Centrafrique : Chroniques
douces-amères – 23
« Sans la liberté de
blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »
(Beaumarchais)
Au royaume de l’impunité, le chef
rebelle Miskine libéré.
La libération d’Abdoulaye
Miskine, ainsi que celle de trois de ses proches, a été obtenue hier jeudi 27
novembre 2014 par les membres du Front démocratique du peuple centrafricain
(FDPC), en échange de la libération la veille du prêtre polonais Mateusz
Dziedzic et de 26 autres otages civils, dont 15 camerounais. L’otage et le
leader de ses ravisseurs ont voyagé à bord du même avion affrété par le
président congolais Denis Sassou Nguesso, et devaient être reçus ensemble par ce
dernier. Les rebelles du FDPC ont donc obtenu gain de
cause.
Selon le « général »
Miskine, alias Martin Koumtanmadji, un ancien allié de l’ex-Séléka, après avoir
participé au coup d’Etat du général François Bozizé en 2003, « nous allons
jouer sur beaucoup de choses pour que la paix puisse revenir définitivement dans
notre pays ».
A voir la liste des hommes
politiques qui se précipitent pour revendiquer le dénouement de cet enlèvement,
la route vers la paix risque d’être longue et
tortueuse !
La mine d’or de Ndassima est
toujours aux mains des ex-Séléka.
L’exploitation de la mine d’or
de Ndasssima, propriété de la société canadienne Axmin, fermée dès 2011 du fait
de l’insécurité grandissante en RCA, a été reprise par les rebelles de
l’ex-alliance Séléka qui la contrôlent toujours. Plusieurs milliers de personnes
s’y sont installées et pratiquent l’exploitation artisanale ; ce sont les
rebelles qui achètent l’or aux mineurs. Le gouvernement de transition, toujours
réduit à réclamer la levée partielle de l’embargo du processus de Kimberley qui
frappe l’exportation des diamants centrafricains, demeure impuissant à définir
une stratégie de la reprise en main de cette filière.
En 2013, l’exploitation
frauduleuse de Ndassima avait provoqué un effondrement de la mine, causant la
mort de 27 personnes.
Bisbille autour la réforme du
code électoral.
Le Conseil national de
transition, le parlement intérimaire centrafricain, qui travaille depuis une
semaine sur le projet de révision du code électoral, a renvoyé sa copie au
gouvernement, en demandant plus de concertation sur le sujet. En 2013, lors de
la rédaction de la première mouture du texte, les membres du CNT avaient
introduit la nécessité du recours à la biométrie et l’obligation de découpler
les scrutins présidentiel et législatif. Un an plus tard, le processus est en
panne : les réformes proposées s’avèrent dispendieuses et les partenaires
de la RCA se refusent à les prendre en charge.
Le processus électoral prend
donc du retard et il n’est pas certain que les élections puissent être
organisées avant le mois d’août comme cela a été décidé par le Groupe
international de contact.
Michel Djotodia dans l’œil du
cyclone.
Les experts des Nations unies
ont proposé au Conseil de sécurité de l’ONU de sanctionner une dizaine de
personnalités physiques ou morales de l’ancienne transition, dont le président
démissionnaire Michel Djotodia. Cette liste comporte des noms de trafiquants de
ressources naturelles ainsi que deux compagnies de diamants, Badica en
Centrafrique et sa filiale belge, Kardiam. Le dirigeant de Badica, Abdoul-Karim
Dan Azoumi, passe pour le financier du coup d’Etat de la Séléka le 23 mars 2013.
Michel Djotodia, lui, se voit reprocher ses références constantes à la partition
du pays.
Dans leur rapport rendu fin
octobre 2014, les experts estiment que ces personnalités compromettent la paix,
la stabilité et la sécurité en RCA et proposent le gel de leurs avoirs et une
interdiction de voyager.
Le RPRC annonce la fin de la
lutte armée.
Les rebelles de l’ex-alliance
Séléka regroupés au sein du Rassemblement patriotique pour le renouveau de la
Centrafrique (RPRC) ont annoncé lundi 24 novembre 2014 la fin de la lutte armée
et se disent favorables au dialogue avec les autorités de la transition pour le
retour à la paix dans le pays. Le mouvement avait été créé à Bambari (grâce à la
logistique de la Minusca !) pour faire contrepoids au Front patriotique
pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Norredine Adam et Michel
Djotodia, créé en juillet 2014.
Il reste que le RPRC comporte
deux branches : une politique dirigée par Gontran Djono Aba, le neveu de
Michel Djotodia, et Abdoulaye Hissene, conseiller de la présidente de
transition, et une branche militaire dirigée par le « général » Joseph
Zoundeko.
Cependant, le RPRC qui fait
montre de sa volonté de participer à la réalisation du programme de désarmement,
démobilisation et réinsertion (DDR), n’a avancé aucune date pour le désarmement.
