Miramou
de dos, a été libérée a été libérée avec 20 autres nomades début avril 2015.
Crédits : Anthony Fouchard / Le Monde
Myramou*
a un sourire discret sur son visage triste. Négligemment, elle pose la main sur
son ventre avant de commencer à raconter son histoire. « J’étais
détenue depuis des mois par les anti-balaka, dans un village en brousse,
commence-t-elle avant de s’interrompre. Ils nous forçaient à
travailler pour eux dans les champs. Ils nous battaient. Et puis moi ils
m’ont… »
Sa
voix s’éteint et elle troque le français pour le sango, sa langue natale
: « … Ils m’ont
violée », termine t-elle dans un souffle. Aujourd’hui, Myramou
est enceinte de cinq mois. Son premier enfant. « Personne ne
devrait avoir à subir ce genre de chose. Ce que j’ai dans mon ventre, je ne sais
pas ce que c’est. Ce n’est pas à moi. »
Dans
des petits villages éparpillés à
« Cet
événement témoigne de ce qu’est la réalité Centrafricaine aujourd’hui. La
situation est pacifiée dans les zones urbaines, mais des exactions sont commises
tous les jours en brousse et ne sont pas documentées »,
insiste Dalia Alachi, la porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR),
qui parle de « graves
violations des droits de l’homme ».
Son
calvaire, Myramou a dû le supporter près d’un an. Le 4 avril 2015, une
mission conjointe des Casques bleus et du HCR a permis de la libérer, avec 20
autres peuls retenus captifs.
« Sur
les 6 femmes récupérées, trois ont été violées et sont traumatisées par ce
qu’elles ont vécu. Tous ont rapporté des cas de tortures et de travaux
forcés »,
détaille Dalia Alachi.
Myramou n’a pas été la seule à
subir ces sévices sexuels. D’autres nomades ont servi de concubine pour des
chefs anti-balaka locaux. Les hommes eux, sont progressivement éliminés comme le
rapportent des Peuls à l’ONG Human Right Watch (HRW). « Ils
(les anti-balaka, N.D.L.R.)
disaient, nous ne voulons pas voir d’hommes, nous ne voulons voir que des
femmes. »
Depuis
que cette libération a été rendue publique, les missions en brousse s’enchaînent
et près d’une trentaine d’autres nomades ont ainsi été extraits des griffes des
miliciens. Mais il en resterait « plusieurs
dizaines », selon des estimations récentes du HCR et de Human
Rights Watch. Ce travail est le fruit de la vigilance des comités de protections
locaux, qui alertent les instances onusiennes et les ONG lorsqu’elles apprennent
de telles informations. Charge ensuite aux Casques bleus de négocier les
conditions de la libération avec les chefs de guerre.
Une
fois récupérés par l’ONU, les nomades sont escortés jusqu’à l’enclave musulmane
de Yaloké. Ils troquent l’esclavage contre le cantonnement forcé. Le
gouvernement centrafricain ne veut plus voir « ses
compatriotes quitter le pays, au risque de se faire tuer », sur
la route de l’exode, expliquait récemment Eugénie Yarafa, la ministre des
affaires sociales. Les commanditaires de ces exactions sont connus et même
pointés du doigt par la communauté internationale.
Dans
un rapport, Human Rights Watch dénonce « des crimes de
guerre ». Mais l’impunité a encore de beaux jours devant elle
en Centrafrique, alors même que le projet de cour pénale spéciale vient d’être
entériné par les parlementaires.
*
Le prénom a été changé.