes armés non identifiés. L’incident a débuté vendredi dernier 31 octobre
2014 lorsque les forces de sécurité intérieures centrafricaines, épaulées par
les troupes des Nations Unies et de l’opération Sangaris, sont intervenues dans
le quartier de Boy Rabé, considéré comme le fief des milices anti-Balaka. Il
s’agissait d’appréhender un certain Andjilo, responsable anti-Balaka, auteur
présumé de nombreuses exactions contre la population civile. Vers l’application
stricte des résolutions du Conseil de sécurité ?
On aimerait le croire, si ce n’était la quasi
liberté dont bénéficient les rebelles ex-Séléka : Nouredine Adam, Abdoulaye
Hissene, Moussa Dhaffane, Ousmane Mahamat Ousman et autres Joseph Zoundeko et
Ali Daras, soumis, eux, à des mesures dites de confiance.
Encore un effort !
L’ex-Séléka se dote d’un nouveau commandement
militaire.
Après le départ d’une partie de ses cadres pour
fonder l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), l’ex-alliance Séléka se
restructure à nouveau, en mettant en place une nouvelle chaîne de commandement
militaire : le nouveau chef d’Etat-major serait le « général »
Arouna Arda, lequel s’était illustré le 24 mars 2013 lors de la prise du Palais
de la Renaissance. A ses côtés, on trouvera deux adjoints, Yaya Piskoum et Adoum
Nanon. Le « général » Mahamat AlKatim, bourreau de Kaga-Bandoro,
devient conseiller militaire. Le mouvement sera par ailleurs représenté par
Moustapha Kamoun et l’ancien ministre Ousman Mahamat Ousmane dans les
négociations inter-centrafricaines.
Selon les participants, seul l’ancien état-major a
été destitué « pour des faits et des écarts de comportement ». L’aile
politique, instituée par un communiqué au numéro d’enregistrement fantaisiste du
Front populaire pour la renaissance de Centrafrique (FPRC), demeure donc en
place. Le « général » Nourredine Adam peut donc plastronner. Il
« a tenu un discours apaisé et apaisant », selon des témoins à cette
réunion qui aura enregistré la présence de deux membres du gouvernement de
Mahamat Kamoun et de représentants de la communauté internationale. Pendant ce
temps, les tueries continuent à Batangafo !
Qui a dit que l’impunité était désormais inscrite
au cœur de la nouvelle politique de sécurité du chef de l’Etat de la
transition ?
L’université de Bangui inaugure une nouvelle
structure scientifique.
L’université de Bangui s’inscrit dans la modernité
en se dotant d’un Laboratoire d’économie rurale et de sécurité alimentaire
(LERSA). Inaugurée le mardi 28 octobre 2014 dernier, la nouvelle structure,
reliée à la faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG), aura trois
finalités selon son directeur : « la recherche-action dans le domaine
de l’économie rurale et la sécurité alimentaire, la formation de haut niveau
dans le domaine de la sécurité alimentaire, de l’économie rurale et de l’action
humanitaire, et, enfin, l’expertise-conseil ». Espérons que le LERSA n’aura
pas pour ambition de modifier les habitudes alimentaires des Centrafricains,
comme en son temps le programme de « stratégie nationale de développement
de la riziculture (SNDR) du docteur Essène Hamat Mal Mal, alors chef du
département élevage à l’ISDR, à l’université de Bangui.
Essène Hamat Mal Mal n’est autre que le théoricien
de la partition de la RCA au sein du Front populaire pour la renaissance de
Centrafrique !
Grève au Collège technique de développement rural
(CDTR)
Il est à noter qu’au moment où se déroulait cette
inauguration, les professeurs vacataires du collège technique de développement
rural (CDTR) observaient une grève de 10 jours commencée ce même mardi 28
octobre 2014. Ces enseignants, qui affirment ne pas être payés depuis l’année
2009, revendiquent le paiement de frais de vacation qui s’élèvent à… 25 millions
de francs CFA, soit quarante fois moins que le milliard de francs CFA évaporés
du don angolais, une goutte d’eau.
