L'Appel
de Rome initié par San’Egidio, la réconciliation nationale et le positionnement
des autorités centrafricaines
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L'Appel
de Rome est-il utile pour la réconciliation nationale en Centrafrique
?
06/03/2015
à 17:30 Par Didier Niewiadowski
Les
accords de réconciliation nationale se succèdent sans avoir un réel impact sur
le processus de retour à la paix et sur la situation humanitaire. Après
Libreville, N’Djamena, Brazzaville, Nairobi voici maintenant "l’Appel de Rome au
peuple centrafricain et à la communauté internationale", lancé le 27 février
2015, par 9 responsables politiques dont plusieurs ont l’intention de solliciter
les suffrages du peuple centrafricain.
Ce
déplacement à Rome, organisé par la communauté Sant’Egidio, intervient alors que
le médiateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou
Nguesso, se trouvait en visite officielle à Rome. Il s’agit peut-être d’une pure
coïncidence, mais on peut aussi y voir une nouvelle tentative du président
congolais de sous-traiter sa médiation.
De
plus en plus fragilisé par l’affaire des "biens mal acquis" et son projet de
révision constitutionnelle, Denis Sassou Nguesso éprouve une grande lassitude
vis-à-vis de la crise centrafricaine, surtout depuis la nomination de Mahamat
Kamoun et le regain d’influence du président tchadien, Idriss Déby Itno. Après
le flop de la réunion de Nairobi, associant les deux principaux protagonistes du
drame centrafricain, le président congolais compte mobiliser davantage les
réseaux de la franc-maçonnerie et s’appuyer sur quelques personnalités -
nostalgiques de l’ère Patassé, membres de l’Alliance des Forces démocratiques de
la Transition (AFDT) - pour peser sur le prochain Forum national de la
réconciliation de Bangui et mettre le pied à l’étrier aux candidats à l’élection
présidentielle présents à Rome.
L’Appel
de Rome, fruit d’une initiative qui est loin de faire l’unanimité en
Centrafrique, réunit des personnalités politiques de premier plan, mais il est
bien trop connoté pour prétendre peser sur le Forum de Bangui. Il est aussi trop
éloigné du scrutin pour avoir une quelconque influence sur la future compétition
électorale. Une réconciliation nationale et des élections crédibles et
pacifiques ne peuvent être envisagées sans la participation des autres anciens
Premiers ministres et des candidats à l’élection présidentielle. Un appel au
peuple centrafricain, lancé de l’étranger, par des personnalités ayant pour
ligne d’horizon l’élection présidentielle, a peu de chances de trouver un écho
favorable chez les deux millions de Centrafricains vivant hors de leur
domicile.
Les
choix de la Communauté Sant’Egidio et de Rome ne peuvent qu’irriter les
responsables musulmans, appartenant ou pas à la mouvance Séléka. Qu’aurait-on
dit d’une initiative de l’Organisation de la coopération islamique pour un appel
lancé depuis Djeddah ? On peut également s’étonner de voir des leaders de
l’AFDT accepter de se rendre à Rome alors qu’ils avaient refusé de se rendre à
Brazzaville. L’Accord de fin des hostilités de Brazzaville, du 23 juillet 2014,
ne doit pas être pollué par des gesticulations politico-médiatiques, surtout à
quelques semaines de la tenue du décisif Forum national de Bangui. Il est
également étonnant que Mgr Nzapalainga, inlassable pèlerin de la paix très
écouté par le Vatican, n’ait pas été associé à l’initiative de Sant‘Egidio, ce
qui aurait peut-être évité le format retenu pour lancer l’Appel de
Rome.
Évidemment,
les engagements pris par les signataires de l’Appel de Rome de "ne pas recourir
à la force pour devenir président", de participer à des "élections libres et
pacifiques" de "respecter les résultats des élections" et de "soutenir
l’Autorité nationale des élections" sont les bienvenus. Mais seront-ils reçus
par les groupes armés des forces négatives ?
On
peut regretter, une fois de plus, qu’une réunion de réconciliation soit
organisée hors de Centrafrique, surtout peu de temps avant le Forum national de
Bangui, pour lequel la présidence et le gouvernement de Transition ont déployé
beaucoup d’énergie et de moyens. Il est dommage que la Communauté Sant’Egidio
n’ait pas pris en compte cette importante échéance afin d’éviter toute nouvelle
source de division, comme peut apparaître, paradoxalement, l’Appel de Rome. Il
serait bon que la Communauté Sant’Egidio analyse l’échec de sa précédente
intervention en Centrafrique, avec la conclusion d’un Pacte républicain, signé à
Bangui le 7 novembre 2013, qui n’aura pas tenu un mois.
Universitaire
et analyste politique, Didier Niewiadowski a été conseiller de coopération et
d'action culturelle à l'Ambassade de France à Bangui
(2008-2012).
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Centrafrique/Bangui
: Les autorités de la transition sont informées de la rencontre de Rome, selon
Léa Koyassoum Doumta
Bangui,
07 mars 2015 (RJDH)—La vice-présidente du Conseil National de Transition et
présidente par intérim du Parti de l’Unité Nationale (PUN) a déclaré que la
rencontre de Rome qui a débouché sur la signature de l’appel de Rome du 27
février 2015 était portée à la connaissance des autorités actuelles. Pour
preuve, l’ordre de mission de certains participants était signé par le président
du parlement provisoire et aussi le premier ministre a facilité le déplacement
d’autres participants en leur offrant des billets d’avion.
La
déclaration est faite ce samedi 07 mars 2015 lors de la rencontre de
Léa
Koyassoum Doumta avec les leaders de certains partis politiques
et les membres de l’Association (MNS) à Benz-Vi sur l’appel de
Rome.
Selon
la deuxième personnalité qui répondait à la préoccupation d’un participant à
cette rencontre, « nous ne
pouvons pas dire que le gouvernement n’était pas informé de la réunion de Rome
puisque la conseillère Béatrice Epaye et moi-même avions reçu notre ordre de
mission écrit du président du CNT qui représente le pouvoir législatif en ce
moment de la transition ».
Si
le législatif est informé par son président, l’Exécutif est quant à lui informé
par le chef du gouvernement de transition, Mahamat
Kamoun. « Lorsque
l’invitation de Rome était venue, il n’y avait pas de frais de transport. Nous
nous sommes rapprochés du premier ministre qui a assurés notre
déplacement », dit-elle sans préciser l’identité de ceux qui
avaient été pris en charge par l’enveloppe du
gouvernement.
Elle
a également expliqué que « la rencontre
de Rome s’est adressée à des leaders d’opinion, qui n’ont pas nécessairement
besoin de l’autorisation du gouvernement pour se
déplacer ».
Le
RJDH n’a pu joindre le gouvernement et le CNT pour des
réactions.
Toutefois,
un homme politique également invité à cette rencontre a confié au micro du RJDH
qu’il « ne faut pas
confondre informer le gouvernement et impliquer le gouvernement. La
vice-présidente du CNT parle de l’information du gouvernement et du pouvoir
législatif. Or, elle oublie qu’aucune invitation n’a été adressée à ces
autorités-là ».
A
la fin de la rencontre, Léa
Koyassoum Doumta a promis faire, dans un bref délai la
restitution complète de la rencontre de Rome, lorsque les autres signataires
seront à Bangui. Cette réunion se tient 7 jours après la signature de l’Appel de
Rome au peuple centrafricain à et à la communauté
internationale./
Naim-Kaélin
ZAMANE