Bangui ou la cour
des miracles.
Trois informations
de grande importance viennent confirmer ce que tout le monde craignait :
l’instrumentalisation du Forum national de Bangui.
On notera au
passage que le dialogue inclusif de réconciliation nationale a perdu de vue son
objectif initial, le dialogue inclusif, pour n’être plus qu’un débat
inter-centrafricain sans but affirmé.
1 – La première
information se présente sous la forme d’un communiqué de l’alliance des forces
démocratiques pour la transition (AFDT), par lequel ce groupement de partis
politiques interprètent à sa façon, c’est-à-dire a minima, les dispositions de
l’article 106 de la Charte constitutionnelle de transition relatives à
l’inéligibilité des autorités de la transition. Pour l’AFDT, « cette
restriction ne concerne que les personnes qui sont en charge aujourd’hui de la
gestion de l’Etat ».
L’AFDT découpe
donc la transition en rondelles, suivant l’intérêt de ses membres, tous
candidats aux prochaines présidentielles.
A les suivre dans
cette interprétation, Madame
Catherine Samba-Panza peut-être fondée, soit à démissionner dès à présent pour
se présenter aux élections présidentielles de juillet 2015, soit attendre la fin
de son mandat en août 2015, jouant l’inertie, et se présenter à des élections
qui se dérouleraient éventuellement en décembre
2015 !
On perçoit
l’inanité de cette thèse qui oublie que la transition instituée par la Charte
constitutionnelle est d’un seul tenant. Elle constitue une seule et même
période.
2 – La seconde
information importante est la désignation par décret de Jean-Jacques Démafouth
en qualité de Coordonnateur général du comité technique du Forum national de
Bangui. L’impétrant n’est autre que l’actuel ministre conseiller du Chef de
l’Etat de la transition, en charge des relations avec les institutions de la
communauté internationale et les forces internationales. Rappelons que
l’intéressé occupait déjà, sous François Bozizé et Michel Djotodia, les
fonctions de vice-président du programme de désarmement, démobilisation et
réinsertion (DDR), lequel fut un échec complet et explique en grande partie la
crise politico-militaire en cours.
La nomination de
ce dernier relève de la manipulation, puisque seul le Comité technique a la
charge de désigner les participants au Forum de Bangui, de définir par arrêté
les différents thèmes soumis à débat, et de lancer les invitations !
C’est un pied de
nez aux instances internationales qui s’acharnent à tenir la tête de la
République Centrafricaine hors de l’eau, en particulier le groupe international
de contact sur la RCA (GIC-RCA). Alors même que cette instance, réunie fin mars
à Brazzaville, a fait la recommandation de l’organisation des élections dans les
délais prescrits, Jean-Jacques Démafouth s’inscrit en faux, estimant que les
dites élections pouvaient se tenir d’ici décembre 2015 !
On voit ainsi la
voie ouverte aux supputations les plus diverses. C’est une manière de prolonger
la transition au-delà de son terme officiel, quitte à se placer dans la
succession de Mme Samba-Panza.
3 – La troisième
information d’importance, si elle venait à se confirmer, concerne la rumeur
entourant le départ probable de l’ambassadeur de France à Bangui, Charles
Malinas.
Quels que soient
les motifs de ce rappel, ce départ est une mauvaise nouvelle. On ne peut
s’empêcher de penser à la prise de position ferme tenue par le diplomate
français pour des élections organisées dans les délais impartis, d’ici trois
mois, et une fin de transition fixée au 16 août
2015.
Cette mutation
brutale survient au lendemain du séjour à Paris, début avril, du ministre
conseiller Jean-Jacques Démafouth. Après la réduction du format des forces
militaires françaises Sangaris, la fin de la mission des troupes européennes de
l’EUFOR-RCA le 15 mars dernier et, bientôt semble-t-il, le départ probable du
Général Babacar Gaye, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU à
Bangui et chef de la Minusca, le rappel de Charles Malinas confirmerait le
retrait programmé de la France de ce théâtre d’opérations et un tournant décisif
dans la crise centrafricaine.
On peut d’ores et
déjà craindre le retour des désordres et autres palinodies africaines
antérieures avec la Monuca, la Bonuca, la Micopax et autre Misca, qui se sont
distinguées en Centrafrique par leur inaction. Le renforcement des effectifs de
la Minusca n’y fera rien. C’est le retour assuré à la confusion, aux régimes
criminels des chefs de guerre, à la résurgence des actes de barbarie et,
surtout, la partition du pays espérée par certains.
Il faut en effet
relever que, parmi les membres du dit Comité Technique du Forum national de
Bangui, figurent au moins deux théoriciens de la partition de la RCA et de la
création de l’Etat du Dar El Kouti, fervents partisans de la réhabilitation du
sultan Sénoussi.
En conclusion, en
cautionnant une lecture parcellaire, partielle, partiale et minimaliste de la Charte
constitutionnelle de la transition, et en étant favorables par ailleurs à une
nouvelle transition, les chefs politiques de l’AFDT sont en train de scier le
baobab sur lequel ils se sont agglutinés, blottis les uns contre les autres,
tels des passereaux chahutés par le vent. C’est une stratégie suicidaire qui se
traduira immanquablement par l’apparition des désordres et
« concernements » collectifs.
D’un autre côté,
le Forum national de Bangui, tel qu’il est agencé, vise à faire un « coup
d’Etat » organisé et instrumentalisé par ceux qui, depuis deux ans au
moins, s’acharnent à détruire l’unité de la République Centrafricaine, ceux qui,
depuis deux ans déjà, organisent pour leur seul profit le débit des aides
internationales, pendant que notre peuple souffre de mille
misères.
Ce Forum national
de Bangui vise à faire un « coup d’Etat » pour plonger de nouveau
notre République Centrafricaine dans le vide constitutionnel sidéral et ajouter
de la confusion à la confusion.
En effet,
lorsqu’arrivera l’échéance de la fin du pouvoir de transition au mois d’août
prochain, il y aura une vacance du pouvoir… et Jean-Jacques Démafouth succédera
à Catherine Samba-Panza, dans un scénario établi à l’avance, celui du couple
Poutine-Medvedev !
C’est la raison
qui m’a conduit à proposer l’élection du prochain président au suffrage
universel indirect, par un collège de Grands
Electeurs.
Peuple de
Centrafrique, réveille-toi !
Paris, le 8 avril
2015
Prosper
INDO
Haut-Commissaire
Général du CNR