Ceux-ci n’auront donc pas vu la couleur de
l’argent !
Dites-moi que je me trompe…
Les Casques Bleus libèrent une soixantaine
d’otages de l’ex-Séléka.
La mission intégrée de stabilisation de l’Onu en
Centrafrique a fait connaître mercredi dernier 29 octobre 2014 avoir réussi à
libérer 67 civils qui avaient été pris en otage par des éléments de
l’ex-rébellion Séléka.
Ces civils avaient été enlevés le 21 octobre 2014,
dans le centre du pays, lorsque la région de la Ouaka a été le théâtre
d’affrontements violents, et sans répit des mois durant, entre groupes armés
rivaux.
Lors de la même conférence de presse, la
porte-parole de la Minusca a affirmé que l’impunité battait son plein, citant
les nombreux cas de meurtres et d’enrôlement d’enfants par les mouvements en
conflits. Elle a cependant assuré que la Minusca travaillait en étroite
collaboration avec les autorités centrafricaines en vue du redressement de
l’appareil judiciaire. On veut bien la croire, en espérant que les responsables
rebelles de ces zones de combat, qui bénéficient de mesures de confiance, seront
bientôt l’objet de poursuite pour « enlèvement, séquestration, prise en
otages et détention arbitraire, violences en réunion, et association de
malfaiteurs en bandes organisées ».
Dans le doute, nous nous abstenons de faire des
pronostics.
Des élections générales en août 2015 au plus
tôt.
Dans la capitale centrafricaine, Bangui, où plus
personne ne croit au respect de la fin de la transition « sifflée »
par le chef de l’Etat de la transition pour le 15 février 2015, les élections
générales seraient différées d’au moins un semestre (six
mois).
Lors d’un récent « briefing politique »
de la Minusca, il fut question d’un report à la mi-août, période au cours de
laquelle les « conditions minimales » de la tenue d’une consultation
électorale crédible pourraient être réunies. Il y a un mois cependant, le
président de l’Autorité nationale des élections (ANE) disait pis que pendre de
cette même période, soumise aux aléas et caprices de la pluviométrie
équatoriale. Il serait donc illusoire de prendre pour argent comptant le
pronostic de la Minusca, sauf à faire voter les grands électeurs au suffrage
universel indirect, comme nous le suggérons par ailleurs, laissant le soin au
prochain président ainsi démocratiquement élu d’élaborer une nouvelle
constitution soumise à référendum afin d’organiser des élections législatives
transparentes et crédibles. Il appartient au CNT d’en
décider.
Alors oui, des élections présidentielles en août
2015 par un collège de grands électeurs, nous souscrivons.
Le retour à une situation normale des pouvoirs
publics … qui peut être contre ?
Les militaires africains ont un problème avec
l’ordre et la discipline.
Depuis un an au moins, le peuple burkinabè s’est
mobilisé, invitant son président depuis 27 ans, Blaise Campaoré, de s’abstenir
de briguer un 5ème mandat consécutif. Ce dernier passa outre cette
recommandation populaire, sans doute mal conseillé par ses hommes de cour. Le
« beau Blaise » fut contraint à la démission et condamné à l’exil. Le
président s’en va, l’armée arrive. Pourtant, la constitution du pays est
limpide : en cas de vacance du pouvoir, par démission, décès ou incapacité,
l’intérim de la présidence de la République est assurée par le président de
l’Assemblée nationale.
Apparemment, les militaires burkinabè ne savent
pas lire : le commandement en second de la Garde présidentielle, un
lieutenant-colonel, se promeut chef de l’Etat de transition, au mépris de la
règle de discipline des armées qui, appliquée à la lettre, aurait confié cette
mission à l’officier général le plus ancien dans le grade le plus élevé, le
général chef de l’état-major du pays.
Même au sein des armées, la tradition se
perd !
L’art d’attirer la couverture
médiatique.
