Centrafrique : une présidentielle d'accord, mais quand
et comment ?
30/05/2015 à
16:49 Par AFP
François Hollande
reçoit le 27 mai 2015 à l'Elysée Catherine Samba-Panza. ©
AFP
Poussée par la
communauté internationale, et notamment la France, la Centrafrique a promis
d'organiser avant la fin de l'année une élection présidentielle et d'en terminer
avec la transition, mais les sceptiques sont déjà
nombreux.
Les élections
"doivent impérativement" se tenir cette année, a déclaré le ministère français
des Affaires étrangères Laurent Fabius, lors de la visite mercredi à Paris de la
présidente de transition centrafricaine Catherine Samba Panza. L'objectif visé
pour ce scrutin, déjà reporté à deux reprises, est désormais le mois de
décembre.
"Comment
voulez-vous tenir le calendrier? On avait dit août, maintenant on dit
décembre... Le pays n'est pas encore pacifié, l'administration n'est pas encore
déployée sur l'ensemble du territoire et les listes électorales sont
inexistantes", les mairies ayant été mises à sac pendant les violences, souligne
un observateur.
La Centrafrique
s'était retrouvée en plein chaos après le renversement en mars 2013 du président
François Bozizé par Michel Djotodia, à la tête d'une rébellion à dominante
musulmane, la Séléka.
Les exactions
commises par la Séléka ont ensuite débouché sur la création de milices
chrétiennes - les anti-balaka - qui s'en sont alors pris aux civils musulmans,
déclenchant des violences interreligieuses qui ont fait des milliers de
victimes. Celles-ci ont conduit à l’intervention militaire de la France et de
l'ONU, à l'éviction de Djotodia et à la mise en place d'une autorité de
transition en janvier 2014.
Manque
d'argent
"Une transition
qui dure, ce n'est plus une transition. On peut organiser des élections avant la
fin de l'année. On ne dit pas que c'est facile, mais on dit que c'est faisable",
souligne une source diplomatique sous couvert de
l'anonymat.
Un des clés du
problème, pour ce pays qui vit sous perfusion de l'aide internationale, est le
financement non seulement des élections, estimé à 14 millions de dollars - c'est
le manque d'argent qui a, en partie au moins, provoqué deux reports du scrutin
jusqu'ici -, mais aussi du programme DDR ("Désarmement, démobilisation,
réinsertion") des anciens combattants.
"Le verrou était
le DDR. Sans DDR, rien ne se passera", estime Anicet Dologuélé, un des favoris
de la présidentielle, ancien Premier ministre sous Ange-Félix Patassé (président
de 1993 à 2003). Il se félicite que les groupes armés aient majoritairement
signé le programme DDR, proposé en mai lors d'un forum à Bangui qui a rassemblé
plus de 600 délégués venus de tout le pays.
Libre circulation
des populations
"Les groupes qui
ne s’engageront pas dans le DDR seront détruits militairement", promet une
source française. Mais le financement du DDR, qui reposera sur l'intégration
économique des hommes armés, notamment grâce à des "Travaux à haute intensité de
main-d'oeuvre" (THIMO, travaux publics avec d'importants recrutements), n'est
encore ni chiffré ni acquis. Il faudra une mobilisation internationale pour
verser de l'argent dans un pays qui paraît "un puits sans fonds depuis des
années", selon un observateur.
"Il faut le DDR,
il faudra aussi s'assurer de la libre circulation des populations, pas seulement
des candidats. Si on n'a pas ça, les gens ne pourront s'inscrire sur les listes
électorales, aller aux meetings ou aller voter", souligne un autre favori de la
présidentielle, Martin Ziguelé, également ancien Premier ministre de
Patassé.
"Pistolet sur la
tempe"
"On ne vote pas
avec un pistolet sur la tempe. Si toutes les conditions ne sont pas réunies, on
risque d'avoir un président mal élu et c'est justement ce qu'il faut éviter si
on ne veut pas repartir pour 10 ans d'instabilité", affirme une source
politique, pour qui le calendrier est "ambitieux".
"Il faudrait
plutôt tabler sur un référendum constitutionnel en décembre, des dépôts de
candidatures en janvier et une élection en mars", poursuit-elle, assurant que
l'ONU se satisferait d'un tel chronogramme "si on prouve qu'on
avance".
Pour le moment,
on recense jusqu'à 70 candidatures, dont la plupart n'iront certainement pas
jusqu'au bout. "Dans un pays où l'organe électoral s'appelle ANE (Autorité
nationale des élections), c'est logique que n'importe qui se voie président",
ironise un Centrafricain.
Source : http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20150530164928/