Alors ?
Martin Ziguélé à la présidence de
la transition.
Le chef de l’Etat de la
transition, Catherine Samba-Panza, qui opte toujours selon ses conseillers pour
l’implication de tous les acteurs de la vie politique et sociale de la RCA dans
le processus de transition en cours, aurait accordé un entretien ce jeudi 13
novembre 2014 à Martin Ziguélé, président du mouvement de libération du peuple
centrafricain (MLPC).
Ce dernier vient d’être
désigné, par acclamation, comme le candidat du mouvement au futur scrutin
présidentiel devant être organisé avant le mois d’août
2015.
Les sujets abordés n’ayant pas
filtré, on se doute que l’impétrant n’est pas allé faire le tour du futur
propriétaire, la route est encore bien longue de la coupe aux
lèvres.
Les voraces et les
coriaces.
Les corrompus ont semble t’il
la vie dure et le cuir tanné épais. Bangui, la capitale centrafricaine, fait
aujourd’hui courir la rumeur du zèle intempestif du nouveau responsable des
douanes de l’aéroport international de Bangui-M’Poko, et déjà remarqué par sa
volonté de taxer à hauteur de 200.000 francs CFA les cartons d’un don de
médicaments, jouets et vêtements usagers, envoyés depuis Paris et destinés aux
déplacés et refugiés du pays. Le nouveau responsable de ce service, une
commissaire à la retraite récemment affectée à ce poste, ne serait autre qu’une
amie du chef de l’Etat de la transition et la compagne d’un ancien
premier-ministre d’Ange Félix Patassé, 1er vice-président du
mouvement de libération du peuple centrafricain de Martin Ziguélé et,
accessoirement, actuel Inspecteur général d’Etat, l’organe chargé du contrôle de
la bonne administration des services publics. Tant d’intérêts personnels
imbriqués laissent pantois, dans un pays où le chômage des jeunes diplômés
explose.
En son temps déjà, le président
déchu François Bozizé avait également nommé des infirmiers ou instituteurs
retraités à la tête de certaines préfectures ou sous-préfectures. On connait le
résultat.
Vous avez dit
favoritisme ? Non, personne n’a dit
favoritisme !
Les voraces et les coriaces
2 : un décret « muet » qui fait jaser.
Un décret « muet »,
c’est-à-dire non rendu publique, a récemment nommé M. Michel Koyt, ancien
ministre dans les gouvernements du président déchu François Bozizé, comme
conseiller à la présidence de transition. L’heureux bénéficiaire de cette
nomination faite en catimini, un familier du palais de la Renaissance, n’est
autre que l’ancien ministre chargé du Secrétariat général du gouvernement et des
relations avec les Institutions compromis, en même temps que le conseiller du
premier-ministre d’alors chargé de la bonne gouvernance, Abdallah Kadre, dans
une affaire de détournement de fonds d’un don du gouvernement indien
(déjà !). Les deux hommes et 8 autres personnes étaient accusés de
détournement, complicité de détournement, faux et usage de faux, une affaire de
2,6 milliards de francs CFA, soit l’équivalent de la masse salariale mensuelle
de la fonction publique centrafricaine. Michel Koyt fut limogé et croupissait en
prison depuis 2012.
Comme il n’est pas fait état
d’une évasion ces derniers temps à Ngaragba, on peut parier que l’intéressé a
fait l’objet d’une mesure de grâce présidentielle ou de dispense de peine, bien
que l’affaire n’ayant pas encore été jugée.
Vous avez crié à
l’impunité ? Non, personne n’a crié à
l’impunité !
Les voraces et les coriaces
3 : JCS roule sur l’or.
Décidément, la rumeur
banguissoise se fait implacable. Ces jours-ci, elle colle aux basques du père de
la secrétaire personnelle du Chef de l’Etat et fille de la présidente de la
transition, dont le père roulerait désormais carrosse à Bangui, après des années
d’exil en France. Ce dernier, qui est rentré à Bangui après l’élection de
Catherine Samba-Panza, aurait bénéficié d’un rappel de salaires et traitements
d’un montant équivalent à la durée de son exil volontaire, disposerait d’un
bureau à la présidence, de l’accès à l’Internet, et roulerait dans un 4 X 4
flambant neuf. Rien n’avoir avec le dernier don angolais, on vous l’assure.
Ange Félix Patassé s’était
octroyé le même traitement lors de son élection à la magistrature suprême, en se
faisant attribuer dix années de salaires cumulés de premier-ministre de retour
d’exil.
On ne peut critiquer une enfant
de veiller sur les vieux jours paternels, c’est une loi de la
nature.
Vous avez dit népotisme ?
Non, personne n’a dit népotisme !
Paris, le 28 novembre 2014
Prosper
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