A la question selon laquelle comment la Minusca
peut-elle obtenir des résultats là où la force de l’Union africaine et
l’opération française Sangaris n’ont que très partiellement réussi, le
responsable de recherches au programme Afrique de l’organisation non
gouvernementale Amnesty International est sans appel : « Bien que
déployés dans des endroits stratégiques, 10 000 ou même 6 000 hommes peuvent
remplir la mission s’ils sont mobiles et efficaces. Le plus important est
d’avoir une stratégie concrète de protection. Hélas, c’était loin d’être le cas
jusqu’à présent. Beaucoup de témoins ont vu des civils se faire tuer à proximité
des militaires de la Misca ou de Sangaris qui préfèreraient ne pas intervenir de
peur de déclencher une réaction qu’ils ne pourraient pas contrôler. Les troupes
doivent être formées à ce genre de situations ». Bigre ! Christian
Mukosa semble ignorer que l’Onu n’a pas de véritables troupes à disposition et
dépend entièrement du bon vouloir des Etats membres.
Notre expert va plus loin : « Cela n’a
pas de sens d’envoyer un tank contre des individus qui sont armés de machettes.
Il est préférable de faire intervenir des éléments formés au maintien de
l’ordre… C’est pourquoi nous avons suggéré aux autorités centrafricaines de
restaurer rapidement les forces de police avec l’appui des forces
internationales ».
A vouloir attirer la couverture médiatique à soi,
le responsable de recherches du programme Afrique d’Amnisty International manque
de lucidité et d’élégance !
Quand on n’est pas sur le terrain, on peut
toujours s’agiter sur sa chaise et crier « Haro sur le
baudet ».
La Légion belge ne sautera pas sur
Bangui.
L’armée belge vient, pour la seconde fois en
quelques mois, de renoncer à participer à l’opération militaire de l’Union
européenne en Centrafrique (Eufor-RCA), pour des raisons de restriction
budgétaire.
Le contre-ordre est venu après que l’état-major de
la Défense eût appris l’ampleur des économies que lui imposent le gouvernement
belge pour l’an prochain, soit 220 millions d’euros.
La Belgique avait déjà dû renoncer l’an dernier,
pour des raisons également budgétaires, à participer à la force européenne en
Centrafrique, malgré les appels répétés à la solidarité lancés par la
France.
Pourtant, les soldats belges sont déjà présents en
République démocratique du Congo, et n’auraient que l’Oubangui à traverser pour
être à pied d’œuvre, où un contingent de la RDC est intégré au sein de la
Minusca.
Un tien vaut mieux que deux tu
n’auras !
La famille Bozizé désormais en coupes
règlées.
Par un arrêté du ministère des Finances publié au
journal officiel du 31 octobre 2014, les avoirs de Jean-Francis Bozizé, le fils
de l’ancien président déchu François Bozizé, sont gelés. Cette mesure concerne
également trois autres citoyens français d’origine centrafricaine et un autre
d’origine tchadienne. Ils sont accusés d’œuvrer à la déstabilisation de la RCA
et à agir à l’encontre des résolutions 2134, 2127 et 2121 du Conseil de sécurité
des Nations unies, de tenter « de commettre un acte de terrorisme (…) dans
le but de gravement intimider une population, contraindre indûment des pouvoirs
publics et gravement déstabiliser les structures fondamentales politiques et
constitutionnelles d’un pays ». Sont interdits de leur part les mouvements
ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à leur
bénéfice. Le président déchu François Bozizé est également frappé des mêmes
dispositions, lesquelles entrent en vigueur pour une durée de six
mois.
Il n’y a que le chef de l’Etat de la transition,
qui consulte régulièrement l’ancien président déchu tout comme son collègue
démissionnaire, pour penser que François Bozizé dispose d’une influence
susceptible de favoriser la paix en Centrafrique.
Elle vient d’être désavouée par ses
parrains !
Paris, le 5 novembre 2014
Prosper INDO